Changement climatique et risques 3 min

Un modèle pour prédire la croissance des arbres forestiers dans un nouvel environnement

COMMUNIQUE DE PRESSE - Avec l’accélération du changement climatique, les populations d'arbres forestiers font face à une augmentation des dépérissements, affectant un large éventail d'espèces et d'environnements. Face à cette situation alarmante, des stratégies de transplantation prenant en compte les mécanismes évolutifs sont à l’étude, par exemple la transplantation d’arbres vers des climats où ils seraient mieux adaptés. Des scientifiques d’INRAE et du CNRS ont ainsi développé des modèles de prédiction de la réponse des arbres à leur environnement, en prenant pour sujet d’étude la croissance en hauteur chez le pin maritime. Leurs résultats, publiés le 29 avril dans The American Naturalist, montrent que les modèles intégrant des données génomiques et climatiques prédisent mieux la croissance en hauteur des arbres par rapport aux modèles préexistants se basant sur les données climatiques seules. Ces travaux pourraient rapidement mener à des applications concrètes en conservation et gestion forestière, notamment à travers des stratégies de transplantation.

Publié le 02 mai 2022

illustration Un modèle pour prédire la croissance des arbres forestiers dans un nouvel environnement
© Unité conservatoire génétique de Lacanau

Les arbres sont des espèces « clés de voute » essentielles au fonctionnement et au maintien des écosystèmes. Mais, face à l’accélération des changements globaux, certaines populations d’arbres ne seront pas en mesure de s’adapter assez rapidement, et pourraient connaître des déclins démographiques voire des extinctions. Afin d’éviter de tels scénarios, des stratégies de conservation et de gestion forestière comme le déplacement d’arbres vers des climats auxquels ils seront mieux adaptés (stratégie du flux génétique assisté) ou vers des populations menacées qui manquent de diversité génétique (stratégie du sauvetage évolutif) peuvent être mises en place. Parce que ces décisions engagent les gestionnaires pour plusieurs années, il est nécessaire d’anticiper la réponse des arbres transplantés à leur nouvel environnement.

Jusqu’à présent, les modèles de prédiction se basaient principalement sur le climat d’origine des populations d’arbres transplantés. Or, les données génomiques constituent des informations précieuses sur les processus adaptatifs des arbres comme la croissance. Comme elles sont de plus en plus accessibles grâce au coût en constante diminution des technologies de séquençage1, l’équipe de recherche* s’est intéressée à développer des modèles combinant données climatiques et génomiques pour améliorer la robustesse et la précision des prédictions.

Un modèle basé sur un large dispositif expérimental autour du pin maritime en France, Espagne et Portugal

Pour développer ces modèles, ils ont utilisé le pin maritime, espèce emblématique du bassin méditerranéen, comme modèle d’étude. Un dispositif expérimental de suivi a été mis en place sur cinq sites en France (Cestas Pierroton (33)), en Espagne (Asturias, Cáceres et Madrid) et au Portugal (Fundão) avec des arbres provenant de 34 populations de pins maritimes collectés sur l’ensemble de l’habitat naturel de l’espèce. Les scientifiques se sont concentrés sur la prédiction de la croissance en hauteur des arbres, un trait d’intérêt majeur chez les arbres forestiers tant d’un point de vue économique qu’écologique puisque les arbres grandissant le plus rapidement ont une probabilité plus élevée de survivre et de se reproduire.

Les résultats montrent que les variations de croissance en hauteur du pin maritime observées s’expliquent à la fois par les différents pools génétiques dont ils sont originaires et par les différents climats dans lesquels ils ont évolué. L’incorporation conjointe des données climatiques et génomiques dans les modèles a permis d’améliorer les prédictions de la croissance en hauteur des populations de 14 % à 25 % en moyenne selon les sites expérimentaux par rapport à des modèles uniquement basés sur des données climatiques.

Ces résultats sont prometteurs pour développer des modèles de prédiction de l’adaptation de population d’arbres transplantés dans un nouvel environnement dans le cadre de la conservation et de la gestion forestière.

 

1 Le séquençage est l'analyse du génome qui détermine la succession de toutes les bases qui composent l'ADN d'un organisme et permet de déterminer ses différents gènes.

Référence

Juliette Archambeau, Marta Benito Garzón, Frédéric Barraquand, Marina de Miguel Vega, Christophe Plomion, et Santiago C. González-Martínez. Combining climatic and genetic data improves range-wide tree height growth prediction in a forest tree. The American Naturalist, Volume 0, Number ja DOI : doi.org/10.1086/720619

* Laboratoires impliqués :

  • UMR BIOGECO (INRAE, Université de Bordeaux)
  • Institut de mathématiques de Bordeaux (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
  • UMR EGFV ( Université de Bordeaux, Bordeaux Sciences Agro, INRAE, ISVV)

 

En savoir plus

Changement climatique et risques

Préparer les forêts du futur en Méditerranée

Avec une augmentation des températures et une baisse des précipitations au printemps et en été, la région méditerranéenne est particulièrement touchée par le changement climatique, et d’autant plus vulnérable aux incendies. De 1998 à 2017, la région a subi plusieurs séries d’années exceptionnellement chaudes et sèches. Les scientifiques d'INRAE analysent la réponse des écosystèmes forestiers au changement climatique et aux incendies pour préparer les forêts du futur.

17 janvier 2020

Changement climatique et risques

Sécheresse : l’indispensable adaptation des forêts françaises

L’Australie lutte encore contre les incendies qui ont ravagé en quelques mois plus de 10 millions d’hectares de forêts, en particulier dans le Sud-Est du pays. Si l’Europe ne connaît pas pour le moment de situations aussi extrêmes, l’intensification des épisodes de sécheresses exige une vigilance accrue. En France, les étés 2018 et 2019 ont été particulièrement meurtriers pour nos forêts. Le manque d’eau et les températures élevées ont eu raison de nombreuses essences.

31 janvier 2020

Biodiversité

Des forêts mélangées pour lutter contre les insectes ravageurs

COMMUNIQUE DE PRESSE - Avec le réchauffement climatique, on constate une augmentation généralisée des dégâts provoqués par les insectes ravageurs dans les forêts en Europe et dans le monde sous climat tempéré. Afin d’évaluer le rôle de la diversité des forêts dans leur résistance aux insectes ravageurs, des chercheurs d’INRAE et de la Mission Biologique de Galice (Espagne) ont mené une méta-analyse sur plus de 600 cas publiés entre 1966 et 2019, la plus complète à ce jour. Leurs résultats, publiés le 16 septembre dans Annual Review of Entomology, confirment que les forêts mélangées (composées de plusieurs espèces d’arbre) sont plus résistantes aux attaques de la majorité des insectes herbivores que les forêts pures (monocultures), avec une réduction des dégâts d’en moyenne 20%. Leur synthèse ouvre de nouvelles pistes de recherche en gestion forestière pour prévenir les attaques de ces ravageurs.

17 septembre 2020