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Questions à Muriel Vayssier-Taussat, membre du CARE : penser la sortie du confinement
Mis en place par le gouvernement le 24 mars 2020, le Comité Analyse Recherche Expertise (CARE) regroupe douze chercheurs et médecins de spécialités différentes. Le comité a pour mission de conseiller le gouvernement de manière réactive sur des questions opérationnelles touchant l’épidémie COVID-19. Muriel Vayssier-Taussat, chef du département Santé animale à INRAE et directrice de l’Institut Carnot France Futur Elevage, décrit sa première expérience au sein de ce comité.
Publié le 02 avril 2020
Comment fonctionne le CARE ?
Muriel Vayssier-Taussat : Nous sommes 12 membres avec des compétences complémentaires et représentant les instituts de recherche français. Nous recevons des demandes d’avis du gouvernement et nous réunissons des éléments pour proposer rapidement un avis. Nous nous répartissons les sujets en fonction de nos compétences et fonctionnons le plus souvent par mél et téléphone, en plus d’une réunion hebdomadaire avec tous les membres du comité. Nos quatre sujets de vigilance sont : les tests diagnostic, les traitements, les vaccins, et l’apport de l’intelligence artificielle pour aider à vaincre l’épidémie.
Quel a été votre premier sujet de réflexion ?
M. V-T. : Nous avons été questionnés sur les différents tests disponibles ou qui sont en cours de mise sur le marché. En ce qui concerne les tests sérologiques, ils détectent dans le sang les anticorps produits par l’organisme contre le virus. Leur utilisation permet de repérer les personnes qui ont été infectées et qui ont développé une immunité. Connaître le niveau d’immunité de la population permettrait d’estimer les risques de rebond de l’épidémie lorsque nous sortirons du confinement. On estime qu’il faut entre 50 et 70% de la population immunisée pour arrêter la propagation du virus. Ces tests, comme les test PCR (1), pourraient être utilisés dans un premier temps pour détecter les personnes exposées, en particulier les soignants ou encore le personnel et les pensionnaires des EHPAD.
Il existe actuellement une dizaine de ces tests sérologiques sur le marché, dont on ne connait pas toujours les performances. Certains ont une sensibilité faible, c’est-à-dire qu’ils ne détectent pas tous les séropositifs. Leur utilisation massive risque donc de sous-estimer l’immunité de la population, d’où l’intérêt de réaliser rapidement des évaluations de ces tests.
Qu’en est-il du test de dépistage du virus lui-même ?
M. V-T. : Toujours dans la perspective de la sortie du confinement, il sera important de continuer à dépister les personnes infectées, en particulier les porteurs sains, qui seront incités à rester confinés. Les tests de dépistage actuels, basés sur la détection du virus par PCR, sont sensibles et fonctionnent bien. La limite est pour l’instant la disponibilité des réactifs mais le gouvernement a annoncé l’achat de plusieurs plateformes permettant de produire les réactifs ad hoc et de réaliser des PCR, ce qui va permettre de multiplier le nombre de tests journaliers.
Qu’en est-il des traitements ?
M. V-T. : Actuellement différents traitements sont à l’étude. Nous suivons particulièrement l’essai Discovery, qui a débuté le 22 mars dans plusieurs pays d’Europe sur plus de 3000 patients atteints et hospitalisés, dont 800 en France. Les médecins devraient avoir des résultats mi- ou fin avril.. Une autre étude inclut l’hydroxychloroquine, dont les effets sont encore controversés, en traitement prophylaxique.
Quels peuvent être les apports de l’intelligence artificielle ?
M. V-T. : Il s’agit par exemple de détecter l’essoufflement dans la voix des patients qui appellent le 15, essoufflement qui pourrait être corrélé à un signe de gravité.
Dans le comité CARE, nous réalisons une veille, chacun dans son domaine, sur les pistes innovantes qui se développent en amont dans les laboratoires. Un autre exemple d’innovation à venir est le développement d’autotest, à l’instar des tests de grossesse que chacun peut réaliser chez soi. Plusieurs laboratoires travaillent sur ce sujet et les recherches avancent très vite.
(1) Les tests PCR sont basés sur la reconnaissance et l’amplification d’un court fragment du génome du virus. Ils détectent donc la présence du virus.
Le Comité Analyse Recherche et Expertise (CARE) a été installé auprès d’Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé et de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, le 24 mars dernier, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
Il est composé de 12 chercheurs et médecins, et présidé par Mme Françoise Barré-Sinoussi, scientifique, Prix Nobel 2008 de Médecine ou Physiologie et découvreuse du virus du SIDA.
Pour rappel, le CARE n’a aucun pouvoir décisionnel, mais remplit une fonction d’expertise scientifique rapide, à la demande du gouvernement, auquel il adresse des avis.
Compte tenu de la diversité des sujets qui peuvent lui être soumis dont un certain nombre recouvrent une dimension industrielle, le CARE est également soumis à une procédure visant à prévenir les conflits d’intérêts dans le cadre de ses travaux, dans un processus similaire à celui mis en place pour les membres du Conseil scientifique. Les déclarations publiques d’intérêt (DPI) seront rendues publiques d’ici le début de la semaine prochaine sur le site dédié du ministère de la Santé. Ces DPI font l’objet d’une relecture par les ministères chargés de la Santé et de la Recherche, qui pourront demander le déport de certains membres du CARE lorsque cela est nécessaire. Par ailleurs, le fonctionnement interne du CARE est en cours de formalisation dans une charte.