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Une stratégie pour contrôler le forçage génétique

Le forçage génétique consiste à propager une mutation d’intérêt, ou transgène, dans une population, afin de la modifier ou de l’éradiquer. Cette nouvelle technique possède de multiples applications en santé humaine et en agriculture. Problème : peut-on stopper une propagation de transgène ? En collaboration avec deux chercheuses du CNRS, un chercheur d’INRAE a contribué à modéliser le lâcher d’individus portant un transgène « frein », qui cible et inactive le transgène d’origine chez les individus modifiés génétiquement. Verdict : le succès de cette stratégie varie selon le type de transgènes utilisés.

Publié le 23 novembre 2021

illustration Une stratégie pour contrôler le forçage génétique
© INRAE

Une technique très prometteuse

S’inspirant d’éléments génétiques parasites du génome, des chercheurs ont récemment développé le forçage génétique, une technique qui vise à fixer dans une population un gène d’intérêt, appelé transgène. Le principe : associer deux séquences, l’une codant pour la protéine Cas9, les « ciseaux moléculaires » du système CRISPR-Cas9, et l’autre pour un ARN guide, permettant de cibler un site d’insertion dans le génome.

Chez les individus portant un chromosome avec le transgène et un chromosome non modifié, l’ARN guide conduit Cas9 jusqu’à la région du chromosome non modifié homologue de celle portant le transgène, qu’elle excise. Cette cassure de l’ADN sera réparée en recopiant à l’identique la copie restante, contenant le transgène d’intérêt. Cette distorsion de l’hérédité permet qu’un individu transmette le transgène à presque 100% de ses descendants au lieu de 50%. Cette transmission préférentielle à la descendance permet d’augmenter la fréquence du gène d’intérêt dans une population même lorsque peu d’individus porteurs sont introduits, et même si le transgène leur est défavorable.

L’éventail des applications possibles de cette technologie laisse rêveur : éradication des moustiques transmettant le paludisme, gestion des insectes ravageurs sans pesticides… voire songeur car le forçage génétique comporte aussi des risques, comme la fuite non-intentionnelle d’insectes portant un transgène, ou encore le transfert involontaire de ce transgène à d’autres espèces. C’est pourquoi Nicolas Rode, chercheur INRAE au Centre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP), a modélisé l’efficacité de stratégies de défense contre les transgènes, en collaboration avec deux chercheuses du CNRS.

Développer des constructions "frein"

Le chercheur montpelliérain a simulé le lâcher d’individus portant une construction génétique dite « frein ». Encore un transgène ! Mais ce dernier cible et inactive le transgène initial chez les individus modifiés génétiquement, sans affecter les individus sauvages.

À partir de modèles de génétique des populations, Nicolas Rode et ses collaboratrices ont montré que l’utilisation d’une construction « frein » ne permet pas toujours le rétablissement d’une population exempte de modifications génétiques, ou d’éviter l’éradication d’une population ciblée. Le succès dépend notamment de la séquence d’ADN « forcée génétiquement », et du type de construction « frein » utilisée pour l’arrêter. En particulier, les transgènes dont la propagation nécessite le lâcher d’un grand nombre d’individus génétiquement modifiés seraient plus faciles à éradiquer, et les « freins » qui ne rétablissent pas la survie ou la reproduction des individus qu’ils affectent seraient peu efficaces.

Suite à cette étude, parue en 2020 dans la revue Genes, Genomes, Genetics, les auteurs recommandent une évolution de la législation aux niveaux international et européen pour encadrer les recherches portant sur le forçage génétique. En particulier, les laboratoires qui développent cette technologie devraient développer en parallèle des constructions « frein ». En cas de lâcher accidentel d’individus modifiés génétiquement, ces constructions pourraient rétablir une population sauvage, même si leur succès n’est pas garanti à 100 %.

Référence : 
Rode, N. O., Courtier-Orgogozo, V., & Débarre, F. (2020). Can a population targeted by a CRISPR-based homing gene drive be rescued? G3: Genes, Genomes, Genetics, 10(9), 3403-3415. https://doi.org/10.1534/g3.120.401484

 

François MALLORDYRédacteur

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Nicolas RODE ChercheurCentre de Biologie pour la Gestion des Populations (CBGP)

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