illustration  Jocelyn Maquaire, homme de prévention
© INRAE

Agroécologie 5 min

Jocelyn Maquaire, homme de prévention

Natif de Normandie, il a intégré le centre Inra Pays de la Loire en 1998. Basé sur le site de Bois l’Abbé, cet agent de l’unité Expérimentale Horticole y est responsable de la démarche qualité. Ancien sylviculteur, bûcheron et paysagiste, Jocelyn est très engagé dans l’agroécologie et les pratiques visant à limiter les impacts négatifs sur la santé et l’environnement.

Publié le 07 mars 2019

Lorsqu’on a grandi entouré de onze frères et sœurs, on est forcément sensible au travail collectif et aux petits bobos de chacun. L’enfance en question a lieu à Bretteville-sur-Laize (Calvados), à l’intersection du pays d’Auge, de la Suisse normande et la plaine de Caen. De ces années, Jocelyn garde le souvenir rayonnant de journées ponctuées par les courses folles en forêt et dans la campagne, les corvées chez les voisins « pour récupérer des centimes » en effectuant des bricoles ou l’entretien des potagers.

Des expériences formatrices

Désireux d’entrer rapidement dans la vie professionnelle, ce fils de peintre en bâtiment intègre, après le collège, une Maison Familiale et Rurale à Pointel (Orne). Il opte pour une formation en alternance aux métiers de la forêt. Son CAP de sylviculteur en poche, il pense enchaîner avec un BEP dans le même secteur. Mais il doit d’abord s’affranchir du service militaire qu’il effectue pendant douze mois en tant que mécanicien / dépanneur sur chars dans la Marne. Descendu des tanks AMX, il retourne chez son ancien maître de stage en qualité de chef d’équipe dans une exploitation de l’Orne pour faire de la sylviculture et du bûcheronnage. S’ensuit un petit quinquennat de tâtonnements professionnels qui le voit quitter l’agriculture pour travailler dans une champignonnière et dans une usine d’équipements électriques automobiles. Au moment d’être embauché en CDI, il préfère reprendre le chemin de l’école en vue de préparer un CAP en création et entretien des jardins et espaces verts, et, par la suite, un BEP d’ouvrier hautement qualifié (chef d’entreprise en abattage et façonnage des bois).

Le concours au bon moment

Dans la foulée, il déménage dans l’Anjou où il est embauché dans une société s’occupant de production de pommes dans la région de Segré. C’est là qu’il renoue avec son enfance. « J’ai commencé par la récolte des fruits, on m’a ensuite proposé un CDD pour l’éradication des chancres et la taille hivernale. Cela m’a plu tout de suite. » Le hasard fait le reste.

En 1997, Jocelyn a écho d’un concours pour intégrer l’Inra. Il tente celui d’adjoint technique de la recherche à Angers et à Avignon. Il réussit les deux et choisit le premier. Il est affecté sur le site de la Rétuzière de l’UE Horticole à 30 kilomètres d’Angers. « Au départ je n’étais pas vraiment attiré par la fonction publique. J’avais entendu parler de l’Inra à l’école forestière. Je voyais ces fonctionnaires faire des observations chez les propriétaires forestiers sans avoir de contact direct avec eux. »

Arrêter le glyphosate et les produits CMR

À la Rétuzière, il est naturellement affecté à la gestion des vergers (poiriers et pommiers). Plantation, récolte, taille, lutte contre les ravageurs … il est dans son élément. Au début de ce siècle, quand l’Unité Expérimentale (UE) Horticole entre dans une démarche de certification en production fruitière intégrée, il prend la responsabilité de la démarche qualité de l’UE. Papa d’une petite fille en 2000, et d’un petit garçon 4 ans plus tard, il prend une disponibilité de 6 mois pour aider sa compagne. La parenthèse durera finalement six ans (voir encadré).

En 2009, Jocelyn Maquaire fait son retour à l’UE Horticole des Pays de la Loire, sur le site de Bois l’Abbé à Angers. Depuis lors, son activité se partage entre horticulture et sécurité. Redevenu responsable qualité, Jocelyn est très engagé dans la démarche du respect de l’environnement et des personnes, Il est fier de travailler dans cette Unité  où, à côté des activités expérimentales, l’une des priorités est la sécurité et l’arrêt de l’utilisation de produits phytosanitaires dangereux. Il est très impliqué dans les travaux liés aux thématiques diverses de la recherche agronomique, la vente des fruits commercialisés sur place et les échanges avec le grand public. Des contacts où il est à l’écoute de la clientèle nombreuse, et explique l’intérêt des nouvelles variétés naturellement résistantes aux ravageurs issues des travaux de l’Inra d’Angers : pommes Belchard-chantecler, Ariane, Story-Inored®, Mandy Inolov® ou la poire Angélys.

« Nous avons un métier à risques »

Dans le cadre de son adhésion à la charte qualité des pomiculteurs, l’Unité Expérimentale est auditée chaque année par un cabinet externe. Depuis 2015, le collectif de l’UE a souhaité adhérer à la démarche initiée par la direction générale de l’Inra et la Commission nationale des unités expérimentales de l'Inra (CNUE) en intégrant le système de management environnemental (SME) répondant à  la norme ISO 14001. En complément, Jocelyn Maquaire soutient l’engagement de l’unité expérimentale à ne plus utiliser de produits "CMR" (Cancérogène, Mutagène, Reprotoxique). « On finit d’utiliser les quelques produits restants pour progressivement les remplacer par des produits moins dangereux pour l’homme, même si cela entraîne de nouvelles contraintes techniques et expérimentales ». De la même manière, pour éviter le recours aux désherbants tels que le glyphosate, la pratique du désherbage mécanique est devenue de rigueur à l’UE.

C’est là qu’intervient sa seconde marotte. « On a modifié nos cabines de tracteurs (en classe 4) pour mieux se protéger des pulvérisations d’insecticides et fongicides. » Assistant de prévention et sauveteur secouriste du travail, Jocelyn ne plaisante pas avec la sécurité. « Quand je travaillais en bûcheronnage, j’ai vu certains finir avec une tronçonneuse dans la jambe. Nous avons un métier à risques car nous utilisons du matériel mécanique ».

Il est passionné par son travail alliant le terrain par tous les temps et la partie bureau, « Il n’y a pas vraiment de routine dans notre métier, il faut s’adapter à la météo et aux végétaux divers et variés ».
Toujours attentif à ce qui l’entoure, il n’hésite pas à dégainer l’appareil photo pour immortaliser un instant ou une image et se reconnaît dans la citation attribuée à Confucius "Une image vaut 1 000 mots".
Père d’un deuxième garçon depuis deux ans, cet amateur de courses à obstacles et trail (Saintélyon, 72 kms en terrain vallonné et boisé), d’échecs et de jeux d’énigmes aime son métier qui permet de concilier son « goût pour la rigueur et le respect de la nature. » Et s’il avait dû faire autre chose ? « Pompier, ça m’aurait bien plu. » Le sens du collectif, toujours.

Parenthèse équine

Éleveur de chevaux de courses depuis 1998 quand il acquiert  une jument sur un coup de cœur, elle lui offre un premier poulain et c’est le début d’une autre aventure. Jocelyn réside sur la commune du Lion d’Angers, terre équestre réputée. Pur autodidacte, il y a créé un haras sur 38 hectares de prairies et une vingtaine de boxes qui a compté jusqu’à soixante chevaux avec une quinzaine de poulinages par an. Ses pur-sang anglais sont destinés aux courses de plat et obstacles en France et à l’étranger. Une baisse d’activité l’a contraint à mettre sa passion entre parenthèses.