Séquencer des échantillons anciens stockés en cryobanques pour comprendre comment le génome des animaux domestiques a évolué avec la sélection
Publié le 27 juillet 2023

Depuis 1995, deux lignées distinctes de porcs Large White ont été développées en France : une lignée « mâle » sélectionnée exclusivement pour son efficacité alimentaire et la qualité de sa carcasse, et une lignée « femelle » sélectionnée également pour ses qualités maternelles. Les scientifiques ont séquencé le génome entier de 13 animaux de chaque lignée, nés entre 2012 et 2016, et de 10 animaux de la population ancestrale à ces deux lignées, nés en 1977. En comparant ces génomes « modernes » et « anciens », leur objectif était de détecter les gènes affectés par la sélection depuis 1977.
Trente-huit régions du génome, contenant un total de 151 gènes, ont été identifiées comme ayant subi une pression de sélection récente. En étudiant les gènes contenus dans ces régions, les chercheurs ont observé qu’ils sont majoritairement impliqués dans des caractères tels que le poids ou la taille des animaux. D’autres fonctions biologiques ont pu être associées spécifiquement à une catégorie de régions candidates. Ainsi, la sélection opérée dans la lignée femelle est associée au métabolisme du calcium, un minéral fortement mobilisé pendant la lactation tandis que le métabolisme des lipides et du glycogène, lié à la qualité de la viande, est plus fortement sélectionné dans la lignée mâle. Ces résultats sont très cohérents avec les objectifs de sélection mis en place dans les deux lignées depuis 1977. L’étude détaillée de chaque région a également révélé que les signatures de sélection les plus marquées étaient souvent associées à des gènes dont la fonction biologique est particulièrement pertinente pour les caractères sélectionnés. Dans un de ces gènes, IGF2, on observe la sélection d’une mutation génétique affectant la croissance musculaire bien connue dans plusieurs races de porc dont le Large White.
Cette étude démontre que séquencer différentes générations d’une même population permet de caractériser finement les gènes et les fonctions biologiques sélectionnés pendant la période temporelle couverte, et donc de mieux comprendre le déterminisme des caractères modifiés par la sélection. Dans ce contexte, les échantillons conservés en cryobanque dans les centres de ressources biologiques représentent une formidable ressource pour caractériser les bases moléculaires et physiologiques de la sélection récente des espèces d’élevage. Cette approche peut également être étendue à l’étude d’autres types d’organismes tels que les plantes cultivées, ou des espèces sauvages dont les processus de sélection sont encore beaucoup moins bien connus (à condition de pouvoir mettre en place un suivi génomique temporel).
Ce travail a été mené en collaboration avec l’IFIP-Institut du Porc et Alliance R&D. Il a été financé par l’infrastructure CRB-Anim qui travaille à l’amélioration et l’exploitation des cryobanques pour les ressources génétiques dans le domaine de l’élevage, dans le cadre des Programmes d'Investissement d'Avenir (ANR- 11-INBS-0003). Les ADN des animaux utilisés dans le projet sont conservés sur la plateforme @BRIDGE, partenaire du CRB-Anim.
Réf. : Boitard S., Liaubet L., Paris C. et al. (2023). Whole-genome sequencing of cryopreserved resources from French Large White pigs at two distinct sampling times reveals strong signatures of convergent and divergent selection between the dam and sire lines. Genetics Selection Evolution, 2023, 55, 13. ⟨10.1186/s12711-023-00789-z⟩. ⟨hal-04016249⟩