Biodiversité 3 min

Pourquoi les rivières sont cruciales dans le cycle global du carbone

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - En présentant un état des lieux actualisé des flux de carbone des réseaux fluviaux, l’EPFL, INRAE et l’université libre de Bruxelles démontrent leur rôle central dans le cycle du carbone et soutiennent la mise en place d’un observatoire mondial pour les rivières.

Publié le 19 janvier 2023

illustration Pourquoi les rivières sont cruciales dans le cycle global du carbone
© INRAE - Bertrand NICOLAS

Quand on parle des acteurs principaux liés au cycle global du carbone, on cite toujours en premier les océans et les sols, mais rarement les rivières. Or leur rôle est central, explique Tom Battin, responsable du Laboratoire de recherche en écosystèmes fluviaux (RIVER) à l’EPFL. À l’invitation de la revue scientifique Nature, il détaille leur importance  dans le contexte des changements globaux.

Le professeur ordinaire de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) a convaincu une dizaine de scientifiques du domaine de collaborer à la rédaction de cet article, dont Ronny Lauerwald d’INRAE et Pierre Regnier de la faculté des sciences de l’université de Bruxelles. Pour la première fois, leurs données communes démontrent pourquoi les réseaux fluviaux sont tellement importants dans le cycle du carbone à l’aide de données chiffrées actualisées.

Calcul des flux de carbone  

Les scientifiques détaillent leurs analyses du métabolisme écosystémique des réseaux fluviaux. « Bien plus complexe que le métabolisme humain, celui des rivières consomme et produit à la fois de l’oxygène et du COpar le biais de la respiration des microbes et par la photosynthèse. Il faut bien le comprendre pour pouvoir ensuite quantifier ses conséquences », explique Tom Battin. « Connaître le métabolisme des écosystèmes est crucial pour mieux calculer le cycle du carbone, car il contrôle les échanges de gaz à effets de serre et d’oxygène avec l’atmosphère », ajoute Pierre Regnier, professeur à l’université libre de Bruxelles et coauteur de l’article. « Des estimations globales récentes existent pour les lacs, les environnements côtiers et l’océan ouvert. Notre étude sur les rivières amène la pièce manquante au puzzle, ouvrant la porte à une quantification globale et intégrée de ce processus clé pour l’ensemble de la ‘planète bleue’ ». Pour ce faire, les scientifiques ont compilé toutes les mesures actuellement existantes liées à la respiration et la photosynthèse des écosystèmes fluviaux. 

Les données mettent en évidence le lien qui existe entre le métabolisme des rivières et le cycle du carbone terrestre et marin à l’échelle globale. Lorsque les rivières se dirigent vers les océans, leur métabolisme consomme du carbone organique d’origine terrestre comme les feuilles. Ce processus produit ensuite du CO2 rejeté dans l’atmosphère. La matière organique terrestre non métabolisée dans les rivières et le CO2 non émis dans l’atmosphère sont transportés vers les océans, où ces formes de carbone peuvent influencer la biogéochimie des eaux côtières.

De plus, Tom Battin et ses collègues détaillent que le métabolisme des cours d’eau est particulièrement affecté par les changements climatiques, l’urbanisation, l’agriculture ou la régulation des débits d’eau comme les barrages. Par exemple, avec l’agriculture, une grande quantité d’azote dans les engrais est transférée dans les rivières. Un excès d’azote, conjointement avec une hausse des températures liée au réchauffement climatique, peut provoquer l’eutrophisation. Par ce phénomène, des algues prolifèrent puis meurent, créant un environnement favorable à la production de méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2. L’eutrophisation peut aussi être amplifiée par la construction de barrages, qui a pour conséquence une possible augmentation d’émissions de CO2 et de méthane.

« Les rivières exportent d'importantes quantités de carbone de la biosphère terrestre, dont une grande partie est émise dans l'atmosphère sous forme de CO2 par les rivières. S'il existe des estimations globales de l'exportation totale de carbone vers les rivières, elles restent incertaines et il n'était jusqu'à présent pas possible de dire quelle proportion de ce carbone entre dans le réseau fluvial sous forme de carbone organique évacué des sols ou de carbone inorganique provenant de la respiration des microorganismes et des racines dans les sols. Nous avons pu estimer les pertes globales de carbone terrestre vers les rivières entre 3,2 et 4,2 milliards de tonnes par an, et nous estimons que le carbone organique ne représente qu'environ un quart de ce flux, faisant du carbone inorganique provenant de la respiration du sol la source principale de carbone vers les rivières », souligne Ronny Lauerwald, chercheur à INRAE.

Création d’un observatoire des rivières 

Suite à ces constats, les chercheuses et chercheurs proposent de créer un système d’observation global des rivières baptisé RIOS (RIver Observation Systems) spécialement conçu pour analyser les flux de carbone. Ces RIOS permettraient d’intégrer les données transmises par les capteurs dans les rivières avec un système d’observation satellite afin de nourrir des modèles mathématiques et obtenir des projections sur les flux de carbone. « Les RIOS serviraient aussi d’outil de diagnostic pour prendre le ‘pouls’ des rivières en temps réel et pour intervenir en cas de problème. Les rivières sont à l’image de notre système sanguin. Elles doivent fonctionner pour éviter de paralyser le  système entier », précise Tom Battin. L’appel est donc lancé.

Référence 

Battin T., Lauerwald R., Bernhardt E.S. et al. (2023). River ecosystem metabolism and carbon biogeochemistry in a changing world ». Nature, 19 January 2023, 613, 449–459, DOI: 10.1038/s41586-022-05500-8

En savoir plus :

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