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Le Mont Ventoux, labo à ciel ouvert pour l’adaptation des forêts au changement climatique
Des températures en hausse et des précipitations en baisse... Comment les forêts vont-elles répondre à l’évolution du climat de leur habitat naturel ? S’acclimater, s’adapter, migrer : qui va le mieux s’en sortir ? À 1 400 m d’altitude sur le Mont Ventoux, une équipe de l’unité Écologie des forêts méditerranéennes va chercher des réponses. Reportage.
Publié le 09 décembre 2015
![illustration Le Mont Ventoux, labo à ciel ouvert pour l’adaptation des forêts au changement climatique](/sites/default/files/styles/actu/public/jpg/5152-0933.jpg?itok=U4QfcM6R)
Le changement climatique est une réalité. En Provence, les chercheurs en voient déjà les dommages sur les sapins du Mont Ventoux qui ont commencé à dépérir après la canicule de 2003. Face à la hausse des températures, aux pics de chaleur et sécheresses répétés, aux précipitations moins abondantes, les forêts pourront-elles s’acclimater ? Quelles espèces auront le meilleur potentiel d’adaptation ? Lesquelles seront capables de migrer pour survivre ? Autant de questions qui guident les équipes de l’unité Écologie des forêts méditerranéennes sur les pentes du Mont Ventoux pour y mesurer, prélever, échantillonner, tester, observer, analyser…
Aubaine pour les chercheurs, le Mont Ventoux présente un très gros avantage, son important gradient altitudinal : entre la base et le sommet, un dénivelé de 1 900 m et une variation de températures de presque 10 °C ! Côté végétation, on passe d’essences caractéristiques de l’arrière-pays méditerranéen comme le chêne vert, à une végétation de type alpin avec les sapins et les hêtres, puis des pins à crochet, adaptés au climat de haute-montagne. Les chercheurs utilisent donc ce laboratoire grandeur nature pour tester plusieurs processus qui correspondent à l’adaptation au changement climatique :
- l’acclimatation des espèces à leur nouveau milieu. Les scientifiques étudient l’acclimatation de l’arbre au stress hydrique par la plasticité de son fonctionnement au cours de sa vie - régulation de la transpiration, croissance racinaire, capture de l’eau présente dans le sous- sol, baisse de croissance, chute d’aiguilles ;
- l’adaptation génétique des générations futures. Au sein d’une population d’arbre, il existe une grande diversité génétique. Certains peuvent présenter des caractéristiques d’adaptation à des milieux plus secs, car ils ont subi la sélection naturelle. En quelques générations, la population peut donc évoluer et voir sa composition changée avec des arbres plus adaptés à la sécheresse.
- la migration (par dissémination des graines) pour suivre une zone de climat idéal. En effet, un petit degré de plus, et il faudra monter de 150 m pour retrouver à la fin du siècle les même conditions climatiques qu’aujourd’hui. Avec + 2 °C, les chercheurs prévoient que l’ensemble des espèces devrait pouvoir s’adapter. Au-delà, + 3 °C, cela va se compliquer pour les espèces alpines du sommet de la montagne ; leur habitat disparaissant avant qu’elles aient pu s’adapter, elles sont vouées à périr. Les arbres situés actuellement en bas du Mont Ventoux devront migrer, en se déplaçant de 300 m vers le haut ou de 300 km vers le nord. Ce qui est possible, selon les chercheurs, mais en montagne seulement, pas en plaine. Ils ont calculé que la distance à parcourir par les graines, plus de 100 km vers le nord, est beaucoup trop grande. Qui va s’en sortir le mieux alors ? Au Mont Ventoux, le hêtre est prédit gagnant. Avec une avancée annuelle estimée entre 30 et 40 m, l’arbre aura assez de temps pour migrer et coloniser d’autres habitats. Grâce à ces mesures et ces résultats, il est possible de devancer le changement climatique en plantant les bonnes essences.