Quand l’IA permet de mieux comprendre la virulence des mycobactéries pathogènes pour lutter contre les infections

Des chercheurs de l'UMR Infectiologie et Santé Publique (ISP) des départements MICA, SA et de l'université de Tours, ont mis en évidence de nouveaux facteurs de virulence de mycobactéries pathogènes grâce à des études génomiques utilisant l'IA à travers des outils de machine learning.

Publié le 18 juillet 2025

© INRAE Franck Biet, Thierry Cochard

L’équipe "Plasticité génomique, biodiversité, antibiorésistance", de l'UMR ISP, travaille notamment sur Mycobacterium avium ssp. paratuberculosis (MAP). MAP est l’agent causal de la paratuberculose, également connue sous le nom de maladie de Johne, qui est l’une des deux principales mycobactérioses d'importance vétérinaire. Cette bactérie infecte les intestins des animaux, principalement des ruminants comme les vaches, les moutons et les chèvres et provoque des pertes économiques considérables dans les élevages sans qu’il existe de véritable solution de prophylaxie à ce jour. 

Concernant la mycobactérie MAP, les travaux des chercheurs portent sur trois axes de recherche :

1/ Étude de la diversité génétique des souches par approche génomique afin de caractériser celles qui circulent dans les élevages, comprendre leur évolution et leur dynamique de transmission.

2/ Étude du rôle des acteurs de l’environnement, tels que les amibes, dans la survie, la persistance et la transmission de MAP, ce qui pourrai expliquer pourquoi cette enzootie reste endémique sur le territoire. 

3/ Le troisième axe concerne l’identification et la caractérisation, par génomique et outils d’apprentissage automatique, d’antigènes pariétaux de MAP impliqués dans les mécanismes de virulence et d’adaptation à différents hôtes. Ces études ont pour objectif de développer des tests de diagnostic innovants basés sur l’utilisation d’antigènes synthétiques.

Découverte d'antigènes de même nature chez deux mycobactéries différentes

Chez les mycobactéries, d’importants facteurs de virulence sont portés par la membrane. Ce sont des lipides complexes associés à des peptides, et dans certains cas, des sucres. Ils ne sont pas codés génétiquement mais biosynthétisés par des enzymes.

Les avancées technologique de l'IA machine learning révolutionnent les sciences des données

Ce sont les avancées technologiques qui ont permis ces découvertes, notamment les techniques de séquençages de troisième génération « Long read » et les avancées en IA machine learning qui révolutionnent l'approche en sciences des données.

Cette approche, utilisée chez MAP, combinant analyses génomiques et machine learning, a permis de découvrir un cluster de gènes impliqué dans la synthèse d'un nouveau lipopetide (LP) et les résultats ont notamment été publié dans ACS Infectious diseases sous le titre : Genome Mining and Chemistry-Driven Discovery of a Cell Wall Lipopeptide Signature for Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis Ancestral Lineage

L'idée est venue de transposer, a priori, cette approche chez une autre espèce de mycobactérie, Mycobacterium abscessus (Mabs). Les résultats ont permis d'identifier un nouveau glycopetidolipide (GLP).

Mycobacterium abscessus : une bactérie pathogène et résistante

Chez l'humain, Mabs provoque des infections cutanées et pulmonaires. Les infections respiratoires qu’elle induit sont particulièrement problématiques pour les patients atteints de mucoviscidose car la mycobactérie est naturellement résistante à de nombreux antibiotiques, ce qui rend les traitements très difficiles. 

Les bactéries Mabs se présentent sous deux formes : une forme lisse (S pour smooth) et une forme rugueuse (R pour rough). La différence entre ces deux formes est liée à la présence ou l’absence de composés de surface complexes appelés glycopeptidolipides (GPL). 

Ces GPL sont formés par l’association d’un lipide, d’un peptide et de sucres. La forme lisse, qui possède ces GPL est celle qui infecte initialement les poumons des patients. Au fil du temps elle peut se transformer en forme rugueuse, et provoquer une réponse inflammatoire intense et aggraver la maladie pulmonaire.

