Changement climatique et risques 3 min

Zones arides : l’incroyable diversité des plantes pour s’adapter à un climat extrême

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - 3 scientifiques d’INRAE, du CNRS et de l’université de sciences et technologies du roi Abdullah en Arabie Saoudite ont coordonné une étude internationale à grande échelle impliquant 120 scientifiques de 27 pays pour comprendre comment les plantes des zones arides se sont adaptées à ces milieux extrêmes. Durant 8 ans, ils ont collecté des échantillons parmi des centaines de parcelles arides sélectionnées sur 6 continents, pour analyser près de 1350 observations faites sur plus de 300 espèces de plantes, une première à cette échelle. Les résultats, publiés dans Nature, montrent que les plantes des zones arides adoptent une multitude de stratégies d’adaptation, une diversité qui augmente avec le taux d’aridité. Ce serait l’isolement des plantes en zone aride, et donc un déclin de la compétition entre elles, qui permettrait l’expression d’une diversité de formes et de fonctions unique au monde, 2 fois plus importante qu’en zone plus tempérée. Cette étude offre de nouvelles perspectives pour comprendre l’architecture du végétal, l’adaptation des plantes aux milieux extrêmes, l’origine de la colonisation des milieux terrestres par les végétaux, et la capacité des plantes à répondre aux changements globaux en cours.

Publié le 08 août 2024

illustration Zones arides : l’incroyable diversité des plantes pour s’adapter à un climat extrême
© Lixin Wang

Notre planète abrite une diversité de plantes, aux formes et fonctionnements extrêmement variés. Cette diversité morphologique, physiologique ou biochimique extraordinaire détermine comment les plantes s’adaptent et répondent aux changements globaux en cours, avec des conséquences importantes sur le fonctionnement des écosystèmes. Cependant, 90 % des connaissances actuelles sur la diversité fonctionnelle des plantes sont restreintes aux écosystèmes agricoles et des zones tempérées. Les zones arides (voir encadré), qui représentent 45 % de la surface terrestre, restent très peu explorées. Elles sont directement menacées par l’aridité croissante, le surpâturage et la désertification. Comprendre la réponse des plantes à ces pressions est nécessaire pour comprendre comment pourrait évoluer la biodiversité et le fonctionnement de ces écosystèmes fragiles. Pour cela, une équipe internationale de 120 scientifiques originaires de 27 pays ont mené la première enquête mondiale sur la diversité fonctionnelle des plantes en zone aride.

Grâce au développement d’un protocole standardisé d’échantillonnage, les scientifiques ont collecté des échantillons de 301 espèces de plantes sur 326 sites répartis sur tous les continents (hormis l’Antarctique) pour caractériser la diversité fonctionnelle des zones, générant un total de 1347 observations pour les analyses. Ils se sont intéressés en particulier à l’élémentome des plantes, c’est-à-dire la diversité des éléments et oligoéléments chimiques (comme l’azote, le phosphore, le calcium, le magnésium ou encore le zinc) présents dans les plantes ayant des implications majeures dans leur fonctionnement.

Paposoa laeta, nommée communément “añañuca rosada”, est une espèce endémique du Chili. © José Luis Gutierrez Alvarado

Une hypothèse dominante était que l’aridité réduirait la diversité des plantes en sélectionnant uniquement les espèces capables de tolérer des stress thermiques et hydriques extrêmes. Or, les résultats de cette étude montrent que c’est l’inverse qui se produit dans les zones les plus arides de la planète : les plantes présentent une multitude de stratégies d’adaptation. Par exemple, certaines plantes possèdent des taux élevés de calcium pour constituer une paroi cellulaire beaucoup plus solide, ce qui les protège de la dessication. D’autres ont des concentrations en sel très élevées pour limiter leur transpiration. Alors qu’on observe un nombre d’espèces moins important à l’échelle locale que dans d’autres régions de la planète (zone tempérée ou tropicale), les plantes des zones arides présentent une diversité de formes, de taille et de fonctionnement extraordinaire, 2 fois plus importante que celles de zones climatiques plus tempérées. Cette augmentation de diversité est soudaine lorsque la pluviométrie passe sous un seuil de 400 mm/an ; seuil où l’on observe également un déclin prononcé du couvert végétal et l’apparition de larges zones de sol nu. Pour expliquer ce phénomène, l’étude suggère que la perte de couvert végétal entraine un isolement croissant des plantes et un déclin de la compétition pour les ressources, ce qui permettrait l’expression d’une diversité de forme et de fonctionnement unique au monde. Cette diversité d’adaptation pourrait également refléter des histoires évolutives complexes de l’origine de la colonisation des milieux terrestres par les plantes il y a plus de 500 millions d’années, qui présentaient des conditions extrêmes pour les organismes vivants.

Cette étude révèle l’importance des zones arides comme réservoir mondial de diversité fonctionnelle des plantes. Elle offre de nouvelles perspectives pour comprendre l’architecture du végétal, l’adaptation des plantes aux milieux extrêmes, l’origine de la colonisation des milieux terrestres, et la capacité des plantes à répondre aux changements globaux en cours.
 

Qu’est-ce qu’une zone aride ?

Les zones arides se définissent comme zones tropicales et tempérées avec un indice d'aridité inférieur à 0,65, couvrent 45 % de la surface terrestre et abritent un tiers de la population mondiale. Ils regroupent des écosystèmes subhumide, semi-aride, aride et hyperaride comme le maquis méditerranéen, les steppes, les savanes et les déserts.

Référence

Gross N., T. Maestre F., Liancourt P. et al. (2024). Unforeseen plant phenotypic diversity in a dry and grazed world. Nature, DOI : https://doi.org/10.1038/s41586-024-07731-3

CP_adaptation-plantes-zones-arides_VFpdf - 569.34 KB

Service Médias et opinion INRAE

Contacts scientifiques

Nicolas Gross Unité mixte de recherche Écosystème prairial (INRAE, université Clermont Auvergne, VetAgroSup)

Yoann Pinguet Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale (IMBE) CNRS

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