Alimentation, santé globale 3 min

De l’oxygène pour lutter contre une toxine intestinale

La concentration en oxygène peut moduler la production d’une toxine, la colibactine, dans les intestins. Ce qui, pour une équipe de scientifiques de l’Institut de recherche en santé digestive (IRSD – Inserm/INRAE/UT3 Paul Sabatier/ENVT) du centre INRAE Occitanie-Toulouse, est porteur d’espoirs dans la lutte contre des maladies intestinales.

Publié le 28 novembre 2023

illustration De l’oxygène pour lutter contre une toxine intestinale
© Emilie Cloup et Jean-Philippe Nougayrède

La colibactine, une toxine produite par la bactérie Escherichia coli

Les bactéries Escherichia coli (E. coli) résident dans le tube digestif des animaux à sang chaud, dont les humains. La majorité des souches présentes sont inoffensives, cependant, certaines sont pathogènes. Ainsi, jusqu’à 25% des souches isolées dans les selles d’humains en bonne santé abritent un ensemble de gènes, appelé îlot pks, qui conduit à la synthèse de la colibactine.

Cette dernière est hautement nocive pour les cellules car elle induit des lésions de l’ADN. On parle alors d’effets génotoxiques, lorsque les dommages causés à l’ADN ne sont pas correctement réparés et conduisent à l’apparition de mutations, qui peuvent avoir des effets plus ou moins délétères. Dans le cas de la colibactine, les lésions peuvent conduire à un arrêt de la division cellulaire.

Cette toxine est donc dangereuse pour les cellules hôtes, en l’occurrence celles de l’intestin chez les animaux, dont l’humain. Elle est aussi capable d’affecter la bactérie qui la produit. C’est pour cela que l’îlot pks se dote également d’un système d’autoprotection.

Depuis plusieurs années maintenant, on suppose très fortement que les mutations induites par la colibactine jouent un rôle important dans l’apparition du cancer colorectal. Or, ce dernier s’impose, en France, chez les non-fumeurs, comme la première cause de décès par cancer chez les moins de 65 ans.

Déterminer un moyen de lutter contre la colibactine serait donc bénéfique pour les différentes affections survenant dans l’intestin, y compris contre les tumeurs. Or, il s’avère que la colibactine est particulièrement sensible à la concentration en oxygène.

Une toxine inhibée par l’oxygène

De précédentes études ont montré que la colibactine était fortement régulée par les conditions environnementales dans lesquelles elle était produite. Plus précisément, ces conditions sont celles de l’intestin dans lequel les bactéries pks+ E. coli relâchent la colibactine.

Ainsi, la colibactine est sensible à la disponibilité du fer, à la quantité de carbone ou encore à la présence de sucres. En somme, la toxine est sensible au régime alimentaire de l’hôte. Mais pas seulement ! L’oxygène a également un rôle à jouer…

L’oxygène est un facteur environnemental clé, qui occupe une place centrale dans les mécanismes métaboliques de l’hôte et de la bactérie.

L’intestin se caractérise par un profil d’oxygénation unique, avec un gradient bien marqué dans la concentration en oxygène. La paroi présente une très faible concentration en oxygène, tandis que le centre de l’intestin présente un milieu anaérobie, donc totalement dénué d’oxygène. Un tel environnement favorise le développement des bactéries anaérobies, dont certaines souches de E.coli.

Jusqu’à présent, l’impact de l’oxygène sur la colibactine n’avait pas été étudié. Grâce à ces nouveaux travaux, les scientifiques de l’IRSD ont pu montrer que la toxine y est pourtant très sensible. Sa production est ainsi maximale dans des conditions anoxiques, dépourvues d’oxygène, et elle va diminuer au fur et à mesure que la concentration en oxygène augmente. Plus il y a d’oxygène dans le milieu, plus la génotoxicité de la colibactine est donc atténuée. Ceci indique que l’îlot pks et sa voie de biosynthèse fonctionnent uniquement dans des conditions dépourvues d’oxygène.

De tels résultats laissent la porte ouverte à l’utilisation potentielle de l’oxygène pour lutter contre la colibactine et ses effets nocifs sur les organismes.

Référence :

Bossuet N, Guyonnet C, Chagneau CV, Tang-Fichaux M, Penary M, Loubet D, Branchu P, Oswald E, Nougayrede JP. Oxygen concentration modulates colibactin production. Gut Microbes. 2023 Jan-Dec;15(1):2222437. doi: 10.1080/19490976.2023.2222437

En savoir plus

Alimentation, santé globale

Une toxine à l’origine de dommages à l’ADN retrouvée chez des patients souffrant d’infections urinaires

COMMUNIQUE DE PRESSE - Les infections urinaires touchent plus de 50 % des femmes, dans certains cas de manière récurrente. La bactérie E. coli est très souvent impliquée dans le développement de ces infections. Pour la première fois, des scientifiques de l’Inserm, du CHU de Toulouse, d’INRAE, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et de l’École nationale vétérinaire de Toulouse ont identifié la présence d’une toxine produite par ces bactéries dans les urines de patientes, qui aurait pour effet d’endommager l’ADN des cellules de la vessie. Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles réflexions pour affiner la prise en charge des patientes sujettes à infections urinaires récurrentes. L’étude est publiée dans le journal Plos Pathogens le 25 février 2021.

26 février 2021

Alimentation, santé globale

Un probiotique désarmé pour mieux guérir

COMMUNIQUE DE PRESSE- Utilisée depuis plus d’un siècle pour traiter les troubles gastro-intestinaux, la bactérie Escherichia coli (E. coli) « Nissle 1917 » est un incontournable en matière de probiotique. Néanmoins, cette bactérie produit une toxine, la colibactine, qui casse l’ADN des cellules et pourrait induire le cancer colorectal. Il est donc essentiel de mieux comprendre son fonctionnement afin de minimiser au mieux ses effets secondaires. Des chercheurs de l’Inra, de l’Inserm, de l’Université de Toulouse III – Paul Sabatier et de l’ENVT ont réussi à mieux comprendre la synthèse des « bonnes » et « mauvaises » molécules chez « Nissle 1917 » et ainsi à créer une nouvelle souche incapable de produire la toxine tout en gardant ses propriétés probiotiques. Les travaux ont été publiés le 23 septembre 2019 dans la revue PLoS Pathogens.

11 décembre 2019