illustration Christine Cherbut, INRAE à coeur
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Alimentation, santé globale 5 min

Christine Cherbut, INRAE à coeur

En tant que Directrice Générale Déléguée pour la Science et l'Innovation, Christine Cherbut a eu la haute main sur la stratégie et le dispositif scientifiques d’INRAE de 2017 à 2021. Elle a contribué à la construction du nouvel Institut lors de la fusion de l’Inra et d’Irstea en 2019-2020. Issue d’un milieu ouvrier, cette pionnière en matière de nutrition humaine revient sur son parcours à INRAE, cette grande maison qu’elle considère comme sa « famille ».

Publié le 27 juillet 2017 (mis à jour : 30 mars 2021)

Fiche portrait C Cherbut

Etre modeste et fière n’est pas antinomique. Christine Cherbut en est la preuve. Dès le début de l’entretien, cette femme au verbe pesé installe le cadre : « Je suis née à Saint-Etienne au sein d’un milieu ouvrier. Je n’étais pas destinée à faire des études. » Mais la petite fille d'alors se moque du déterminisme social.

Les défis d'une recherche de pointe et innovante

« J’ai toujours aimé explorer et découvrir, sourit Christine. J’ai su très tôt que chercheur me plairait. » Passionnée par les sciences, elle pense d’abord à la médecine. Bac scientifique en poche, elle s’inscrit finalement à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon pour un cursus d’ingénieure en biochimie. De cette époque, la scientifique garde une grande nostalgie. « À l’Insa, il y avait tous les milieux sociaux et toutes les disciplines. » Elle s’y découvre une passion pour le rugby dont elle reste attachée aux valeurs de solidarité : « Tout le monde y a sa place, le petit comme le grand, le costaud comme le rapide. »

À la conquête du microbiote

À sa sortie de l’Insa, en 1982, elle est recrutée par l’Inra comme assistante contractuelle de recherche. Cela l’aide à mener à bien sa thèse sur l’étude des propriétés physicochimiques des fibres à l’École vétérinaire de Toulouse. Elle arrive au centre de Nantes en 1985 et devient chargée de recherches en nutrition humaine. « Jusqu’à présent, on ne s’intéressait qu’à la nutrition animale. » Son travail la ramène à une passion de toujours : l’alimentation. « C’est un bon moyen de découvrir l’âme humaine », estime cette épicurienne.  Mais, au cœur des années 80, la relation alimentation-santé ne va pas de soi.  «Nous étions encore considérés comme des diététiciens qui décrivaient les effets de la soupe, pas comme des chercheurs en science noble…».

Dans les années 80, la relation alimentation-santé ne va pas de soi

Tenace, elle se lance avec passion dans l’étude du fonctionnement du tube digestif. « Le microbiote était totalement ignoré à l’époque. Le terme n’existait pas ou presque. » Ce travail pionnier lui permet de contribuer à la constitution du GIP (Groupement d'intérêt public) Centre de recherche en nutrition humaine de Nantes en 1995, dont elle devient la directrice scientifique. En 1998, elle est nommée à la direction de son unité de recherches. En 2000, Christine Cherbut prend la vice-présidence du comité de nutrition humaine de l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devenue Anses en 2010). 
Au début du XXIe siècle, la jeune quadra est approchée par un chasseur de têtes mandaté par Nestlé. « Je n’en avais pas particulièrement envie au départ », assure Christine. Il faudra trois visites au centre de recherches de l’entreprise à Lausanne pour la convaincre. Directrice de la nutrition et de l’appui scientifique, elle développe le programme « Nutrition, santé et bien-être ». La Stéphanoise s’épanouit mais n’oublie pas l’Inra où elle désormais siège au Conseil scientifique.  

La stratégie scientifique, d’abord dans le secteur de l’alimentation, puis pour l’ensemble de l’Institut

En 2011, un coup de téléphone de Marion Guillou (1) scelle son retour. La présidente lui propose de succéder au directeur scientifique Alimentation, décédé quelques mois plus tôt. Pendant six ans, elle travaille de concert avec la direction générale pour rapprocher les recherches sur production agricole, transformation des matières premières et consommation alimentaire. « On a compris qu’on ne peut pas se contenter de nourrir les gens sans prendre en compte ce dont ils ont besoin physiologiquement, psychologiquement et socialement. La santé et le bien-être de nos concitoyens trouvent aussi leur source dans les champs. »

INRAE est un institut exceptionnel car il permet un dialogue constructif et serein ».

Son engagement se poursuit en avril 2017 quand Christine est nommée directrice générale déléguée aux affaires scientifiques, puis directrice générale Science et Innovation en 2020, lorsque l’Inra devient INRAE avec la fusion avec l’Irstea. L’intitulé change, mais la fonction reste. Pendant quatre ans, Christine œuvre à tous les étages de l’Institut, confortant son architecture scientifique, partenariale et organisationnelle : contrat d’objectifs 2017-2021, stratégie INRAE 2030  et organisation scientifique du nouvel Institut, prospectives et métaprogrammes  scientifiques, chantiers sur les infrastructures de recherche, sur l’innovation et la science ouverte, mise à jour de l’évaluation des chercheurs et des ingénieurs, renforcement du partenariat avec les autres établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Tout cela en concertation avec les membres du collège de direction, les directions de départements scientifiques et d'appui à la recherche, ainsi que les président.e.s de centre, car « INRAE a ceci d’exceptionnel que son fonctionnement et la qualité des personnes permettent un dialogue constructif et serein ».

La foi en la science et le désir de transmettre

A l’issue de son mandat, Christine a plusieurs projets. Dans l’immédiat, elle va coordonner l’autoévaluation d’INRAE pour le mois de septembre 2021. Plus globalement, elle aspire à une vie professionnelle moins dévorante, et souhaite se concentrer sur un travail scientifique plus prospectif, en commençant par son domaine de recherche initial : la nutrition humaine. Elle estime important sur ce sujet de faire le point sur la recherche au niveau national, européen et international, de redéfinir les enjeux et les axes à développer pour les objectifs de développement durable et les transitions en cours. « C’est enthousiasmant de travailler sur des sujets d’importance planétaire. C’est la science qui forme le socle de notre action, une science ambitieuse et rigoureuse. C'est à partir de ce socle solide que découlent l’innovation, l’expertise et l'appui aux politiques publiques ».

La recherche et ses collectifs m'ont nourrie toutes ces années, et je serais heureuse d'aider mes jeunes collègues

Christine a un autre projet qui lui tient particulièrement à cœur : la transmission. « La recherche et ses collectifs m'ont nourrie toutes ces années, et je serais heureuse de pouvoir redonner un peu de ce que j'ai reçu. Je ne sais pas encore sous quelle forme, mais je voudrais aider mes plus jeunes collègues, débutant.e.s ou en prise de responsabilités collectives, en leur transmettant ce que j'ai pu apprendre, au cours de mon parcours professionnel en recherche publique et privée, sur les qualités humaines et compétences comportementales importantes, sur le partenariat, la coordination de collectifs, dans un contexte où de nouvelles pratiques de recherche plus ouvertes et plus interdisciplinaires sont en train de se mettre en place ». Elle le dit avec émotion : « INRAE, c’est ma famille. Tout ce qui m’est arrivé n'était pas programmé. C’est le fruit de beaucoup de chance, de rencontres, de travail et de curiosité. Je suis heureuse de cette vie ».

 

(1) Marion Guillou a été présidente directrice générale de l’Inra de 2004 à 2012.

 

Benoît FranquebalmeRédacteur

Pascale MollierRédactrice, mise à jour