Bioéconomie 2 min

Plastique, le grand emballement

Dans cet ouvrage, l’auteur explore et scrute l’univers du plastique. D’abord fascinée par les potentialités du matériau magique, elle l’a vu ringardiser les matières traditionnelles et envahir sournoisement la planète. Elle a découvert ses empreintes sur les plages, au cœur des sols et même dans la chair d’innombrables animaux.

Publié le 13 novembre 2020

illustration Plastique, le grand emballement
© INRAE

Inquiète, Nathalie Gontard, est allée chercher des matériaux cousins moins envahissants, puis a tenté de calmer l’appétit du monstre en le piégeant dans son propre recyclage.
Mais aujourd’hui elle se rend à l’évidence : tous les recycleurs, tous les inventeurs de « nouveaux matériaux » ne suffiront pas à dompter la bête. Il faut supprimer la source du danger, couper le robinet de l'invention-inondation ! Les industriels et les décideurs politiques sont shootés à l’innovation, les mains liées par leur croyance dans le progrès uniquement matériel ? À nous de nous mobiliser pour terrasser la créature ! À nous de trouver comment assurer notre confort sans déséquilibrer la petite planète dont nous sommes locataires. Ce qu’il faut, c’est reconnaître notre addiction pour ralentir notre consommation jusqu'au strict nécessaire. Un défi tout à fait accessible, et que ce livre incite à relever dès aujourd’hui.

Editions Stock, coll. Essais-documents – 220 pages, octobre 2020 – 19,50 euros

Nathalie Gontard, chercheuse à INRAE, elle est l’une des meilleures expertes mondiales du sujet.

Hélène Seingier est journaliste, membre du comité de rédaction de l'hebdomadaire Le 1.

EXTRAITS

L’homme moderne cède (…) à la tentation : en lui permettant de faire mieux, plus et plus vite, le plastique augmente ses capacités. Il lui promet de gagner à la fois du temps libre et du bien-être.

(…) 150 millions d’années, c’est le temps nécessaire pour que les planctons, les algues, les végétaux et autres matières organiques préhistoriques se dégradent en charbon, en pétrole ou en gaz. Il ne suffit cependant évidemment pas de les laisser tranquillement vieillir à la surface ! Il faut le déhanchement monstrueux de la croûte terrestre (aussi appelé tectonique des plaques) pour les enfouir à grande profondeur, au chaud et à l’abri de l’air. Par exemple sous une couche d’argile ou au fond d’un océan.

Ainsi prise au piège, la matière vivante échappe au destin banal qu’elle aurait subi si elle était restée à la surface de la Terre. Au contact de l’air et de micro-organismes, elle aurait rapidement fini biodégradée – réduite à l’état de minuscules molécules de gaz carbonique et d’eau, comme toute matière organique. Ce recyclage lui aurait permis de réintégrer, via la photosynthèse des plantes, les infinies réincarnations de la nature, le parfait « cycle naturel du carbone ».

Mais un destin bien plus prestigieux attend nos matières préhistoriques prisonnières du sol. Bien au chaud sous terre, durant des millénaires, elles vont devenir rien moins que de l’or noir.

Qui pouvait penser que le plastique se comporterait différemment de toutes les matières auxquelles l’homme avait toujours eu recours ?

Cet or noir est avant tout une matière organique privée de l’oxygène de l’air, qui va se décomposer très lentement – mais pas totalement. Elle a entamé son processus de dégradation sans en venir à bout. Ses molécules sont bien plus petites que celles qui constituent la matière vivante, mais beaucoup plus grosses que les minuscules molécules de gaz carbonique ou d’eau. Il en est d’ailleurs de même pour ses cousins le charbon, moins dégradé car enfoui moins profond, et le gaz qui lui, au contraire, a atteint un état de dégradation un peu plus poussé.

Le pétrole est donc un jus noir, visqueux, en état de décomposition avancé mais inachevé, qui est remonté lentement des profondeurs pour se coincer quelque part dans un trou de roche.

(…) Qui pouvait penser que le plastique se comporterait différemment de toutes les matières auxquelles l’homme avait toujours eu recours ?

Mais dans ces premières décennies de boulimie plastique, personne ne se pose de questions, on ne voit pas si loin. La « démocratisation » des polymères* est un pas de plus vers le bien-être de l’humain, vers l’accomplissement de son évolution. Tout entier occupé à profiter des succès de son intelligence pour utiliser les ressources de la Terre, l’homme conjugue le bonheur au sens matériel. Aveuglé par les œillères de la croissance économique, il n’anticipe pas les conséquences d’une utilisation massive du plastique sur la planète entière.

 

Nathalie Gontard dans "28 minutes" sur Arte le 26 octobre 2020

 

 

*Les polymères constituent en effet une exception. Pour les élaborer, le génie humain a tellement modifié les Lego de la matière, qu’il a créé, de toutes pièces, un matériau « étranger » au fonctionnement biologique de notre environnement. Il ne peut pas trouver sa place dans le grand cycle de la nature – ou, du moins, pas sans persister durant plusieurs siècles dans l’environnement, en menaçant de causer des dégâts entre-temps.

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