Agroécologie 3 min
83 % du patrimoine génétique du vanillier élucidé
COMMUNIQUE DE PRESSE - La quasi-totalité de la vanille commercialisée dans le monde est le fruit d’une seule espèce : Vanilla planifolia. La faible diversité génétique des vanilliers cultivés rend la filière particulièrement sensible aux risques, climatiques ou sanitaires. En publiant la séquence de 83 % du génome du Vanilla planifolia, un consortium de recherche, coordonné par le Cirad à La Réunion, ouvre la porte à la création mieux ciblée et plus rapide de nouvelles variétés. Les travaux sont publiés dans Plant communications.
Publié le 06 mai 2022
La séquence de la presque totalité du génome de Vanilla planifolia, vanillier à l’origine d’un des arômes les plus consommés au monde, est désormais à disposition du public et de la recherche. Cette découverte est le fruit de quatre ans de recherches menées par un consortium français composé de deux établissements privés, Eurovanille et V. Mane Fils, ainsi que de six organismes publics de recherche : le Cirad, l’Université de La Réunion, INRAE, le CNRS, l’Université Paris-Saclay, et l’Etablissement Vanille de Tahiti.
Plus de 59 000 gènes identifiés
Débuté en 2017, ce gigantesque travail de séquençage a permis d’établir un catalogue de plus de 59 000 gènes de l’espèce de vanillier la plus cultivée au monde. Quentin Piet, doctorant en génomique au Cirad et à l’Université de La Réunion, premier auteur de l’étude, précise : « Jusqu’à aujourd’hui, seul un tiers du génome du Vanilla planifolia avait été séquencé. Notre travail a permis d’obtenir 83 % du génome et d’établir beaucoup plus précisément l’organisation des gènes. Par exemple, nous savons maintenant que le vanillier possède seize paires de chromosomes, alors que les recherches précédentes hésitaient entre quatorze et seize paires ».
Le génome du vanillier a hérité d’une caractéristique génétique très particulière des plantes de la famille des orchidées, l’« endoréplication partielle », qui rend son séquençage difficile. « Les cellules des êtres vivants possèdent souvent des noyaux contenant plusieurs copies de l’ADN génomique, explique Quentin Piet. Chez la plupart des êtres vivants présentant ce phénomène, cette réplication de l’ADN est complète. Or chez les vanilliers, seule une partie du génome est répliquée dans le noyau, jusqu’à 64 fois, tandis que l’autre reste en l’état. Chez Vanilla planifolia, la partie non répliquée représente 72 % de l’ADN ! Cette partie du génome se retrouve donc très minoritaire dans le noyau et difficilement accessible par les outils de séquençage ».
Pour surmonter en partie cette difficulté, les scientifiques ont utilisé des tissus riches en noyaux et dont l’ADN est peu répliqué, à savoir des nœuds de plants de vanilliers. Cultivés in vitro, ces plants appartiennent à la collection de vanilliers du Centre de Ressources Biologiques (CRB) Vatel du Cirad.
Créée en 2004, cette collection unique au monde regroupe plus de 500 variétés de vanilliers (500 accessions) et 250 spécimens issus d’environ trente espèces de vanilliers représentatives d’Amérique centrale et latine, d’Afrique et d’Asie. Pour Carine Charron, généticienne au Cirad, co-autrice de l’étude et responsable de la collection, l’objectif est double : « il s’agit à la fois de participer à conserver cette diversité, mais aussi de pouvoir apprendre de cette richesse, soit à des fins scientifiques, soit pour la mettre à la disposition des producteurs ».
Dans cette logique de diffusion des connaissances, les résultats du séquençage ont été rendus publics et sont accessibles via la plateforme en ligne « Vanilla Genome Hub » (https://vanilla-genome-hub.cirad.fr).
Vers de nouvelles variétés de vanilliers ?
Une meilleure compréhension du génome est cruciale pour l’amélioration variétale d’une culture actuellement très peu diversifiée, notamment via l’identification de gènes intéressants pour la filière, codant par exemple pour la synthèse de vanilline, un composant majeur de l’arôme de la vanille, ou encore la résistance aux maladies.
« Pour sélectionner une nouvelle variété de vanilliers à partir de graines, il faut compter sept à huit ans par génération, indique Michel Grisoni, chercheur au Cirad et co-auteur de l’étude. Ce sont donc des travaux de longue haleine qui permettent de proposer de nouvelles variétés aux producteurs. Pour raccourcir ces délais, il faut choisir les parents disposant des « bons » gènes et sélectionner rapidement les descendants les plus prometteurs. D’où l’importance de bien connaître le génome ».
Le Cirad et ses partenaires cherchent notamment à mettre au point un vanillier plus résistant à la fusariose, une maladie mondiale causée par un champignon du sol et pouvant tuer jusqu’à 67 % des plantes d’une même vanilleraie. D’autres gènes d’intérêt sont liés par exemple à la production de vanilline pour l’océan Indien ou à la floraison pour la Polynésie française.
« Mettre au point, grâce à l’apport scientifique de cette recherche, un vanillier plus vigoureux, plus résistant et plus productif, est d’un intérêt majeur pour notre industrie car pouvant avoir un impact significatif sur la qualité et le prix des gousses produites », indiquent conjointement Laurent Bourgois (Eurovanille) et Joseph Zucca (V. Mane Fils).
Vanilla planifolia, l’espèce de vanillier la plus cultivée au monde
Il existe environ 120 espèces de vanilliers dans le monde, dont une vingtaine produisent des fruits aux propriétés aromatiques. Aujourd’hui, près de 98 % de la vanille commercialisée au niveau mondial est issue d’une seule espèce, Vanilla planifolia. Vanilla tahitensis, l’espèce de Tahiti représente quant à elle 2 % du marché.
La France est le troisième pays importateur de vanille, derrière les Etats-Unis et le Canada. 80 % de la production mondiale est quant à elle assurée par Madagascar.
Référence
Piet Q., Droc G., Marande W., Sarah G., Bocs S., Klopp C., Bourge M., Siljak-Yakovlev S., Bouchez O., Lopez-Roques C., Lepers-Andrzejewski S., Bourgois L., Zucca J., Dron M., Besse P., Grisoni M., Jourda C., and Charron C. 2022. A chromosome-level, haplotype-phased genome assembly for Vanilla planifolia highlights that partial endoreplication challenges accurate whole genome assembly. Plant Communications. DOI: 10.1016/j.xplc.2022.100330