Agroécologie 4 min

Des observations satellites éclairent les secrets du verdissement des forêts tropicales sèches

COMMUNIQUE DE PRESSE - Dans les forêts tropicales sèches, la végétation se gonfle d’eau à la fin de la saison humide puis la stocke pendant la saison la plus sèche de l'année. Cette grande quantité d'eau emmagasinée permet aux arbres de développer des feuilles environ un mois avant la nouvelle saison des pluies. Ce résultat surprenant est révélé pour la première fois, grâce à des observations satellites, effectuées notamment dans la région africaine du Miombo (environ 4 fois la superficie de la France), par une étude coordonnée par l'Université de Copenhague et l'Inra, en collaboration avec le CEA, le CNRS, le CNES et Bordeaux Science Agro. Publiés le 13 août 2018 dans la revue Nature Ecology and Evolution, ces travaux permettront d’améliorer les modèles du système Terre actuels (qui ne prennent pas suffisamment en compte ces mécanismes hydrauliques de la plante) et les projections du climat futur et du cycle de l'eau dans ces régions du monde.

Publié le 13 août 2018

illustration Des observations satellites éclairent les secrets du verdissement des forêts tropicales sèches
© INRAE, C. Ryan

Quelles sont les relations entre le contenu en eau de la végétation et le développement des feuilles ? Ces variables sont-elles fortement reliées entre elles dans le temps et l'espace à la surface de la Terre ? Ces questions sont essentielles pour améliorer la prise en compte des échanges entre la végétation et l'atmosphère dans les modèles du système Terre et prédire la réponse des écosystèmes au changement climatique.

   Une découverte dans la forêt tropicale africaine du Miombo

Grâce à des observations satellites, les travaux de l'Université de Copenhague1et l'Inra2, menés en collaboration avec le CEA, le CNRS, le CNES et Bordeaux Science Agro3, ont montré que les variations saisonnières du contenu en eau de la végétation et du développement des feuilles sont fortement synchrones dans les régions boréales et tempérées. En revanche, de manière plus surprenante, ils ont démontré que ces variations sont fortement asynchrones dans les forêts tropicales sèches où l'augmentation du stock d'eau de la plante précède le verdissement de la végétation ("vegetation greening") de 25 à 180 jours. Leurs travaux se sont concentrés dans la région forestière du Miombo qui couvre une surface immense - plus de 2,7 millions de km2 au sud de la forêt Equatoriale en Afrique. Dans cette région, les observations satellites montrent clairement que l'indice foliaire (LAI) commence à augmenter plusieurs semaines avant le début des pluies, un signe clair du verdissement « pré-pluie » déjà révélé par de nombreuses études. Les mécanismes impliqués dans ce phénomène ne sont pas encore bien compris mais impliquent probablement des coûts énergétiques importants pour les plantes, qui doivent développer non seulement leur système racinaire pour accéder à l'eau du sol en profondeur mais également leurs branches pour accroître leur capacité de stockage.

La nouveauté vient ici des observations de l’indice L-VOD obtenu grâce au données du satellite ESA (Agence européenne spatiale)-CNES SMOS (un indicateur précieux de la dynamique du contenu en eau des plantes) qui montrent que la végétation du Miombo, se gonfle d'eau à la fin de la saison humide (lorsqu'il y a une diminution des pertes d'eau par transpiration), qu'elle stocke dans les tissus ligneux durant la plus grande partie de la saison sèche, jusqu'à l'émergence des nouvelles feuilles, quelques semaines avant les premières pluies de la saison humide. Or, cette émergence précoce des feuilles a des avantages physiologiques et écologiques, réduisant fortement le décalage temporel existant entre le début de la saison des pluies et celui de l'activité photosynthétique. Ce comportement hydraulique étonnant avait déjà été observé dans des expérimentations in situ menées sur quelques arbres dans les forêts tropicales sèches, en particulier au Costa Rica. Mais, cette nouvelle étude est la première démontrant qu'il s'agit en réalité d'un phénomène à très grande échelle, visible sur des régions forestières aussi vastes que la forêt du Miombo, ainsi que dans des régions au nord de l'Afrique équatoriale et dans le Cerrado au Brésil.

De plus, ces processus physiologiques et hydrologiques ne sont toujours pas inclus dans les modèles du système Terre. Aussi, le nouveau jeu de données L-VOD sera essentiel pour améliorer la nouvelle génération de modèles du système Terre, conduisant ainsi à de meilleures projections du climat futur et du cycle de l'eau dans ces régions du monde.

1 Department of Geosciences and Natural Resource Management, University of Copenhagen, Copenhagen, Denmark
2 Unité « Interaction Sol Plante Atmosphère » (Inra, Bordeaux Sciences Agro), centre Inra Nouvelle-Aquitaine – Bordeaux
3 Les autres laboratoires français impliqués dans ces travaux : Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA-CNRS-UVSQ), Evolution et diversité biologique (CNRS-IRD-UT3 Paul Sabatier-ENFA), Centre d’études spatiales de la biosphère (CNES-CNRS-IRD-UT3 Paul Sabatier), Bordeaux Science Agro, (National School of Agricultural Engineering of Bordeaux)

Une panoplie d'observations satellites 

Cette étude est basée sur une panoplie d'observations satellitaires visant à caractériser les variations temporelles des paramètres clefs du cycle hydrologique et de la végétation à l'échelle de l'écosystème. Ces travaux ont notamment bénéficié du nouveau jeu de données SMOS-IC de l'indice de végétation L-VOD (L-band vegetation optical depth), issu des observations spatiales du satellite ESA-CNES SMOS. Cet indice est très bien relié au contenu en eau de la végétation (kg/m2) de l'ensemble de la strate végétale. Plus précisément, avec le L-VOD, un indicateur du contenu en eau de la végétation, les autres variables considérées dans l'étude sont : l'indice foliaire (leaf area index, LAI), estimé à partir d'observations satellites optiques et qui caractérise la phénologie foliaire ; les anomalies de la réserve d'eau terrestre (TWS) estimées à partir des satellites GRACE ; ainsi que l'humidité du sol, les précipitations et les flux de transpiration. Les observations de l'humidité du sol considérées ici ont été calculées simultanément à l'indice L-VOD à partir des observations multi-angulaires SMOS.

Moyenné à l'échelle annuelle, l'indice L-VOD est fortement corrélé à la biomasse aérienne de la végétation, une caractéristique qui a été utilisée récemment pour quantifier les variations des stocks de carbone de la végétation sur le continent africain.

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