Alimentation, santé globale 6 min

G20 MACS en Inde : INRAE renouvelle ses partenariats pour l’environnement et la sécurité alimentaire

Philippe Mauguin, président-directeur général d’INRAE, s’est rendu en Inde du 17 au 21 avril 2023, pour représenter la France au G20 MACS en tant que chief scientific officer. Par ailleurs, ce déplacement a également été l’occasion pour INRAE de réaffirmer l’importance de ses coopérations avec ses partenaires indiens. Ces collaborations de longue date dans le domaine de l’élevage ou de la gestion des bassins versants en Inde ont permis de structurer plusieurs dispositifs internationaux de recherche en partenariat innovants, qui impliquent également des partenaires de l’enseignement supérieur et de la recherche français. Des travaux qui ont mis en lumière l’exceptionnelle capacité d’adaptation de l’agriculture indienne à des systèmes résilients, productifs et durables. Assurer la sécurité alimentaire et la nutrition des populations en Inde, face aux lourds défis du changement climatique, tout en limitant les risques pesant sur la santé et sur l’environnement, sont au cœur de nos priorités de recherche. Elles ont été formulées dans un living lab dédié à la transition agroécologique pour la sécurité alimentaire, l’eau et l’énergie et sont basées sur la pluridisciplinarité et l’implémentation des résultats sur le terrain.

Publié le 20 avril 2023

illustration G20 MACS en Inde : INRAE renouvelle ses partenariats pour l’environnement et la sécurité alimentaire
© Laurent Ruiz

La réunion des chief agricultural scientists (MACS) du G20 à Varanasi a permis de valider le lancement d’une nouvelle initiative de recherche internationale sur les millets et autres cultures anciennes, adaptées au changement climatique et contribuant à la sécurité alimentaire. Elle va compléter la Wheat Initiative, lancée en 2011 sous la présidence française du G20. 

La sécurité alimentaire mondiale est affectée par des contraintes climatiques, sanitaires et géopolitiques à des échelles croissantes qui appellent à une intensification des collaborations avec tous les pays. Comment nourrir les populations dans le monde en préservant l’environnement et tendant vers une alimentation saine ? C’est l’objet des travaux de recherche menés conjointement par INRAE et ses partenaires dans le monde. Une démarche complète qui s’est construite dans le temps, pluridisciplinaire et partenariale au sein de consortiums de recherche et de laboratoires internationaux, mais aussi en recherche et développement afin d’assurer l’implémentation des résultats de recherche sur le terrain en Inde.

Un prochain programme de travail avec l’ICAR pour le développement de nouvelles recherches

En Inde, INRAE travaille depuis 2003 avec l’Indian Council for Agricultural Research (ICAR), un institut de recherche rattaché au ministère de l’Agriculture indien. Il ne compte pas moins de 111 instituts et plus de 70 universités agricoles dispersés dans tout le pays. L’ICAR est l’un des 3 premiers partenaires indiens de INRAE, un partenaire central pour l’institut.

Cette collaboration est appelée à s’intensifier grâce à un nouveau plan de travail présenté lors d’une rencontre de haut niveau, en marge du G20 MACS à Varanasi. Il s’inscrit dans l’accord-cadre existant qui associe également le Cirad, et qui devrait être renouvelé en 2025. Il porterait sur des thématiques comme les sols, le changement climatique, le concept « une seule santé », et de nouvelles approches, notamment les solutions basées sur la nature et l’agriculture de précision. Au plus près des réalités locales, il intègre également l’initiative MAHRISHI portée par l’Inde sur les millets et autres graines anciennes avec l’organisation d’un futur séminaire conjoint dédié, qui serait organisé avec l’ICAR, INRAE, le Cirad et l’IRD.

Renforcement du partenariat de longue date avec l’IISC à Bangalore

À Bangalore, un accord-cadre a été conclu entre INRAE et l’Indian Institute of Science (IISC), qui vient compléter le champ des coopérations possibles à d’autres thèmes dont la réutilisation des eaux usées (REUSE), au-delà de la forte coopération existante avec la Cellule franco-indienne de recherche en sciences de l’eau (CEFIRSE), en partenariat avec le CNRS, le CNES, l’IRD, l’université Pierre et Marie Curie et l’université de Toulouse.

