Agroécologie 3 min

Agriculture de conservation : se passer de labour, pas si facile

L'absence de travail du sol, en particulier de labour, est un des trois grands principes de l'agriculture de conservation. La suppression du labour favorise l’accumulation de matière organique en surface mais peut avoir un effet négatif sur la structure du sol.

Publié le 08 novembre 2013

illustration Agriculture de conservation : se passer de labour, pas si facile
© INRAE

Les fonctions du labour

Se passer de labour implique de suppléer à ses fonctionnalités qui sont multiples :

  • Enfouissement et mélange de la matière organique provenant des résidus de la culture précédente
  • Enfouissement et mélange des matières fertilisantes et amendement
  • Aération et restructuration du sol, facilitant la création d’un lit de semences favorable et permettant le bon enracinement des cultures  et la circulation de l’eau et de l’air
  • Gestion des adventices (enfouissement des graines et des plantes) et gestion des maladies cryptogamiques.

La gestion des adventices fera l’objet d’un traitement à part (lire l'article).

Le travail du sol conditionne la dynamique des matières organiques. Des essais menés sur le site de Boigneville par l’ITCF (1) et INRAE pendant près de trente ans (2) ont montré que les systèmes sans labour (travail superficiel et semis direct) favorisent une plus forte accumulation de matière organique dans la couche superficielle du sol (+14% et +13% du stock initial respectivement) que les systèmes avec labour (+7%). Des mesures à l’aide de Carbone 13 ont également mis en évidence sur ces essais que la décomposition de la matière organique est environ deux fois plus lente en semis direct qu’en système avec labour. De plus, un enrichissement du sol en matière organique peut être obtenu grâce aux cultures intermédiaires, comme l’a montré en particulier l’étude sur les CIPAN de 2013 (3).

Les problèmes de tassement du sol

Suivant les climats et les types de sol, la suppression du travail du sol peut s’accompagner d’une dégradation physique des sols. Si le problème se pose peu dans le sud du Bassin parisien, où les récoltes se font en été et les semis au cours de l’automne pour les cultures d’hiver, il est plus critique dans les régions du Nord où les récoltes se font plus tardivement (maïs, betterave), avec des risques de pluies qui rendent le sol plus sensible au tassement, et dans l’ouest en systèmes d’élevage avec maïs fourrage. L’importance des périodes de récolte a été mise en évidence dans le cadre d’un essai implanté au début des années 1990 sur le domaine expérimental INRAE d’Estrées-Mons (4).

 

Les facteurs de décompactage du sol

Des travaux de recherche s’intéressent également aux capacités de régénération du sol. L’influence du climat sur ce processus a été étudiée à INRAE depuis les années 90 (5) : lorsque le sol sèche, il y a des phénomènes de retrait-gonflement des argiles qui recréent des fissurations, donc une porosité bénéfique à la structure du sol. Il n’est d’ailleurs pas conseillé de supprimer définitivement le labour dans les sols dont la teneur en argiles est inférieure à 15%, cas de la majorité des sols cultivés en France. D’autres travaux ont étudié le décompactage du sol par l’action des racines de plantes de couverture (6).

Plus récemment, des chercheurs de plusieurs équipes INRAE ont analysé le décompactage du sol par la macrofaune du sol, notamment par les vers de terre (7). Novatrice à la fois par la méthodologie employée (la tomographie aux rayons X, qui permet de visualiser les réseaux de galeries creusés par les lombriciens), et par ses résultats, cette étude a montré que deux ans sont nécessaires à ces derniers pour redonner à un sol compacté sa porosité initiale.

 

(1) L’ITCF est devenu Arvalis-Institut du végétal.

(2) Balesdent J. 1997. Un point sur les matières organiques des sols. Chambres d’agriculture, supplément au n°856, 17-22.

(3) Etude conduite par INRAE à la demande des ministères chargés de l’Agriculture et de l’Ecologie, dans le cadre de la directive européenne « Nitrate ». 2012. Cipan : cultures intermédiaires pièges à nitrates. L’étude a montré que les Cipan sont efficaces dans la plupart des situations expérimentées, pour réduire la lixiviation de nitrate et donc sa concentration dans l’eau de drainage. A partir de 2012, couvrir le sol avant une culture de printemps est devenu obligatoire dans les zones vulnérables répertoriées par la directive nitrates.

(4) Boizard H., Soil & Tillage Research 2013 : Using a morphological approach to evaluate the effect of traffic and weather conditions on the structure of a loamy soil in reduced tillage.

(5) C.R.Acad. Agric. Fr., 2012, 98, n°1. Séance du 8 février 2012.

(6) Carof, M. et al. 2007. Hydraulic conductivity and porosity under conventional and no-tillage and the effect of three species of cover crop in northern France. Soil Use and Management 23, 230-237.

(7) Capowiez Y. et al. 2012. Role of earthworms in regenerating soil structure after compaction in reduced tillage systems. Soil Biology & Biochemistry 55, 93-103

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