Agroécologie 3 min

Peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ?

L’Inra (Délégation à l'Expertise scientifique collective, à la Prospective et aux Etudes) a livré le 16 janvier 2018 une expertise scientifique collective sur les leviers disponibles pour réduire l’usage du cuivre en protection des cultures biologiques. Cette expertise a été réalisée à la demande conjointe de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) et d’un programme fédérateur de recherche Inra (Métaprogramme SMaCH*). La démarche d’examen de la littérature adoptée et les résultats sont potentiellement applicables à d’autres problématiques agricoles cherchant à limiter ou éviter la consommation de certains intrants.

Publié le 16 janvier 2018

illustration Peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ?
© INRAE

Le cuivre est utilisé en Europe dans la plupart des types d’agricultures pour maîtriser certaines maladies fongiques ou bactériennes et tient une place importante dans la protection des cultures conduites en agriculture biologique. L’usage du cuivre est actuellement homologué dans plus de 50 cas en arboriculture, viticulture, maraîchage ou grandes cultures, avec des formulations autorisées par les cahiers des charges de l’agriculture biologique. Les usages actuels sont particulièrement importants dans les vignobles pour lutter contre le mildiou (Plasmopara viticola), en grandes cultures pour protéger la pomme de terre du mildiou (Phytophtora infestans) et, à un degré un peu moindre, en vergers de pommiers pour contenir la tavelure (Venturia inaequalis). Ces trois pathogènes sont à l’origine de pertes de récolte particulièrement dommageables.

Or, des concentrations excédentaires en cuivre ont des effets néfastes sur la croissance et le développement de la plupart des plantes, sur les communautés microbiennes et la faune des sols. Ces effets ont motivé des restrictions réglementaires d'usage (plafonnement des doses applicables par hectare et par an) et même les interdictions de son usage phytosanitaire prononcées par certains pays européens (Pays-Bas, Danemark) qui amènent à s’interroger sur les alternatives actuellement ou potentiellement disponibles pour limiter ou éviter le recours au cuivre.

Quelles alternatives au cuivre ?

Plusieurs méthodes alternatives au cuivre existent, avec des effets souvent partiels. Il faut donc souvent les combiner pour protéger efficacement les cultures. Parmi elles, la génétique et, notamment, la recherche de variétés résistantes tient une place importante. Toutefois, assurer la durabilité des résistances dans le temps demande des constructions génétiques associant plusieurs résistances (pyramidage) et une gestion au champ de l’utilisation de ces variétés pour ne pas favoriser la capacité des pathogènes à les surmonter.

Plusieurs produits naturels à capacité biocide et/ou de stimulateur naturel de défense des plantes (parmi lesquels certaines huiles essentielles, notamment d’orange) font également partie des outils disponibles, à côté de mesures prophylactiques reposant sur l’élimination de résidus de récolte contaminés ou le déploiement de bâches anti-pluie qui évitent la contamination par les spores pathogènes. Les bâches sont un dispositif efficace mais onéreux. L’efficacité des produits naturels (biocides et SDP) est plus variable en conditions d’utilisation au champ qu’en laboratoire et des études R&D par les entreprises impliquées dans le biocontrôle seraient encore nécessaires pour améliorer leur efficacité.

Les connaissances rassemblées dans l’expertise montrent que des stratégies d’évitement du cuivre, combinant ces différents leviers, sont envisageables en vergers de pommiers et en culture de pomme de terre. L’assemblage de ces leviers amène, dans ces deux cas, à des propositions (certes théoriques) de système de protection des cultures permettant d’envisager la substitution complète et la reconception des systèmes. Pour la vigne, à court terme, le levier de la génétique n’est pas encore applicable dans toutes les conditions : il faut faire évoluer les règlements d’appellation et déployer progressivement les résistances pour éviter qu’elles ne soient contournées et définitivement perdues. Si la piste génétique est donc une stratégie essentielle à moyen terme, c’est la réduction des doses de cuivre employées qui, dans l’immédiat, serait le principal levier. Les doses appliquées pourraient en effet être réduites sans perte d’efficacité.

Combiner différents moyens de lutte conduit à reconcevoir les systèmes de culture et de protection des cultures, qu’il serait nécessaire de valider en expérimentation-système. L’expertise pointe en outre le manque de références en matière de capacité d’adoption et de coûts induits (incluant la formation et l’organisation du travail) pour les exploitations agricoles concernées. Une étude complémentaire serait également nécessaire sur la capacité (tant financière que stratégique) des industriels de l’agro-fourniture à mettre au point des innovations se substituant au cuivre et à les mettre en marché.

* Smach = Programme fédérateur de recherche Inra sur la Gestion durable de la santé des cultures.

** En savoir plus sur les vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium : dossier web

Une expertise scientifique collective

Cette expertise scientifique collective a été pilotée par la délégation à l’Expertise scientifique collective, aux Prospectives et aux Etudes (DEPE) de l’Inra. Elle a mobilisé une dizaine d’experts issus de différents organismes de recherche et s’appuie sur un corpus bibliographique d’environ 900 références.

Lire le rapport de l'Efsa

 

Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques ?

VIENT DE PARAITRE

Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques ?

Issu d’une expertise scientifique collective, cet ouvrage est une synthèse pluridisciplinaire et critique des connaissances disponibles sur le sujet. Il présente et étudie les différentes techniques potentiellement efficaces contre les agents pathogènes contrôlés par les traitements cupriques, et la nécessité de les combiner dans des systèmes intégrés de protection des cultures.

Coordination éditoriale, les auteurs :

Didier Andrivon est directeur de recherche INRAE, Institut de génétique, environnement et protection des plantes (INRAE, AgroCampusOuest, Univ. Rennes1) ; il est membre du Comité interne en agriculture biologique – CIAB d’INRAE.
Isabelle Savini, ingénieure INRAE, travaille à la Délégation à l’expertise, à la prospective et aux études - DEPE; elle est également membre du CIAB.

 

Editions Quae - Matière à débattre et décider, 126 pages, 20 juin 2019 – 26 euros

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