Agroécologie 2 min

Compréhension du mécanisme d'action d'une protéine capable de réguler la production de pollen

Une équipe de chercheurs de l’Institut Jean-Pierre Bourgin* vient de mettre en évidence le mécanisme d’action d’une protéine restauratrice de fertilité chez les plantes. Ils décrivent pour la 1ère fois un mode d’action dans lequel la protéine, en se fixant sur l’ARNm induisant une stérilité pollinique, bloque son décodage par les ribosomes. Leurs travaux sont publiés dans le Journal Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS, août 2021).

Publié le 12 novembre 2021

illustration Compréhension du mécanisme d'action d'une protéine capable de réguler la production de pollen
© INRAE

Une protéine qui inhibe un gène induisant la stérilité mâle

En agronomie, de nombreuses plantes cultivées sont des hybrides issues de croisements entre variétés différentes. Cela permet d’avoir des plantes plus résistantes et plus productives. Mais la production d’hybrides à partir de plantes à fleurs hermaphrodites (possédant les deux sexes mâle et femelle) est compliquée car ces plantes s’autofécondent préférentiellement et se croisent très peu entre elles. Pour pallier ce problème, les semenciers s’appuient sur un mécanisme existant à l’état naturel : la stérilité mâle cytoplasmique (SMC).

La SMC se produit lorsqu’un gène particulier de la mitochondrie (la machine énergétique de la cellule qui contient aussi de l’ADN) est exprimé et produit une protéine toxique qui empêche la production du pollen, rendant les plantes mâle stériles et les obligeant ainsi à s’inter-féconder. Afin de produire des fruits, les hybrides ainsi créés doivent néanmoins redevenir mâle fertiles et les semenciers tirent profit pour cela d’un gène antidote dénommé restaurateur de la fertilité, capable d’annuler la SMC dans les hybrides. La SMC OGU-INRA a largement été utilisée pour produire des hybrides de colza. Elle repose sur le gène de stérilité mâle orf138 dont l’action est contrecarrée par la protéine restauratrice Rfo (aussi nommée PPR-B) et dont le mode d’action était encore incompris.

Une protéine qui interfère avec l’ARN messager

Déjà en 2008, l’équipe de recherche d’INRAE avait découvert que la protéine PPR-B empêchait la protéine toxique d’être présente dans les cellules du pollen et qu’elle s’associait à l’ARN messager** issue du gène orf138.

Pour la première fois en 2021, l’équipe décrit l’action de la protéine PPR-B sur l’ARNm orf138. Lorsqu’un gène est exprimé, il code un ARNm qui est ensuite lu par un ribosome – un ensemble de protéines présent dans toutes les cellules - qui va assembler les différents acides aminés et produire une protéine correspondant à la séquence ARNm. Pour initier la lecture, les ARNm commencent par la même séquence de démarrage AUG reconnue par les ribosomes pour commencer la lecture de l’ARNm et le traduire en protéine. L’équipe d’INRAE a découvert que la protéine PPR-B se fixe un peu après cette séquence AUG sur l’ARNm orf138 et bloque spécifiquement la lecture du ribosome, empêchant son avancée à la manière d’un barrage sur une route, mais en laissant l’ARNm intact (cf. schéma ci-dessous).

C’est la première fois qu’un tel mécanisme est décrit pour une protéine restauratrice de fertilité. En effet, si d’autres protéines restauratrices avaient déjà été décrites, elles avaient pour conséquence de casser la molécule d’ARNm, alors que la protéine PPR-B se fixe sur l’ARNm sans l’endommager et bloque la progression du ribosome. C’est la première fois qu’un mécanisme de blocage d’un ribosome par une protéine est découvert. Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives de recherche en biologie moléculaire, les protéines PPR pouvant être modifiées pour réguler d’autres ARNm.

Accès à la publication

* Institut Jean-Piere Bourgin : unité mixte de recherche (IJPB), INRAE / AgroParisTech

** Les ARN messager sont des molécules issues de la traduction des gènes qui permettent de transmettre l’information codée dans les gènes pour produire les protéines.

Service de communicationÎle-de-France - Versailles-Grignon

Contact scientifique

Hakim Mireau Institut Jean-Pierre Bourgin

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