illustration  Jean-Michel Chardigny, précieux maillon de la chaîne alimentaire
© INRAE, Christophe Maitre

Alimentation, santé globale 4 min

Jean-Michel Chardigny, précieux maillon de la chaîne alimentaire

Après avoir été chercheur puis directeur d’unité, Jean-Michel Chardigny est désormais chargé de partenariat et d’innovation (CPI) pour le domaine « Protéines pour l’alimentation humaine et animale » à l’Inra. D’humeur joviale et d’une curiosité sans borne, il cherche en permanence à s’améliorer, et surtout, à être au plus proche de la réalité de la chaîne alimentaire. Rencontre, entre deux rendez-vous, avec un homme engagé.

Publié le 14 novembre 2017

« J’ai choisi de travailler à l’Inra pour faire de la recherche appliquée. Il était très important pour moi de lier la recherche à ce qu’il se passe dans la société ». Chargé de recherche à Dijon sur les graisses alimentaires, directeur adjoint puis directeur de l’unité Nutrition Humaine de Clermont-Ferrand, chargé de partenariat et d’innovation… Depuis son arrivée en 1990 à l’Institut, Jean-Michel Chardigny est passé par toute une palette de métiers. « J’ai d’abord fait quinze ans de sciences, puis du management et maintenant, on peut dire que je fais de la science par procuration » raconte-t-il avec bonne humeur. « Ces ruptures dans mon parcours me plaisent car cela m’aura permis d’avoir des activités très variées, tout en restant à l’Inra, où j’ai le sentiment de faire quelque chose d’utile. C’est vraiment important pour moi. Mon travail actuel, c’est de pousser des idées, mais aussi de contribuer à la vie et au fonctionnement de collectifs, quels qu’ils soient ».

Sur la route

« Ma journée-type ? C’est ma valise ! » déclare-t-il, avec humour. « Mon travail n’est pas monotone, c’est ce qui me plaît vraiment. J’ai beaucoup de rendez-vous, je vois beaucoup de monde car je suis en contact aussi bien avec des pôles de compétitivité que des associations ou des industriels… ». Pour lui, un objectif : toujours mieux répondre aux questions que se posent les partenaires de l’Inra. En effet, que ce soit avec des grands comptes ou des start-ups, Jean-Michel Chardigny cherche à développer une offre alimentaire qui corresponde aux nouvelles demandes sociétales. Durable, variée, naturelle, plus végétale, voire sans gluten… notre alimentation connaît de grands changements à l’heure actuelle, et ce n’est pas sans raison.

Construire une alimentation durable

Dans le futur, j’espère que nous mangerons moins de viande.

À l’horizon 2050, nous serons 9 milliards sur la planète. Il devient donc nécessaire que l’offre alimentaire réponde aux besoins de la population mondiale, mais il faut aussi se préoccuper de la transition nutritionnelle, notamment dans les pays en développement où l’homme a toujours tendance à consommer trop. « On peut rêver : dans le futur, j’espère que nous consommerons moins de viande, de meilleure qualité, et plus de végétaux, comme des légumineuses et des céréales » répond spontanément Jean-Michel Chardigny. « Une véritable tension se crée en ce moment sur le développement des protéines. L’enjeu est de mieux les répartir sur le globe. ». C’est pour cette raison que le CPI s’est lancé sur plusieurs projets : « J’ai co-construit, entre autres, un programme au sein du métaprogramme Did It afin de développer l’offre alimentaire de produits végétaux, notamment pour proposer toujours plus de durabilité dans l’alimentation », en lien avec un comité de porteurs d’enjeux.

Hors des sentiers battus

En parallèle de ses fonctions à l’Inra, Jean-Michel Chardigny a bien d’autres activités. Il est président d’un comité de rédaction sur la nutrition et la diététique, ainsi que membre d’autres comités scientifiques comme Insectinnov. D’ailleurs, écrire le livre Des insectes au menu ? lui a permis de « sortir des sentiers battus » et de travailler avec l’entomologiste Vincent Albouy. « C’était un grand moment de plaisir, une occasion d’évasion pour explorer de nouvelles thématiques ». Et pour s’évader, il n’hésite pas à faire de la randonnée dans le Jura ou dans les Alpes, ou à faire du VTT dans la région dijonnaise. Lorsqu’il dit qu’il « ne s’ennuie pas », nous n’en doutons pas une seule seconde !

Zoom sur...

Les protéines végétales, un véritable enjeu
 

L’homme consomme trop de protéines animales : 70 % de nos protéines proviennent d’une source animale actuellement alors que les recommandations seraient d’en consommer autant que de protéines végétales, voire moins, afin de mieux répartir les apports. Aujourd’hui, un débat se crée sur l’efficacité des protéines végétales utilisées pour nourrir les animaux qui produisent des protéines animales : ne serait-il pas judicieux de consommer directement des protéines végétales ? « On note une augmentation de la consommation de poulet au niveau mondial. Or nous les nourrissons avec des tourteaux de soja, que nous faisons pousser en Amérique du Sud. Tout cela entraîne une déforestation, notamment en Argentine, mais pas seulement : comme nous ne pouvons pas aller plus loin, nous nous attaquons au Brésil… » alerte Jean-Michel Chardigny. « C’est catastrophique, et sans aller jusqu’à dire que cela fait froid dans le dos, cela pose énormément de questions » conclut-il.

Et dans le futur ? Mangerons-nous des insectes demain ?
 

Trouver comment nourrir la population mondiale qui ne cesse de croître est l’un des challenges actuels. Pour Jean-Michel Chardigny, « les insectes et les algues resteront quelque chose de marginal, surtout dans nos pays, où nous les consommerons probablement plutôt en poudre en tant qu’ingrédients. Cela restera un marché de niche pour l’alimentation humaine, mais pas forcément pour celle des animaux comme les poissons, la volaille, les chats, les chiens… Lorsque l’on nourrit des poissons avec des insectes, cela modifie leur qualité organoleptique ». Les insectes resteraient donc une tendance amusante, une mode pour l’Homme. Pour le moment, les insectes sont interdits à la vente dans le commerce pour les hommes en France, contrairement à la Suisse, où les burgers d’insectes commencent à arriver sur le marché. Finalement, l’avenir se trouverait plutôt dans les légumineuses…

Anaïs BozinoRédactrice

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