Société et territoires 5 min

Préparer les politiques de recherche de demain

François Houllier, PDG de l’Inra, a voulu accompagner la publication du 6e avis du Comité d’éthique Inra-Cirad « La formation à et par la recherche : quelles questions d’ordre éthique ? » de quelques réflexions complémentaires. Il dresse la liste des actions déjà engagées et ouvre la voie aux prochains défis qui prépareront la recherche de demain.

Publié le 13 février 2015

illustration  Préparer les politiques de recherche de demain
© INRAE

Suite à la saisine formulée conjointement, en mai 2012, par Marion Guillou et Gérard Matheron alors Présidents des deux organismes, le Comité d’éthique commun à l’Inra et au Cirad vient de publier un nouvel avis qui porte sur la formation. Certes, la mission principale de l’Inra concerne la recherche ; ses statuts disposent cependant que l’institut a aussi pour mission « d'apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche », et « de concourir au développement de l'information scientifique et à la diffusion des connaissances scientifiques ». Quelques ordres de grandeur permettent d’apprécier l’ampleur et la diversité de nos actions de formation : les chercheurs, ingénieurs et techniciens de l’institut contribuent à de nombreuses formations initiales, principalement au niveau du master ou dans des formations d’ingénieur, à hauteur d’au moins 130 équivalents temps plein d’enseignant-chercheur ; les unités de l’Inra accueillent un nombre considérable de stagiaires et encadrent plus de 1800 doctorants, de nationalité française ou étrangère, un nombre égal à celui des chercheurs titulaires ; plus de 6000 titulaires et contractuels, dont une part significative de ces mêmes doctorants, accèdent chaque année à la formation permanente organisée par l’institut. Ces actions sont naturellement conduites dans le cadre de partenariats, denses, avec des établissements dont c’est la mission principale : une quarantaine d’universités et une quinzaine d’écoles, pour ce qui concerne l’enseignement supérieur.

Qualité de l’accompagnement, respect des règles déontologiques

L’intitulé de l’avis du Comité d’éthique commun — « La formation à et par la recherche : quelles questions d’ordre éthique ? » — souligne que celui-ci a souhaité focaliser sa réflexion sur une facette particulière des activités de formation des deux établissements. Par ce choix, le Comité nous incite à une réflexivité accrue à l’égard des objectifs et des pratiques d’accueil et de formation des jeunes chercheurs : il souligne l’importance qui doit être attachée à la qualité de l’accompagnement des étudiants accueillis dans nos unités et au strict respect des règles déontologiques dans l’initiation à la recherche. En effet, comme l’indique son Président, « la formation à et par la recherche constitue l’un des révélateurs puissants des valeurs que les établissements souhaitent porter ».

Une plus grande autonomie de pensée et d’action

L’institut, ses unités et ses chercheurs bénéficient directement des compétences et des activités des étudiants accueillis. Le Comité d’éthique rappelle cependant que les enjeux de la formation concernent d’abord l’individu qui en bénéficie, en l’occurrence le stagiaire de master, l’élève-ingénieur ou le doctorant : l’objectif premier est bien que celui-ci acquière une plus grande autonomie de pensée et d’action. Le Comité attire ainsi notre attention sur l’horizon éthique de la responsabilité exercée aussi bien par la direction de l’institut que par chacun de ceux qui jouent un rôle dans l’accueil et l’encadrement des étudiants : il nous incite donc à être vigilants sur la nature et les finalités des recherches qui leur sont confiées aussi bien que sur leurs conditions d’accueil ou sur le respect, par eux mêmes comme par ceux qui les encadrent, des règles relatives à l’intégrité scientifique : le rôle des encadrants de proximité (directeurs de stage ou de thèse), des directeurs d’unité et des chefs de département est ici essentiel.

Expliciter les choix éthiques fondamentaux

Certaines de ses recommandations renvoient naturellement à la pleine appropriation par les personnels de l’institut des principes contenus dans la charte de déontologie de l’Inra. D’autres soulignent la nécessité de faciliter la formation de tous — des étudiants aussi bien que de ceux qui les accueillent et les encadrent — au questionnement éthique, à la construction de controverses ou à la prise en compte de logiques alternatives : il appartient ainsi à la direction de l’établissement de diffuser les chartes de bonnes pratiques, d’ouvrir des espaces d’échanges et de sensibiliser les personnels à la réflexion éthique, alors que la place de la science et de la technologie dans la société est souvent l’objet de débats. Enfin, d’autres recommandations renvoient l’institut à sa responsabilité d’éclairer l’ensemble de ses personnels sur les fondements de sa stratégie en matière de formation : le Comité préconise ainsi à la direction de l’institut d’expliciter les choix éthiques fondamentaux qui soutiennent sa politique de formation et les actions conduites à ce titre.

