5 min

Le Mont Ventoux, labo à ciel ouvert pour l’adaptation des forêts au changement climatique

Des températures en hausse et des précipitations en baisse... Comment les forêts vont-elles répondre à l’évolution du climat de leur habitat naturel ? S’acclimater, s’adapter, migrer : qui va le mieux s’en sortir ? À 1 400 m d’altitude sur le Mont Ventoux, une équipe de l’unité Écologie des forêts méditerranéennes va chercher des réponses. Reportage.

Publié le 09 décembre 2015

illustration   Le Mont Ventoux, labo à ciel ouvert pour l’adaptation des forêts au changement climatique
© INRAE, Bertrand Nicolas

Le changement climatique est une réalité. En Provence, les chercheurs en voient déjà les dommages sur les sapins du Mont Ventoux qui ont commencé à dépérir après la canicule de 2003. Face à la hausse des températures, aux pics de chaleur et sécheresses répétés, aux précipitations moins abondantes, les forêts pourront-elles s’acclimater ? Quelles espèces auront le meilleur potentiel d’adaptation ? Lesquelles seront capables de migrer pour survivre ? Autant de questions qui guident les équipes de l’unité Écologie des forêts méditerranéennes sur les pentes du Mont Ventoux pour y mesurer, prélever, échantillonner, tester, observer, analyser…

Aubaine pour les chercheurs, le Mont Ventoux présente un très gros avantage, son  important gradient altitudinal : entre la base et le sommet, un dénivelé de 1 900 m et une variation de températures de presque 10 °C ! Côté végétation, on passe d’essences caractéristiques de l’arrière-pays méditerranéen comme le chêne vert, à une végétation de type alpin avec les sapins et les hêtres, puis des pins à crochet, adaptés au climat de haute-montagne. Les chercheurs utilisent donc ce laboratoire grandeur nature pour tester plusieurs processus qui correspondent à l’adaptation au changement climatique :

  • l’acclimatation des espèces à leur nouveau milieu. Les scientifiques étudient l’acclimatation de l’arbre au stress hydrique par la plasticité de son fonctionnement au cours de sa vie - régulation de la transpiration, croissance racinaire, capture de l’eau présente dans le sous- sol, baisse de croissance, chute d’aiguilles ;
  • l’adaptation génétique des générations futures. Au sein d’une population d’arbre, il existe une grande diversité génétique. Certains peuvent présenter des caractéristiques d’adaptation à des milieux plus secs, car ils ont subi la sélection naturelle. En quelques générations, la population peut donc évoluer et voir sa composition changée avec des arbres plus adaptés à la sécheresse.
  • la migration (par dissémination des graines) pour suivre une zone de climat idéal. En effet, un petit degré de plus, et il faudra monter de 150 m pour retrouver à la fin du siècle les même conditions climatiques qu’aujourd’hui. Avec + 2 °C, les chercheurs prévoient que l’ensemble des espèces devrait pouvoir s’adapter. Au-delà, + 3 °C, cela va se compliquer pour les espèces alpines du sommet de la montagne ; leur habitat disparaissant avant qu’elles aient pu s’adapter, elles sont vouées à périr. Les arbres situés actuellement en bas du Mont Ventoux devront migrer, en se déplaçant de 300 m vers le haut ou de 300 km vers le nord. Ce qui est possible, selon les chercheurs, mais en montagne seulement, pas en plaine. Ils ont calculé que la distance à parcourir par les graines, plus de 100 km vers le nord, est beaucoup trop grande. Qui va s’en sortir le mieux alors ? Au Mont Ventoux, le hêtre est prédit gagnant. Avec une avancée annuelle estimée entre 30 et 40 m, l’arbre aura assez de temps pour migrer et coloniser d’autres habitats. Grâce à ces mesures et ces résultats, il est possible de devancer le changement climatique en plantant les bonnes essences.

Patricia LéveilléRédactrice

Contacts

Hendrik DaviUR Ecologie des forêts méditerranéennes

Le centre

Le département

En savoir plus

Changement climatique et risques

Préparer les forêts au changement climatique

La COP24 s'est tenue du 3 au 14 décembre 2018 en Pologne et avait pour objectif de garantir l’application de l’Accord de Paris sur le climat adopté en 2016. Plusieurs travaux de recherche d’INRAE ont pour objet l’adaptation des écosystèmes au changement climatique et leur contribution à son atténuation. Zoom sur le projet REFORCE, qui cherche à comprendre comment les forêts mettent en place des mécanismes de résilience face aux aléas climatiques.

01 décembre 2019