Changement climatique et risques Temps de lecture 3 min
Forêts : la composition en essences comme facteur de résilience aux tempêtes ?
Les forêts qui présentent une plus grande diversité d'espèces d'arbres et qui sont dominées par des espèces à croissance lente et à forte densité de bois sont plus résistantes aux tempêtes selon une étude récente publiée dans Functional Ecology par des scientifiques INRAE du Laboratoire Écosystèmes et Sociétés en Montagne (LESSEM). Explications.
Publié le 09 février 2024

Favoriser la diversité et les essences à croissance lente
Au cours des dernières décennies, l'Europe a connu des tempêtes de vent plus fréquentes et plus violentes, qui sont considérées comme le principal agent de perturbation des forêts, tant en termes de superficie que de volume de bois impactés. Cette situation met en péril aussi bien la production de bois que d'autres services écosystémiques fournis par les forêts, tels que l'habitat et le stockage du carbone.
La récente étude publiée dans Functional Ecology démontre que les forêts européennes les plus résilientes aux tempêtes sont celles qui présentent une plus grande diversité d'espèces d'arbres et qui sont dominées par des espèces à croissance lente et à forte densité de bois. L'effet positif de la diversité des arbres sur la résilience aux tempêtes est, selon l’étude, plus prononcé dans des conditions climatiques extrêmes, telles que les conditions chaudes et sèches de la région méditerranéenne et les conditions froides et humides du nord de la Scandinavie.
Selon Julien Barrere, chercheur en écologie forestière à INRAE : "Notre étude montre que les monocultures d'espèces à croissance rapide telles que le pin, bien que précieuses d'un point de vue économique, sont plus sensibles aux dégâts causés par les tempêtes. Dans un contexte d'augmentation des pertes dues aux tempêtes sur l'ensemble du continent, notre étude plaide donc en faveur de pratiques de gestion forestière qui favorisent la diversité et les essences à croissance lente comme le chêne."
Modéliser l'impact des tempêtes
Afin de simuler la dynamique de centaines de forêts après une tempête, les chercheurs ont créé un modèle numérique calibré avec des données de terrain provenant de 91 528 parcelles forestières en Espagne, en France, en Allemagne, en Suède et en Finlande. Les forêts simulées varient à la fois en termes de conditions climatiques, allant de la Méditerranée à la forêt boréale, et de composition, c'est-à-dire de diversité et d'identité des espèces d'arbres. "Cela nous a permis de quantifier la relation entre la composition de la forêt et sa résilience aux tempêtes, et de voir comment cette relation évolue le long du gradient climatique européen » explique Julien Barrere.
Après cette étude de modélisation, des travaux sur le terrain sont encore nécessaires pour étayer les résultats comme l’explique Julien Barrere : "Bien que les études de modélisation comme la nôtre soient essentielles pour tirer des conclusions sur la dynamique forestière en raison des longues échelles de temps dans la nature, les résultats doivent être interprétés avec une compréhension claire des hypothèses du modèle et complétés par des études sur le terrain."
Enfin, comme le précise Julien Barrere, cette étude se concentre uniquement sur la réaction des forêts européennes à une seule tempête. Bien qu'il s'agisse d'une première étape nécessaire, le contexte actuel plaide en faveur d'études axées sur la résilience des forêts aux perturbations multiples plutôt qu'aux perturbations uniques.
Barrere, J., Reineking, B., Jaunatre, M. & Kunstler, G. (2024). Forest storm resilience depends on the interplay between functional composition and climate - Insights from European-scale simulations. Functional Ecology.