De nouveaux défis à relever

Ce travail de mise en perspective de la politique de formation de l’institut est d’autant plus important que l’INRA conduit de fait — cela a été indiqué plus haut — un grand nombre d’actions de formation, le plus souvent en partenariat, que les nouvelles technologies du numérique renouvellent et élargissent sa contribution potentielle à la formation, par exemple au travers de l’élaboration de supports destinés à des cours en ligne ou des universités virtuelles, et que la recherche agronomique publique est aujourd’hui concernée par une triple évolution : l’élargissement de ses finalités et domaines d’étude à partir du tripode alimentation – agriculture – environnement ; l’accroissement des sollicitations sur ses impacts, aussi bien en termes d’appui aux politiques publiques que de contribution à l’innovation et au développement économique ; son internationalisation sous le double effet des dynamiques endogènes de la science et de la reconnaissance du caractère global des défis qui lui sont adressés. Ces évolutions profondes constituent de nouveaux défis à relever par l’Institut, défis qui doivent aussi trouver leur déclinaison dans nos plans annuels de formation. Dans leur diversité, les actions de formation de l’institut contribuent en effet à préparer les politiques de recherche et d’appui à la recherche de demain, en conjuguant des objectifs immédiats (accompagnement des collectifs, des métiers et des réseaux aussi bien que des inflexions des priorités scientifiques) et des ambitions à plus long terme (assurer une production scientifique de haut niveau, éclairer les politiques publiques, contribuer à l’innovation, anticiper les évolutions des emplois et des compétences).

Je souhaite enfin partager quelques réflexions sur des sujets plus précis, en écho à l’avis du Comité d’éthique.

  • Je souhaite d’abord insister sur le rôle des centres
    Ceux-ci sont des lieux privilégiés où s’élaborent et se déroulent de nombreuses actions de formation, et où se nouent les partenariats nécessaires ; les centres ont aussi un rôle clé en matière de suivi des conditions d’accueil des étudiants, élèves et autres jeunes chercheurs ; enfin, la proximité favorise non seulement l’appréhension des demandes émergentes, mais aussi la sensibilisation à la réflexion éthique sur les finalités de la recherche.
     
  • Le second sujet concerne les doctorants et leur encadrement.
    La charte interne des  chercheurs-doctorants et des jeunes docteurs, comme les écoles-chercheurs EDEN (école des doctorants et des encadrants) dans lesquelles est inclus un module sur l’éthique et la déontologie ou, plus généralement, l’information auprès des nouveaux recrutés ou auprès du management intermédiaire, contribuent à donner des repères éthiques et déontologiques. Les recommandations du Comité d’éthique nous invitent à poursuivre dans cette direction.
     
  • Enfin, je rappelle que l’Inra s’est engagé depuis plusieurs années dans le renforcement de ses cadres déontologiques.
    En 2013, l’institut s’est doté d’une charte de déontologie des métiers de la recherche, en 2014, il a nommé un délégué à la déontologie puis installé un comité de veille déontologique ; l’Inra a également promu la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche, signée début 2015 par plusieurs autres organismes, dont le Cirad ; depuis plusieurs années, l’Inra bénéficie du label européen Human Resources Excellence in Research qui emporte notamment des engagements précis vis-à-vis des jeunes chercheurs. L’avis du Comité d’éthique nous invite à nous appuyer sur ces engagements pour améliorer la formation à et par la recherche.

Consolider le lien de confiance entre l’Inra et la société

Cet avis du Comité d’éthique et les suites que nous lui donnerons s’inscrivent ainsi dans une démarche continue d’amélioration des pratiques professionnelles individuelles et collectives. En veillant à l’exemplarité des comportements de ses agents, en recherchant la pertinence et l’utilité des résultats produits, en garantissant la qualité et l’impartialité de son expertise vis-à-vis de tous les intérêts, publics ou privés, l’Inra exprime aussi l’ambition de consolider le lien de confiance qui le lie à la société, tout particulièrement aux étudiants et aux futurs chercheurs.

Consulter l'avis complet

 

François HoullierPDG de l'Inra entre 2012 et 2016

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