Découverte et importance du GL8P

Dans un article publié dans la revue Nature Communications, un consortium de trois laboratoires associés du CNRS (UMR 8576 et 9004), de l’INSERM (U1173), et les chercheurs INRAE de l'UMR ISP, ont identifié un nouveau composé lipidique appelé GL8P qui présente des similitudes avec les GPL. Contrairement aux GPL qui ne sont présents que dans la souche S, GL8P est également présent dans la forme rugueuse, ce qui souligne son importance. 

©INRAE Franck biet, Yann Guérardel

IDENTIFICATION Des analyses génomiques par « machine learning » ont tout d’abord permis d’identifier un cluster de gènes responsables de la synthèse d’un nouveau glycopeptidolipide et de prédire la séquence en acides aminés de ce dernier (peptides non ribosomiques : NRPS).

STRUCTURE Les composés dont la présence a été prédite ont ensuite été isolés à partir de cultures de Mycobacterium abscessus et leur structure déterminée par une combinaison de méthodes physicochimiques, dont la RMN à très haut champs.

ACTIVITÉ - DIAGNOSTIC Enfin, l’activité de ces composés a été établie in vitro (macrophages) et in vivo en utilisant les composés purifiés et des souches bactériennes déficientes dans leur synthèse. Leur réactivité a ensuite été confirmée sur des sera de patients infectés par M. abscessus.

Sa structure a été entièrement résolue par une combinaison d’approches physico-chimiques en utilisant les instruments de pointe de l’Infrastructure de Recherche Nationale INFRANALYTICS

GL8P est crucial pour la virulence de Mabs. En effet, l’inhibition de sa synthèse chez la souris rend la bactérie moins virulente. Les résultats montrent que ce facteur aide la bactérie à adhérer et ainsi à se protéger des macrophages, cellules du système immunitaire en charge de l’élimination des agents pathogènes.

Développer des solutions diagnostiques pour mieux détecter les infections

Les découvertes de ces GLP chez ces deux types de mycobactéries, l'une impliquée dans la paratuberculose bovine et l'autre provoquant des infections cutanées et pulmonaires chez les humains, en utilisant les même avancées techniques de l'IA machine learning permettent une meilleur compréhension de la dynamique de leur virulence. 

Ces découvertes ont permis de développer des test diagnostics grâce à l'utilisation de ces GLP comme antigènes répondant à des anticorps synthétiques, ce qui va permettre  d'améliorer le dépistage des infections.

Ces travaux soulignent l’importance de combiner l’intelligence artificielle avec la génomique et les approches classiques de la bactériologie pour faire des avancées significatives dans la compréhension des infections dues aux mycobactéries, qu'elles soient pathogènes pour l'homme ou pour l'animal, dans l'objectif de développer des innovations prophylactiques.

Brevets déposés à des fins de développements de tests diagnostics de la paratuberculose :

European patent office

2024: Antigenic tripeptides derived from Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis S-type strains, derivatives and uses thereof (Patent number: EP24305914 (Institut Pasteur)

World property organisation (WIPO)

2025: Antigenic tripeptides derived from mycobacterium avium subsp. paratuberculosis si-type strains, derivatives and uses thereof (Patent APPLICATION number: PCT/EP2025/066067)

2018: Antigenic tripeptides derived from Mycobacterium a vium subsp. para tuberculosis S­type strains, derivatives and uses thereof (Patent number: WO 2018/115924 Al)

2009: Synthetic antigenic peptides and lipopeptides derned from Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (Patent number:  WO 2009/053844 Al )

 

Laurent Marché

Chargé de communication

Département Microbiologie et Chaîne Alimentaire

Contact Scientifique

Franck Biet

Directeur de recherche INRAE

UMR Infectiologie et Santé Publique

Le centre

Le département

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