Agroécologie 7 min
Après Artaban, Floreal, Vidoc et Voltis : Coliris, Lilaro, Sirano, Selenor et Opalor, 5 nouvelles variétés de vignes INRAE résistantes au mildiou et à l’oïdium
Didier Merdinoglu, directeur de recherche à l’UMR INRAE-UNISTRA Santé de la Vigne et Qualité du Vin (SVQV), du centre Grand Est-Colmar, présente le programme INRAE-ResDur, à l’origine de la création de nouvelles variétés de vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium, deux maladies majeures de la vigne.
Publié le 08 novembre 2023
Le programme INRAE-ResDur a démarré en 2000 pour répondre à un enjeu primordial de la viticulture, celui de la réduction de l’emploi des fongicides dans les vignobles, tout en gardant un haut potentiel qualitatif du vin. Le projet porté par l’UMR SVQV avait pour ambition de créer de nouvelles variétés de vigne résistantes à deux maladies foliaires et majeures, le mildiou et l’oïdium. En parallèle, SVQV a lancé un programme de recherche visant à comprendre, sur les plans génétique et physiologique, les caractères de résistance, mais aussi de qualité et d’adaptation au changement climatique.
Durant ces 20 années, nous avons identifié et caractérisé des gènes de résistance au mildiou et à l’oïdium, dans des ressources génétiques issues d’espèces sauvages de Vitis apparentées à la vigne cultivée et des géniteurs résistants créés par nos prédécesseurs, chercheurs INRAE ou d’autres instituts étrangers. Nous avons localisé ces gènes sur le génome et développé des outils d’analyse moléculaire pour leur suivi après introduction par croisement naturel dans la vigne cultivée. Les connaissances et les méthodes acquises ont permis de créer de nouvelles variétés dans un processus de sélection qui se déroule en trois étapes. Tout d’abord, la sélection précoce, réalisée sur de jeunes plantules issues d'un croisement entre deux géniteurs aux caractéristiques complémentaires, vise à ne garder que les descendants ayant intégré les gènes de résistance désirés, grâce à des marqueurs génétiques associés. C’est l’étape cruciale mise au point par SVQV qui permet d’analyser par la suite uniquement les vignes portant les gènes de résistance ciblés. Puis, les deux étapes de sélection suivantes, dites intermédiaire et finale, visent à repérer dans une expérimentation au vignoble les variétés candidates possédant les meilleures qualités agronomiques et œnologiques. L’ensemble du processus dure 15 ans et aboutit, en cas de succès, à l'inscription de variétés au Catalogue Officiel, permettant ainsi leur commercialisation. Chaque nouvelle variété constitue une innovation. Une partie de ce travail a été conduite dans le cadre de partenariats, notamment avec l'Institut Français de la Vigne et du Vin, Agri-Obtention, le Julius Kuhn Institut en Allemagne, et l’Agroscope en Suisse.
Quatre premières variétés, deux à raisins rouges (R) Artaban et Vidoc et deux à raisins blancs (B) Floreal et Voltis, intégrant chacune deux gènes de résistance au mildiou et deux à l’oïdium, ont été inscrites au Catalogue Officiel en 2018. À partir de 2021, Coliris (R), Lilaro (R), Sirano (R), Selenor (B) et Opalor (B) sont venues étoffer la liste des variétés INRAE-ResDur, avec de nouvelles combinaisons de gènes de résistance, permettant de diversifier la liste de facteurs utilisés pour une meilleure durabilité. Une dizaine de futures variétés sont encore en cours de sélection.
Le déploiement des nouvelles variétés résistantes chez les viticulteurs bénéficie d'un processus continu de suivi à travers l’observatoire OSCAR (Observatoire national du déploiement des cépages résistants). Ce réseau regroupe des viticulteurs et plusieurs partenaires de la filière viti-vinicole française. Il permet d'acquérir des données sur la durabilité des résistances, l’émergence de nouvelles maladies, ou encore les itinéraires techniques spécifiques à la conduite de ces variétés. OSCAR a, par exemple, permis de constater, qu’en situation réelle de production chez des viticulteurs, l'utilisation de nos nouvelles variétés conduisait à une réduction effective en traitements fongicides de l'ordre de 90 %.
En conclusion, le programme INRAE-ResDur est tout d’abord la preuve de concept que l’association "résistance aux maladies + qualité œnologique" dans une variété de vigne à faible exigence en intrants phytosanitaires est possible. Grâce à ce constat, des partenariats ont été établis avec la quasi-totalité des vignobles français pour développer de nouvelles variétés résistantes à typicité régionale, c’est à dire, des variétés cherchant à s’approcher au plus près des caractéristiques œnologiques des variétés emblématiques de chaque région. Mais, au-delà de son impact sur les pratiques viticoles, INRAE-ResDur est également porteur de connaissances sur les gènes responsables de la résistance et d'innovation en terme de stratégie de sélection, tant à travers les connaissances acquises et la méthodologie développée durant ces 20 dernières années que les futures perspectives ouvertes par la sélection génomique.