L’IISC est la première université indienne, créée en 1909 pour être parmi les meilleures institutions académiques au monde par l’excellence et la promotion de l’innovation. Le partenariat informel entre INRAE et l’IISC a été initié dès 2002 avec plusieurs séjours de longue durée du chercheur INRAE Laurent Ruiz au CEFIRSE. Aujourd’hui, 50 % des copublications d’INRAE avec l’Inde se font avec l’IISC. Une coopération qui s’étend à 3 domaines principaux : la réutilisation des eaux urbaines, la chimie verte, comme la récupération de solvants organiques dans les solvants industriels, et enfin la biologie cellulaire moléculaire dans les sciences de l’alimentation et des plantes.
Le projet de laboratoire international associé ADWISE qui porte sur le traitement biologique des eaux usées devrait également être prochainement remis à jour avec les départements AQUA et Transform d’INRAE sur l’approche REUSE.

Au CEFIRSE, 20 ans de recherche franco-indienne sur l’eau et l’agriculture
Témoignage de Laurent Ruiz, ingénieur de recherche INRAE, coresponsable du projet international de recherche CEFIRSE.

Comment a été créée cette cellule franco-indienne ?

Tout a commencé au début des années 2000 avec Claude Allègre, alors ministre de la Recherche, qui a demandé aux instituts français de créer une cellule de coopération sur l’eau en Inde, avec des chercheurs français expatriés sur place. La cellule CEFIRSE a été créée par un accord bilatéral entre l’IRD et l’IISC en 2001, et j’y ai été affecté dès 2002 grâce à un détachement à l’IRD. J’ai développé des activités de recherche sur le lien eau-agriculture, en particulier avec les projets CEFIPRA « AICHA » en 2013, suivi par le projet ANR ATCHA (2018-2022). Depuis 2018, la CEFIRSE, en plus de l’IISC et de l’IRD, associe officiellement INRAE, mais aussi le CNRS et l’UPS.

Quelle est la gestion de l’eau pour l’agriculture en Inde ?

L’Inde a eu pendant longtemps une agriculture pluviale de subsistance (NDLR : agriculture suivant le cycle des précipitations annuelles), mais cela a changé à partir des années 1950, avec la « révolution verte » et le développement de grands projets d’irrigation de surface, ce qui a permis à l’Inde d’atteindre l’autosuffisance alimentaire (cultures du blé et du riz). Depuis les années 1980, l’électrification des campagnes a permis à des millions de petits fermiers d’installer des pompes électriques immergées pour accéder à de l’eau des nappes phréatiques pour l’irrigation. L’Inde est aujourd’hui le pays du monde qui pompe le plus d’eau dans les nappes et on estime la consommation liée à ces pompages à 20 à 30 % de la production annuelle d’électricité du pays. Mais les nappes sont de plus en plus surexploitées et les fermiers doivent forer de plus en plus profond pour accéder à la nappe.

Quels enseignements peut-on tirer de vos recherches sur l’agriculture indienne ?

Nous avons découvert l’extraordinaire capacité d’adaptation au changement des agriculteurs indiens, face à la raréfaction des ressources en eau, avec une très grande productivité et résilience. Une exploitation irriguée avec 2 actifs est capable de dégager un revenu agricole décent avec seulement 0,6 hectare ! C’est un niveau de productivité exceptionnel, quand en France la taille moyenne des exploitations est supérieure à 60 hectares. L’agriculture indienne est caractérisée par une grande diversité des espèces cultivées, avec des exploitations de petite taille (en moyenne de l’ordre d’1 ha) et elle est le plus souvent manuelle, ce qui permet beaucoup de souplesse et une diversité de pratiques incroyable. On a observé que dans les zones où les surfaces des exploitations s’accroissent et la mécanisation se développe, l’adaptabilité des systèmes se réduit, et la productivité semble baisser.

