Agroécologie 4 min

INRAE pionnier dans la sélection de lignées pures de blé tendre bio

INRAE a inscrit les six premières lignées de blés bios entre 2011 et 2019, contribuant ainsi à faire évoluer la réglementation. La sélection se poursuit de façon continue, avec des critères qui évoluent en étroite collaboration avec la profession.

Publié le 24 février 2021

illustration INRAE pionnier dans la sélection de lignées pures de blé tendre bio
© INRAE H. Navier

L’agriculture biologique (AB) est restée longtemps le parent pauvre de la sélection, y compris pour le blé tendre, sélectionné depuis les années 60 dans des conditions de culture intensive utilisant des engrais et des pesticides de synthèse. INRAE fait figure de pionnier en conduisant depuis les années 2000 des programmes de sélection dans les conditions de l'AB. Dans le cadre des programmes nationaux de création variétale pour le blé tendre (IVD), INRAE et sa filiale Agri-Obtentions ont inscrit en 2011 les deux premières variétés de blé tendre bio au catalogue français : Hendrix et Skerzzo.

L’Institut poursuit ce processus de sélection de façon continue en collaboration avec les réseaux d‘agriculteurs. Entre 2011 et 2019, six variétés de blé tendre bio issues de ces recherches ont été inscrites et 4 nouvelles lignées sont en épreuve officielle CTPS.

Sur quels critères sélectionne-t-on une variété bio ?

 

Bernard Rolland : Le cahier des charges de l’agriculture biologique exclut l’usage d’intrants de synthèse : engrais (azote minéral) et pesticides (herbicide, fongicide, insecticide). Dès lors, les blés en AB doivent être capables de valoriser des milieux sans intrants azotés (1) et être compétitifs par rapport aux adventices et résistants aux pathogènes. La compétition avec les adventices est un des points critiques : alors que les blés conventionnels sont courts, les blés bios sont plus hauts, et si possible, leurs feuilles sont plus couvrantes (port planophile), pour freiner la croissance des adventices entre les rangs. Il y a parfois des contradictions : un blé haut sera plus compétitif par rapport aux adventices, mais plus sensible à la verse et un couvert dense pourra être plus favorable aux maladies.

Ce qu’il faut souligner, c’est que la conduite en AB est un tout : la variété est un levier parmi d’autres, en synergie avec les pratiques : rotations longues et diversifiées, semis plus tardifs, désherbages mécaniques, etc. Au final, on mesure le rendement de la variété, qui, en l’absence d’intrants de synthèse, est un bon reflet de ses qualités et de son potentiel. Les valeurs boulangère (variété dite BPS) et biscuitière (BB) sont évaluées par des tests standardisés.

Comment est conduite la sélection ?

 

B. R. : On procède en deux étapes : une sélection orientée AB mais en conditions de très bas intrants (2) pendant 6 générations (6 campagnes après le croisement), puis on passe en conditions AB pendant 4 à 6 générations. Cela permet de maitriser l’enherbement dans la première phase, dans des pépinières en peuplement très clair, tout en repérant les individus qui seraient les plus adaptés en conditions AB. Il faut donc en tout 10 ans de sélection avant de déposer une variété à l’inscription au catalogue. C’est pourquoi nous conduisons cette sélection en flux continu : environ 300 à 400 croisements sont initiés chaque année, dont au final 95% seront éliminés dans les dix générations à venir (3).

Au gré du retour d’expérience des acteurs de la filière, les sélectionneurs font évoluer les critères de sélection pour offrir un panel diversifié de variétés. Par leur intermédiaire, nous avons par exemple une nouvelle demande de la profession pour des blés plus  « soft » qui peuvent être écrasés avec des meules de pierre, alors que la plupart des blés tendres actuels sont de type « hard » (grains plus durs), pour s’adapter au process majoritaire dans les moulins. D’autres évolutions concerneront bientôt la valeur nutritionnelle du blé ou encore son aptitude à être cultivé en association avec des légumineuses. Depuis 2012, nous conduisons les dernières étapes de la sélection chez des agriculteurs d’un réseau de coopératives « bios » historiques. C’est un processus de sélection que nous nommons « sélection coopérative ». D’autre part, dans la perspective des objectifs de la CE en 2030, nous évoluons vers un schéma de sélection où toutes les générations seraient conduites en conditions AB.

Comment les nouvelles variétés sont-elles adoptées et utilisées ?

 

B. R. : Parmi les 6 variétés bios inscrites par INRAE, la variété Geny, inscrite en 2018, a de très bons résultats : une bonne stabilité en valeur boulangère, un rendement de 110 à 115% par rapport au témoin Renan (4). La variété la plus récente, Gwenn, inscrite en 2019, a également un très bon rendement et une bonne résistance à la septoriose (5). La teneur en protéines des variétés cultivées en AB est inférieure à celle des variétés en agriculture conventionnelle, conséquence logique de l’absence d’apport d’engrais azotés en AB. Mais à mon sens, ce critère, longtemps considéré comme majeur par les professionnels, ne devrait pas être pénalisant si la valeur boulangère est, pour une variété donnée, stable sur une gamme de teneur en protéines de 9 à 12%.

Il est difficile de connaître les surfaces cultivées par variété. Par contre, les surfaces utilisées pour produire les semences constituent un bon indicateur : alors que la production de semences de Renan est stable, celle de Geny et Gwenn a quadruplé en deux ans.

 

 (1)    En conditions d’agriculture biologique, sans engrais azotés de synthèse, l’azote peut être un facteur limitant lors de la montaison (flambée de croissance des plantes) en début de printemps, période pendant laquelle les besoins sont très importants.

(2) Fertilisation azotée à 70 unités par ha et emploi d’un herbicide, pas de traitement de semences, ni raccourcisseur de paille, ni fongicide, ni insecticide.

(3) Programme IVD BLADE 2025, en collaboration avec les collègues de l’UMR INRAE « Génétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales » de Clermont-Ferrand et de l’Unité Expérimentale « Grandes Cultures Innovation Environnement » d’Estrées-Mons (Picardie), ainsi que les UE d'Auzeville, Clermont-Ferrand, Dijon, Le Moulon, Le Rheu, Lusignan, Maugio et Ploudaniel.

(4) Renan est une variété sélectionnée pour l’agriculture conventionnelle, mais elle a des qualités de rusticité qui la rende très intéressante en AB.

(5) La septoriose du blé, provoquée par le champignon Zymoseptoria tritici, est l’une des principales maladies du blé tendre dans le monde. Elle provoque des nécroses au niveau des feuilles. Dans les cas les plus extrêmes, elle peut causer 40 % à 55 % de pertes de rendement.

 

Pascale MollierRédactrice

Contacts

Bernard RollandUMR1349 IGEPP Institut de Génétique Environnement et Protection des Plantes

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