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Expérimentation à la croisée des sciences, entre archéologie et agronomie !

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) collaborent depuis 2016 à l’élaboration d’expérimentations d’ensilage. Ce projet, cofinancé par la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie (DRAC Occitanie) l’Inrap et INRAE, ambitionne de répondre à de multiples questions ayant trait à l’archéologie ainsi qu’à l’agronomie. Ces expérimentations à la croisée des sciences éclairent à la fois notre Histoire et contribuent à enrichir nos connaissances sur le vivant.

Publié le 14 septembre 2020

illustration Expérimentation à la croisée des sciences, entre archéologie et agronomie !
© © Christophe Coeuret, Inrap.

Les silos souterrains, des structures aux propriétés encore méconnues

L'ensilage est une technique traditionnelle ancestrale visant à conserver au sein de cavités creusées dans le sol (silos) certains produits agricoles. Or le stockage est une étape critique au cours de la vie d’un grain, entre la récolte et son utilisation pour préparer un aliment, où il est susceptible d’être consommé par des rongeurs, des insectes, et d’être altéré par des moisissures, dont des producteurs de mycotoxines. L’optimisation du stockage a ainsi constitué un paramètre vital pour les sociétés anciennes visant à réduire les pertes alimentaires globales. Son étude reste fondamentale pour répondre aux problématiques actuelles de conservation.

Parallèlement, l’archéologie livre de très nombreux exemples de silos désaffectés aux formes et aux dimensions variées, avec très exceptionnellement ce qui y était stocké à l’origine. Cependant, elle laisse sous silence des points essentiels tel que la durée de vie d’un silo ou la durée maximale de l’enfouissement souterrain garantissant la conservation des propriétés alimentaires, sanitaires et germinatives des céréales.

Des objectifs scientifiques à la croisée des disciplines

L’objectif du programme commun de recherche « Expérimentation archéologique d’ensilage souterrain préindustriel » est de tester, scientifiquement et de manière reconductible sur une dizaine d’années consécutives, l’ensilage des céréales dans des fosses-silos afin d’éclairer la recherche archéologique sur les savoirs faire mis en œuvre par les sociétés humaines du passé. L’expérimentation a ainsi pour ambition d’apporter des éléments de réponses à ces questions en suspens en les croisant à la fois aux données archéologiques, historiques, ethnographiques, aux savoir-faire de paysans en activité, ainsi qu’aux connaissances actuelles sur la conservation des céréales dans les domaines de l’agronomie et de la biochimie.

Le suivi de l’évolution des grains et des microorganismes associés permet aux chercheurs d’INRAE d’acquérir des données biologiques utiles pour leurs propres recherches.

Un projet collectif de recherche pluridisciplinaire

Le programme d’expérimentation de l’ensilage des céréales dans des silos enterrés a vu le jour en 2015 dans le cadre du projet collectif de recherche Habitats groupés/Villae du haut Moyen Age en Languedoc et Roussillon mené par l’Inrap. Son objectif initial était d’éclairer la communauté archéologique sur divers aspects de cette pratique agricole ancienne. Progressivement l’équipe a intégré des archéologues du Service régional de l’archéologie et un carpologue du CNRS. En 2016, un partenariat est réalisé avec un paysan/céréalier pratiquant l’agriculture biologique afin de fournir des variétés anciennes de céréales. L’année suivante, le laboratoire de Mycologie et Sécurité des Aliments, MycSA, d’ INRAE à Bordeaux adhère à l’expérimentation dans le but de prendre en charge le contrôle de la qualité sanitaire des denrées après stockage et le contrôle de la qualité nutritive. Le spécialiste français du stockage des céréales, Francis Fleurat-Lessard, ancien chercheur de ce laboratoire poursuivant son activité d’expertise et consultance dans son entreprise, Insecto-Net IAA, est associé au programme.

Fin 2017, fort d’une équipe pluridisciplinaire et de son potentiel, l’expérimentation prend la forme d’un projet collectif de recherche (PCR) autonome intitulé Expérimentation archéologique de l’ensilage souterrain préindustriel. Cette évolution a été soutenue par la direction scientifique et technique de l’Inrap ainsi que par le service régional de l’archéologie (DRAC Ociitanie).

