Biodiversité 3 min

Restauration de la continuité des cours d’eau : une synthèse collective pour des projets co-construits efficaces

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Restaurer ou ne pas restaurer ? Un groupe d’experts du Réseau des zones ateliers françaises, coordonné par INRAE, a fait le point sur l’état des connaissances scientifiques concernant la restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Il a identifié 10 points de vigilance. Les scientifiques montrent la nécessité d’intégrer les enjeux socio-économiques, en plus des enjeux biophysiques, lors de la mise en œuvre des projets de restauration, et d’inclure les différentes parties prenantes tout au long du processus. Une analyse publiée dans la revue VertigO.

Publié le 27 novembre 2024

© INRAE - Sébastien De Danieli

Dans le monde, seulement 37 % des rivières de plus de 1 000 km de longueur s’écoulent librement[1]. La présence d’infrastructures ou d’ouvrages, tels que des barrages, seuils, digues, est un obstacle à ce que l’on nomme la continuité écologique des cours d’eau et soulève des enjeux écologiques (maintien des processus hydriques, du transport des sédiments et des organismes, etc.) et des enjeux socio-économiques (usages de la rivière et des ressources associées, valeur paysagère, etc.). Cette continuité est par ailleurs, une composante essentielle pour assurer le bon état écologique des cours d’eau, au sens de la Directive européenne cadre sur l’eau[2]. En effet l’Union européenne s’est fixé l’objectif de restaurer 25 000 km de cours d’eau à l’écoulement libre d’ici 2030[3].

En France métropolitaine, en 2023, d’après les données du Référentiel national des obstacles à l'écoulement (ROE), on dénombre en moyenne 1 ouvrage faisant obstacle à l'écoulement de l’eau tous les 4,16 km de linéaire de cours d’eau. Depuis quelques années, de nombreux projets de restauration de la continuité écologique des cours d’eau ont été initiés en France (depuis 2019, 386 ouvrages ont été rendus franchissables sur le bassin Rhône-Méditerranée et 345 ouvrages sur le bassin Loire-Bretagne). En même temps, de nombreuses controverses ont émergé sur le territoire métropolitain, certains acteurs[4] questionnant la manière de la mise en œuvre des projets de restauration de la continuité et leur pertinence écologique et sociétale.

Dans ce contexte, avec le soutien de l’OFB, un groupe de scientifiques coordonné par INRAE (ENS de Lyon/Aix Marseille Université/Institut Agro/GRAIE/Université Rennes 2/Université Paris Nanterre/AgroParisTech/CNRS/Université Lumière Lyon 2), du Réseau des zones ateliers françaises[5], a produit une synthèse sur l’état des connaissances scientifiques concernant la restauration de la continuité écologique des cours d’eau. Cette démarche collective et interdisciplinaire (écologie aquatique et terrestre, géomorphologie fluviale, sociologie, géographie, etc.) a pour objectif de nourrir le débat public et de proposer des éléments d’aide à la mise en œuvre des projets de restauration, par la prise en compte de points de vigilance.

Définir la continuité écologique et ses enjeux multiples

La notion de continuité intègre toutes les composantes biophysiques de l’hydrosystème fluvial (cours d’eau, nappe, plaine alluviale) et concerne les flux de l’eau, des organismes et des matières. Elle intègre une dimension temporelle, liée par exemple aux processus hydrologiques comme les crues ou les marées, ou au rythme biologique des espèces. Dans leur synthèse, les experts distinguent aussi 3 dimensions spatiales de la continuité :

  • Longitudinale (la plus connue) : elle concerne les flux dans les directions amont-aval, dont ceux qui s’établissent entre le cours d’eau et ses affluents.
  • Latérale : elle concerne les échanges entre le chenal principal et la plaine alluviale et inclut les débordements périodiques.
  • Verticale : elle concerne les flux entre la rivière et la nappe.

Ainsi, la notion de discontinuité désigne l’interruption d’une ou de plusieurs dimensions de la continuité, et pas seulement de la dimension longitudinale. En partant de cette définition, les scientifiques ont établi un corpus bibliographique issu de la littérature grise et scientifique, puis ont analysé cette documentation au cours des ateliers de travail, en s’appuyant sur leurs expériences de terrain.

Ces derniers ont relevé différents enjeux associés à l’interruption de la continuité des cours d’eau, souvent interconnectés et qui s’influencent réciproquement. Des enjeux écologiques, comprenant notamment le maintien des processus hydriques, du transport des sédiments et des organismes et des fonctionnalités écologiques et des enjeux socio-économiques, comme les usages de la rivière et des ressources associées, la gestion des risques ou la valeur paysagère.

10 points de vigilance pour la mise en œuvre de projets

En s’appuyant sur les retours d’expérience des projets de restauration, les scientifiques proposent une démarche stratégique qui intègre 10 points de vigilance à prendre en compte à différentes étapes pour la prise de décision, la co-construction et la mise en œuvre de projets de restauration, pour que ces projets soient soutenus par les différents acteurs et efficaces par rapport aux objectifs écologiques et sociétaux définis.

À travers ces préconisations, les scientifiques soulignent que la décision de restaurer (et la manière de le faire) ou de ne pas restaurer, doit intégrer les dimensions économiques et sociales et tenir compte de la singularité des territoires en ancrant chaque cas dans son contexte géographique. La mise en œuvre nécessite aussi l’association de l’ensemble des parties prenantes pour un projet de restauration durable et partagé.
 

Référence

Alp M., Arnaud F., Barthélémy C. et al. (2024). Restaurer la continuité écologique des cours d’eau : que sait-on et comment passer collectivement à l’action ? VertigO, DOI : https://doi.org/10.4000/12ppa


[1] Grill G., Lehner B., Thieme M. et al. (2024). Mapping the world’s free-flowing rivers, Nature.

[2] Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

[3] https://environment.ec.europa.eu/news/free-flowing-rivers-commission-advises-how-select-sites-and-finance-removal-obsolete-barriers-2021-12-21_en

[4] Groupe assez hétérogène, les acteurs peuvent être des riverains, propriétaires d’anciens moulins et des petites centrales hydro-électriques, etc.

[5] Réseau inter-organismes de recherches sur les socioécosystèmes, porté par le CNRS. Les zones ateliers sont des sites d’observation installés au cœur des territoires qui se focalisent autour d’un élément structurant (fleuve, paysage agricole ou urbain, parc naturel, littoral, etc.) et y développent des recherches pluri-, inter- et transdisciplinaire menées sur le temps long (plusieurs décennies) pour alimenter les débats locaux sur la gestion, l’aménagement et l’évaluation des politiques publiques.

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