Agroécologie 3 min

L’agrégation des oomycètes enfin décryptée

Ni champignons ni végétaux, les oomycètes, responsables entre autres des maladies du mildiou de la pomme de terre, de la tomate ou de la vigne, sont parmi les principaux ravageurs des agroécosystèmes. Des chercheurs INRAE ont ouvert un nouveau champ de recherches dans la lutte contre ces nuisibles, en déterminant les mécanismes physico-chimiques et cellulaires à l’origine de l’agrégation des zoospores, prélude à la formation de biofilms d’oomycètes sur les racines.

Publié le 27 octobre 2021

illustration L’agrégation des oomycètes enfin décryptée
© INRAE, Jo-Yann LE BERRE

Disséquer la nage des zoospores

Les zoospores sont les spores unicellulaires biflagellées des oomycètes, des structures de dissémination capables d’explorer les sols. Une des causes de leur efficacité est leur capacité à se diriger préférentiellement dans l’eau de pluie vers leurs plantes favorites en se propulsant avec leurs deux flagelles, ou bien à rejoindre à la « nage » des racines précédemment infectées par leurs consœurs. Cette dernière forme de pilotage dirigé est à l’origine de la formation sur les racines des plantes infectées de biofilms d’oomycètes, qui compliquent la lutte contre ces parasites.

Des chercheurs INRAE de l’Institut Sophia Agrobiotech, en collaboration avec des physiciens de l’Université Côte d’Azur, ont analysé la manière dont les zoospores de l’espèce polyphage Phytophthora parasitica se déplacent en eau libre, en les soumettant à un gradient d’ions K+. Résultat : l’agrégation résulte d’un mécanisme binaire de chimiotactisme négatif, c’est-à-dire de répulsion par les ions K+ de chaque zoospore, puis de bioconvection, c’est-à-dire le mouvement imprimé à chaque individu par le grand nombre de zoospores présents en solution. Par ailleurs, l’analyse conjointe des variations du transcriptome (l’ensemble des ARN messagers) et de l’organisation cellulaire des zoospores a montré que leur agrégation implique des fonctions essentielles telles que l’équilibre du pH intra et extra-cellulaire, le trafic vésiculaire ou encore l’élaboration de dépôt matriciel favorisant le contact entre les cellules.

De nombreuses retombées potentielles

Ces résultats ouvrent deux champs de recherche dans l’étude des interactions plantes-microorganismes : d’une part, la définition des forces physiques et des mécanismes cellulaires qui régissent le mouvement vers la rhizosphère - la portion du sol environnant les racines - et l’agrégation des zoospores. D’autre part, l’élucidation des bases génétiques favorisant l’attraction, l’adhésion et l’agrégation des oomycètes au site d’infection.

Très encourageantes, ces recherches constituent une première étape dans l’identification de facteurs d’émergence des maladies causées par les oomycètes, en l’occurrence ici la distribution et les échanges d’ions au niveau du sol, qui sont déterminants pour la localisation préférentielle et le mouvement des spores infectieuses. Elles permettent en outre d’imaginer des méthodes nouvelles et plus respectueuses de l’environnement pour contrôler la dissémination des oomycètes dans les agrosystèmes, via le développement de méthodes de prophylaxie précoces telles que le déploiement de capteurs plus sensibles ou de plantes de service issues de la sélection génétique.
 

Références :
  • Galiana, E., Cohen, C., Thomen, P., Etienne, C., and Noblin, X. (2019). Guidance of zoospores by potassium gradient sensing mediates aggregation. J R Soc Interface, 16, 157. https://doi.org/10.1098/rsif.2019.0367
  • Bassani, I., Rancurel, C., Pagnotta, S., Orange, F., Pons, N., Lebrigand, K., Panabieres, F., Counillon, L., Noblin, X., and Galiana, E. (2020). Transcriptomic and Ultrastructural Signatures of K(+)-Induced Aggregation in Phytophthora parasitica Zoospores. Microorganisms, 8, 1012. https://doi.org/10.3390/microorganisms8071012
  • Bassani, I., Larousse, M., Tran, Q.D., Attard, A., Galiana, E. (2020) Phytophthora zoospores: from perception of environmental signals to inoculum constitution on host-root surface. Comput. Struct. Biotechnol. J., 18. https://doi.org/10.1016/j.csbj.2020.10.045

 

François MALLORDYRédacteur

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Éric GALIANA ChercheurInstitut Sophia Agrobiotech (ISA)

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