Méthodologie, premiers bilans et observations

Afin de faire varier les différents paramètres de l’expérimentation, l’équipe de recherches s’est d’abord attachée à réussir le stockage sur une année et à tester ce mode de conservation sur une plus longue durée. Ce processus sera effectif lorsque la récupération du volume de grain au désilage sera consommable et le plus proche possible de la masse stockée un an auparavant. Or les premières observations issues des campagnes d’ensilage apprennent qu’à un même principe de conservation en terre, il existe une multitude de solutions techniques adaptées au terroir exploité, à la nature du substrat et au climat.

A la fin de la campagne de 2019, le site expérimental compte sept silos de capacité comprise entre 600 et 800 litres. Cinq contiennent exclusivement de l’engrain issu de l’agriculture biologique. Un est réservé pour un usage ultérieur et le dernier est abandonné afin d’observer la dynamique de colmatage par érosion lente. Sur les six silos utilisés, des critères techniques d’aménagement des parois et de la fermeture destinés à rendre étanche la chambre de stockage sont expérimentés. Les ouvertures des silos sont réalisées après 1, 2 ou 3 ans pour renseigner l’efficience de ce mode de stockage pour la conservation à long terme. Chaque vidange de silo s’accompagne de prélèvements de grains analysés en laboratoire par l’unité MycSA de INRAE, de tests de semis en plein champs et pour la première fois début 2020, d’un test de mouture et de panification par un boulanger professionnel. Les premiers résultats indiquent que des mycotoxines s’accumulent dans les grains stockés dans les silos souterrains, mais aussi qu’il est possible d’améliorer les conditions de stockage et de minimiser les contaminations avec des moyens à disposition des populations anciennes

L’année 2020 constitue une nouvelle étape dans le projet. Elle permettra de conforter le protocole de conservation réalisé en 2018 dont la qualité sanitaire avait permis de transformer les grains en farine, de les panifier et de les consommer ! Par ailleurs, elle donnera lieu à l’observation de deux ensilages différents, l’un réalisé avec un paillage épais, l’autre enduit de torchis. Les résultats obtenus permettront de définir les objectifs 2021/2022 ayant pour ambition notamment de parvenir à une conservation durant 3 ans et d’introduire de nouvelles denrées (projet : orge, blé poulard, légumineuse).

MycSA de INRAE

L’unité de recherche Mycologie et Sécurité des Aliments (MycSA) de l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement est localisée sur le Centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux. Les mycotoxines, composés naturels produits par des champignons, sont les principaux contaminants des produits céréaliers pouvant affecter la santé animale et humaine, et entrainer des pertes économiques pour les agriculteurs. MycSA réalise des recherches pour comprendre la régulation de la biosynthèse de mycotoxines, leur accumulation dans les grains et produits dérivés tout au long de la chaine alimentaire céréalière, et pour développer des solutions de réduction du danger.

L’Inrap

L’Institut national de recherches archéologiques préventives est un établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Culture et de la Recherche. Il assure la détection et l’étude du patrimoine archéologique en amont des travaux d’aménagement du territoire et réalise chaque année quelque 1800 diagnostics archéologiques et plus de 200 fouilles pour le compte des aménageurs privés et publics, en France métropolitaine et outre-mer. Ses missions s’étendent à l’analyse et à l’interprétation scientifiques des données de fouille ainsi qu’à la diffusion de la connaissance archéologique. Ses 2 200 agents, répartis dans 8 directions régionales et interrégionales, 42 centres de recherche et un siège à Paris, en font le plus grand opérateur de recherche archéologique européen.

Contrôle scientifique 

Recherche archéologique  Inrap

Recherche agronomique  INRAE

Responsables scientifiques  Cécile Dominguez et Eric Yebdri, Inrap

 

Contacts

Vincent Duménil

Chargé de développement culturel et de communication

Inrap, direction interrégionale Midi-Méditerranée

06 87 01 62 86 – vincent.dumenil@inrap.fr