Biodiversité 2 min

Les codes-barres ADN, un outil pour mesurer l’impact de l’urbanisation sur la diversité des abeilles sauvages en Centre-Val de Loire

Les code-barres ADN représentent un outil innovant pour le suivi du déclin des insectes pollinisateurs, en permettant l’identification d’un grand nombre d’individus et la mesure non seulement de la richesse en espèces, mais également des abondances. Dans le cadre du projet POLLEN (*) financé par la Région Centre-Val de Loire, la bibliothèque de référence de codes-barres ADN, constituée par un consortium des unités URZF, EFNO, LBLGC, IRBI, CETU Innophyt et l’expert taxonomiste David Genoud, aidera à rationaliser l'identification des abeilles sauvages en région Centre-Val de Loire et à évaluer leur réponse aux perturbations anthropiques, telles que l'urbanisation.

Publié le 06 avril 2021 (mis à jour : 06 avril 2021)

illustration Les codes-barres ADN, un outil pour mesurer l’impact de l’urbanisation sur la diversité des abeilles sauvages en Centre-Val de Loire
© David Genoud

Le déclin actuel des abeilles sauvages met en péril le service écosystémique important de pollinisation. Des programmes d'inventaire et de surveillance sont nécessaires pour mesurer ce déclin et en comprendre les causes. Toutefois, identifier les abeilles sauvages en ne se basant que sur leur morphologie est difficile et reste une affaire de spécialistes. Nous avons généré des codes-barres ADN pour 2931 spécimens représentant 157 espèces collectées le long de la Loire autour de trois grandes villes (Tours, Orléans et Blois). Au total, 36 espèces ont été trouvées dans les zones fortement urbanisées, soit plus d’un cinquième du total des espèces identifiées. Une telle richesse est surprenante et encourageante. La quasi-totalité des espèces capturées (96,17%) ont pu être identifiées sans ambiguïté grâce à la méthode des codes-barres ADN, y compris plusieurs espèces étroitement apparentées qu’il est notoirement difficile de discriminer par leur seule morphologie.

Comprendre les causes du déclin des insectes

Les programmes de surveillance à long terme ont documenté un déclin marqué des insectes. La perte d'insectes pollinisateurs est particulièrement préoccupante en raison de ses conséquences écologiques et économiques potentiellement négatives. Il a été démontré que le changement d'affectation des terres est un facteur majeur de la perte mondiale de populations de pollinisateurs. En effet, l'agriculture intensive a conduit à la perte de niches écologiques pour un certain nombre d'espèces pollinisatrices, à laquelle s'ajoutent les effets néfastes liés à l’utilisation de pesticides. L'urbanisation est également associée au déclin des pollinisateurs, à cause de l'expansion des surfaces imperméables, bien que certains espaces verts urbains tels que les jardins résidentiels et collectifs, s'ils sont correctement gérés, constituent des refuges importants pour les abeilles sauvages. Enfin, le changement climatique rapide accélère le déclin des pollinisateurs dans le monde. 

Intérêt d’une recherche en zone urbaine

Dispositif expérimental pour collecter des abeilles avec des seaux colorés
Photo 1. Dispositif expérimental pour collecter des abeilles avec des seaux colorés (Photo Carl Moliard, INRAE)

Ce scénario a favorisé l'idée de considérer les zones urbaines comme des refuges potentiels pour les pollinisateurs. Par conséquent, un nombre croissant d'études en écologie urbaine décrivent la dynamique des populations d'abeilles sauvages dans les agglomérations. En outre, les sciences citoyennes se sont avérées comme un moyen efficace de surveiller les abeilles urbaines. Cependant, l'identification précise de l'espèce pour plusieurs genres d'abeilles nécessite des connaissances taxonomiques avancées, limitées à quelques experts ou même non disponibles dans de nombreux pays. 

Cet obstacle taxonomique est lentement surmonté grâce à l'utilisation du code-barres ADN traditionnel ou plus récemment développé celui du code-barres ADN à haut débit. En effet, certains codes-barres très précis distinguent les abeilles difficiles à séparer par leurs différences morphologiques mineures.

Vers une bibliothèque de référence française

Abeille sauvage Femelle d'Andrena fulva collectant du pollen sur fleur de saule
Photo 2. Femelle d'Andrena fulva collectant du pollen sur fleur de saule. Nous avons séquencé les codes-barres de trois spécimens du Loiret. (photo David Genoud)

La précision des identifications basées sur l'ADN dépend de l'exhaustivité et de l’accessibilité des bibliothèques de codes-barres ADN (http://www.boldsystems.org/). Cependant, seules quelques bibliothèques de référence ont été développées pour les faunes nationales d’abeilles sauvages. 

La France possède une riche faune d'abeilles sauvages avec environ 985 espèces recensées pour l'ensemble du pays, mais relativement peu d’abeilles françaises ont livré leurs codes-barres. Notre étude est la première contribution majeure à la mise à disposition d'une bibliothèque de référence de codes-barres ADN pour les abeilles sauvages françaises.

 

Référence

Irene Villalta1, Romain Ledet2 et Mathilde Baude2, David Genoud3, Christophe Bouget4, Maxime Cornillon5, Sébastien Moreau1, Béatrice Courtial6 et Carlos Lopez-Vaamonde1,6
A DNA barcode-based survey of wild urban bees in the Loire Valley, France. Sci Rep 11, 4770 (2021).

1.   IRBI, UMR 7261, CNRS, Université de Tours, Tours, France
2.  INRAE USC 1328, LBLGC EA 1207, Université d’Orléans, Orléans, France
3.  Domaine Bellevue 2, Arzens, France
4.  INRAE, UR EFNO, Nogent-sur-Vernisson, France
5.  CETU Innophyt, Université de Tours, Tours, France
6.  INRAE, URZF, Orléans, France

https://doi.org/10.1038/s41598-021-83631-0
www.nature.com/scientificreports/

En savoir plus :

(*) Projet POLLEN : https://pollen.univ-tours.fr/le-projet-pollen-2/

Abeille sauvage Bombus lucorum femelle butinant des fleurs mauves
Ouvrière de Bombus lucorum (morphologiquement très difficile à distinguer de Bombus terrestris, mais les codes barres les séparent clairement). Photo David Genoud

Communication INRAE Val de LoireRédaction

Contacts

Carlos Lopez-Vaamonde Contact scientifiqueUnité de recherche Zoologie forestière (URZF)

Le centre

Le département