illustration  Nadia Boukhelifa, visionnaire de l’information
© INRAE B. Nicolas

Bioéconomie 4 min

Nadia Boukhelifa, visionnaire de l’information

De l’Angleterre à la Plaine de Versailles, il n’y avait qu’un pas… ou presque, que Nadia Boukhelifa a franchi il y a peu. Spécialiste de la visualisation de l’information, chargée de recherche dans l’Unité Génie et microbiologie de procédés alimentaires, elle nous partage avec enthousiasme son parcours qui aujourd’hui, met l’homme au cœur de ses activités.

Publié le 08 février 2019

C’est en Algérie que Nadia Boukhelifa obtient son baccalauréat scientifique, mention très bien, haut placée dans le Top 20 des lauréats de cette année-là. Heureuse récipiendaire d’une bourse nationale, elle décide alors de poursuivre ses études à l’étranger. Elle choisit l’Angleterre, un pays connu pour sa mixité culturelle, doté d’un enseignement scientifique de haut niveau où elle pourra pratiquer son anglais. Elle n’y restera pas moins de 12 ans.

Des sciences informatiques à la visualisation des données

Diplômée en Sciences informatiques, Nadia s’engage dans une thèse de doctorat qu’elle réalise à l’université de Kent. Elle travaille alors dans le domaine de la visualisation de l’information, cherchant à transformer des données, souvent abstraites, en des formes visuelles, plus préhensibles et souvent interactives, tout en déterminant quelle est la façon la plus efficace de les représenter.

« C’est un peu comme passer d’un tableau de données à un graphique à barres ou en courbes » résume Nadia avec conviction, ajoutant cependant : « Sauf que les données sont généralement complexes et les taches souvent exploratoires… ».

L’objectif est multiple, il s’agit de mieux comprendre les données, de les explorer, de mettre en évidence des relations entre elles et plus largement de faciliter les tâches qui y sont liées.

 

Mieux comprendre les données, mettre en évidence des relations

À partir de 2006, elle choisit sa voie, abandonnant toute velléité à vouloir travailler dans l’industrie et préférant définitivement se lancer dans une carrière de chercheur. D’abord en Angleterre, à l’université de Leeds où Nadia Boukhelifa travaille sur l’intégration des données, puis en France où elle rejoint d’abord l’Inria puis Telecom ParisTech pour des stages post-doctoraux. Intéressée depuis toujours par l’informatique, passionnée depuis longtemps par l’applicatif, Nadia se positionne plus que jamais à la croisée de l'interaction homme-machine et de l'intelligence artificielle tandis que ses compétences et son réseau professionnel s’étoffent au-delà des frontières et qu’elle travaille sur des projets divers, de l’histoire de l’Europe à la réfection des routes en passant par la visualisation des données incertaines, qui impliquent différents acteurs et groupes d'utilisateurs.

C’est dans ce même état d’esprit et avec cette même motivation qu’elle se tourne alors vers l’Inra. Nouveau domaine que celui du vivant, nouveaux utilisateurs qu’elle se plait à qualifier d’experts, tout l’attire d’autant plus qu’elle collabore avec plusieurs équipes Inra depuis déjà longtemps. Nadia Boukhelifa y est recrutée en 2016 comme chargée de recherches. Elle intègre alors l’unité Génie et microbiologie des procédés alimentaires (AgroParisTech, Inra) de l’Inra Île-de-France – Versailles-Grignon, dont les travaux portent sur la maîtrise des processus physiques et biologiques qui gouvernent les transformations, des bioprocédés jusqu’à l’homme, dans la perspective de délivrer des connaissances et des outils d’aide à l’élaboration de produits ou bio-produits de qualité (sensorielle, nutritionnelle, sanitaire et environnementale).

Mettre de l’humain dans la boucle

Nadia renforce ainsi l’équipe Malice - Intégration des connaissances, Modélisation et analyse de systèmes alimentaires et biologiques complexes – dont l’objectif est de construire des modèles pour représenter la dynamique de systèmes complexes alimentaires et biologiques.

Au cœur de cette communauté, où la méthodologie mise en œuvre s’appuyait plutôt jusque-là sur des méthodes d’apprentissage automatique, venues de l’intelligence artificielle ou de la modélisation mathématique, elle travaille à « mettre de l’humain dans la boucle de modélisation » grâce à la visualisation et aux méthodes interactives. Au-delà des seules données expérimentales, elle cherche à associer les experts, du mathématicien fou de codage au biologiste tombé dans l’éprouvette, au processus de modélisation afin de mobiliser leurs connaissances pour mieux comprendre les données et guider cette modélisation. Elle bénéficie en retour de leur ressenti pour améliorer in fine et de façon itérative les modèles et en garantir la pertinence et le sens.

 

Des échanges et des collaborations facilités

Elle a ainsi récemment exploré deux modèles complexes, un modèle de fermentation et un modèle de fertilisation du blé, AzoDyn, à l’aide d’un outil de visualisation, EvoGraphDice, qu’elle a conçu avec d’autres à l’Inria et dont elle a poursuivi le développement à l’Inra. L’exercice, auquel se sont d’ailleurs volontiers prêté les experts sur grand écran tactile, a révélé les nombreux avantages de cette méthodologie : des protagonistes satisfaits à l’unanimité, des échanges et des collaborations facilités, un espace de recherche réduit et une nouvelle façon de gérer les conflits entre plusieurs critères de modélisation, par exemple pour optimiser un rendement ou réduire les intrants.

Ces deux années et quelques mois passés à l’Inra n’ont fait que renforcer les intérêts et la motivation de Nadia qui évoque avec spontanéité « tout le travail qu’il y a à faire » en matière de construction, d’exploration et de réglage des modèles grâce à la visualisation interactive tout en profitant des connaissances des experts.

Un vaste programme - guidé par la question sous-jacente de savoir à terme si la modélisation interactive est susceptible de générer de nouvelles connaissances - pour cette jeune recrue, experte de la visualisation des donnés et pleine de modestie.

 

Catherine FoucaudRédactrice

Contacts

Nadia BoukhelifaUMR GMPA Génie et Microbiologie des Procédés Alimentaires

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