Recherche et développement avec la BAIF au plus près des agriculteurs indiens

La Bharatiya Agro Industries Foundation (BAIF) est une ONG fondée en 1967 par Manibhai Desai pour être pionnière du croisement de bovins européens à haut rendement avec les races indiennes robustes, afin de venir en aide aux agriculteurs les plus pauvres. L’activité déployée a eu un impact sur les vies rurales grâce à des programmes de subsistance et de résilience climatique. Les opérations sont réparties dans près de 100 000 villages de 13 États indiens. Le partenariat avec la BAIF a commencé dans les années 1980, lorsque l’Inde a souhaité développer la production laitière en initiant tout d’abord des coopérations sur l’élevage, puis dans les domaines de la génomique et des services écosystémiques associés à l’agroécologie. Aujourd’hui, la plupart des projets INRAE et Cirad en lien avec l’élevage ou l’agriculture associent la BAIF pour des accès à des terrains et à des résultats d’implémentation.

Depuis 2019, la BAIF et INRAE collaborent dans le cadre du laboratoire international associé Genetic IMprovement of Indian Cattle and buffaloes (GIMIC) visant à démontrer la faisabilité de programmes de sélection durables. L’objectif est d’améliorer la valeur génétique des bovins et des buffles dans des conditions tropicales caractérisées par des systèmes de gestion à faible niveau d’intrants et des troupeaux de petite taille.

La venue en Inde de Philippe Mauguin, PDG d’INRAE, a permis le 4e renouvellement de l’accord-cadre initié en 2003 avec la BAIF, INRAE et le Cirad. Il prévoit des coopérations en recherche et développement afin d’implémenter les résultats de recherche et développer des projets liés aux transitions agroécologiques, à l’environnement et au changement climatique, ainsi qu’à la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Le living lab CliNSFoodS pour la transition agroécologique des agriculteurs indiens

C’est à Delhi, à l’occasion du 1er Sommet des connaissances Knowledge Summit #1, en mars 2018, que les présidents d'INRAE et de la BAIF ont associé leurs forces pour développer une feuille de route restituée aux ministres de l’Enseignement supérieur et de la Recherche des 2 pays. L’examen des forces en présence entre INRAE et ses partenaires a permis de concevoir en 2019 un projet en vue de créer un living lab Towards Climate Smart and Nutrition Sensitive Food Systems (CliNSFoodS).

Formulé en réponse aux questionnements soulevés par les scientifiques réunis à cette occasion, il est structuré autour de 3 piliers avec au cœur la transition agroécologique. Cette transition est principalement axée sur une intensification agroécologique des cultures pour de meilleurs rendements et une sécurité économique pour les agriculteurs, et sur les services écosystémiques avec des objectifs de l’amélioration de la santé des sols, la promotion de la biodiversité ou encore une meilleure gestion de l’eau. Le deuxième pilier porte sur la nutrition et vise à évaluer la contribution des agriculteurs dans le système alimentaire local de leur village et district, et les impacts économiques et environnementaux d’une diversification de production basée principalement sur des critères nutritionnels. Un troisième pilier prévoit l’évaluation des aspects sociaux et économiques de cette transition avec pour objectif de relier les marchés et les pratiques agroécologiques et d’aboutir à une incitation des agriculteurs à appliquer ces pratiques dans les villages de Bilikere, et d’élargir au district de Mysore et à l’État du Karnataka.

La BAIF dispose d’un terrain pour expérimenter et développer les actions dans le bassin versant de Bilikere. Des pratiques pour la transition agroécologique ont été initiées avec les agriculteurs et une évaluation est en cours par l’outil TAPE de la FAO. Aujourd’hui, des sources de financement sont nécessaires pour activer les prochaines étapes du projet de living lab. Une lettre d’intention a ainsi été signée lors du déplacement de Philippe Mauguin à Pune, marquant le coportage du living lab CliNSFoodS par INRAE et BAIF.

 

Ariane LelahRédactrice

Contacts scientifiques

Laurent Ruiz Ingénieur de recherche INRAE, co-responsable de du projet international de recherche (IRP) CEFIRSE

Edmond Rock Directeur de rechercheUnité de nutrition humaine

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