Agroécologie 4 min
Plan Châtaigne du ministère de l'Agriculture
Le 8 octobre dernier, Christian Lannou était à Corte, SELMET-LDRE pour lancer une réflexion sur la châtaigne, un fruit en perte de vitesse, alors que le ministère de l'Agriculture annonce un plan national pour sa revitalisation. Une initiative qui mérite d'être explorée.
Publié le 05 novembre 2024
Article de Jeanne Leboulleux Leonardi de Corse Net Info
Pouvez-vous nous dire en quelques mots ce que représente ce plan Châtaigne ?
L’idée est de répondre au déclin de la production de châtaignes à l’échelle nationale, un problème que le ministère souhaite enrayer. L’objectif est de bâtir une stratégie de long terme pour développer une filière châtaigne plus résiliente. Le ministère a lancé ce plan au Salon de l’agriculture, en février 2024, en signant une convention avec le Syndicat national des producteurs de châtaignes. C’est donc un plan national.
Ce plan s’attaque à quoi ?
En fait, il y a deux grands problèmes : le problème sanitaire, avec des maladies comme le chancre du châtaignier et l’encre du châtaignier – qui sont deux maladies différentes – ; la pourriture des châtaignes, qui pose des problèmes même après la récolte… sans oublier les insectes, notamment les chenilles foreuses et le cynips du châtaignier. Le cynips est un problème en grande partie résolu, grâce aux travaux de l’INRAE.
L’autre problème, c’est le changement climatique : la sécheresse, le gel et les dérèglements généraux qui peuvent impacter des étapes clés de la croissance du châtaignier, notamment la floraison. Souvent, les deux types de problèmes sont liés : on les traite ensemble, dans le même plan.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Le ministère veut aller vite. Une réflexion est engagée depuis presque un an, en collaboration avec les acteurs de la filière. Le Syndicat des producteurs de châtaignes, le CTIFL – l’institut technique pour les fruits et légumes frais en France – et des organismes de recherche y sont associés.
Plusieurs réunions ont eu lieu au ministère de l’Agriculture. En juin, un diagnostic partagé de la situation a été produit, validé à la fois par les producteurs et le ministère. Ensuite, un plan d’actions a été élaboré pour proposer des solutions à court et moyen termes. Cela s’est fait durant l’été. Il faut bien comprendre que l’objectif est de trouver des solutions concrètes pour les producteurs.
Ensuite, il s’agit de développer des projets de recherche et développement détaillés sur chaque point du plan d’action. Le plan d’actions est en cours de finalisation, et les projets sont en cours de constitution. Nous avons bien avancé, mais il reste à obtenir l’aval du ministère et le déblocage des crédits.
Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce plan d’actions ?
Quatre grandes lignes devraient ressortir. D’abord, il faut des méthodes innovantes de protection des châtaigniers. Par exemple, nous travaillons sur le biocontrôle, c'est-à-dire l’utilisation d’organismes vivants – bactéries, insectes, molécules naturelles – pour en contrôler d’autres. Deux cas emblématiques sont l’utilisation de la micro-guêpe parasitoïde contre le cynips, qui pond dans les larves du cynips et les tue, et le chancre, un champignon – Cryphonectria parasitica – qui s’attaque à l’arbre. On utilise un virus qui infecte certaines souches de ce champignon, les rendant moins virulentes : l’arbre cicatrise. Les souches infectées du champignon sont répandues sur les arbres malades pour transmettre le virus aux souches virulentes.
En somme, on utilise la nature…
Et les trois autres lignes ?
D’abord, il y a la qualité des plants de châtaignier : nous devons produire des plants résistants et en bon état sanitaire. Ensuite, il y a les pratiques post-récolte pour éviter le pourrissement, en jouant sur le tri, le conditionnement… Enfin, les pratiques culturales : des techniques d’élagage, de compostage, et le paillage pour lutter contre la sécheresse.
Dans les grandes lignes, le travail est bien avancé. Nous espérons que les premiers projets seront mis en œuvre en début d’année prochaine… Dès que le ministère aura validé.
Et la Corse dans tout cela ? Vous avez parlé d’un plan Ambition Corse…
Ce plan est en réflexion depuis plus d’un an. En Corse, nous avons de petites unités implantées à San Ghjulianu et Corti. Notre ambition est de les consolider et de renforcer nos recherches pour la Corse. Un rapport interne a été produit en juin 2023, suivi des premières réunions. C’est justement dans ce cadre que j’étais à Corte en octobre pour lancer une réflexion sur la châtaigne.
Sur l’île, de nombreux travaux concernent les agrumes, notre priorité numéro un. Mais il nous a semblé important de développer la recherche sur la châtaigne : il y a un potentiel à explorer et un besoin fort de la filière. C’est une culture emblématique pour la Corse. Nous avons donc mobilisé nos unités de San Ghjulianu et Corti. Le 8 octobre, nous avons rencontré les chercheurs François Luro, Marie-Noëlle Ottavi, et Jean-Michel Sorba, qui avaient déjà mené une prospective sur la châtaigne à Corti.
Quel rapport avec le plan Châtaigne ?
Nous avons l’opportunité de renforcer nos travaux grâce au plan Châtaigne, qui pourrait débloquer des crédits pour soutenir la protection sanitaire et les actions face au changement climatique en Corse. C’est une occasion à ne pas manquer pour dynamiser nos unités locales et mobiliser des chercheurs d’autres régions, comme Cécile Robin, pathologiste à Bordeaux. Dans un second temps, d’autres financements seront les bienvenus, voire nécessaires.
La synergie entre le plan Châtaigne et notre Ambition Corse est une opportunité majeure pour accélérer ces projets… Nous sommes près du but, en attente du financement.