Changement climatique et risques 5 min
Changement climatique, agriculture, alimentation : où en sommes-nous après la COP27 ?
La 27e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, dite COP27, a été décisive pour la mise en œuvre des actions climatiques dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation. L’action commune de Koronivia pour l’agriculture et la sécurité alimentaire a abouti à une décision et un programme de travail conjoint au titre du Mécanisme technologique a été lancé, avec un Nexus eau-énergie-alimentation. Retour sur ces avancées et sur la participation d’INRAE à la COP27.
Publié le 25 novembre 2022
La crise climatique amplifie les pressions sur les terres émergées, tandis que se superposent de multiples enjeux : insécurité alimentaire mondiale, érosion de la biodiversité et pressions de plus en fortes sur des ressources naturelles essentielles, comme l’eau. C’est le constat fait par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), à maintes reprises. Ainsi, l’agriculture et la santé des sols sont des leviers clés pour répondre aux enjeux globaux et respecter l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici la fin du siècle.
Dans ce contexte, INRAE collabore avec ses partenaires internationaux pour produire des connaissances et proposer des solutions innovantes basées sur les avancées et résultats scientifiques les plus récents. Lors de la COP27, la promotion d’un dialogue entre toutes les parties prenantes était au cœur de la participation de l’Institut.
Aboutissement du programme commun de Koronivia : lancement de la mise en œuvre sur l’agriculture et la sécurité alimentaire
L’Action commune de Koronivia pour l’agriculture (KJWA) a été adoptée lors de la COP23 à Bonn, en novembre 2017. Elle reconnaît le potentiel unique de l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique. Après un cycle d’ateliers de 4 ans qui a donné lieu à plusieurs contributions coordonnées par INRAE, les recommandations de l’action commune de Koronivia sur l’agriculture ont été présentées à la COP27.
La décision adoptée au terme de la COP27 dans le cadre de l’action commune de Koronivia reconnaît la vulnérabilité des systèmes alimentaires mondiaux aux effets néfastes du changement climatique et aux autres défis globaux, confrontés à de faibles avancées dans la réalisation des objectifs de développement durable. Elle reconnaît notamment que les questions relatives à la gestion des sols et de l’eau sont propres à chaque territoire et promeut une approche holistique et inclusive pour contribuer à la sécurité alimentaire, à l’adaptation et aux cobénéfices que peuvent représenter les puits de carbone.
La mise en œuvre de l’action commune de Koronivia comprendra :
- la restitution de rapports de synthèse annuels ;
- des ateliers en cours de session ;
- la mise en place du portail en ligne de Sharm El-Sheikh, pour permettre le partage d'informations sur la mise en œuvre de l’action commune.
Les parties et membres observateurs sont invités à soumettre leurs points de vue sur les éléments de l’action commune de Koronivia, sur les sujets des ateliers et sur l'opérationnalisation du portail, d'ici fin mars 2023, afin qu’ils soient examinés par les organes subsidiaires lors de leur 58e session (juin 2023).
Les terres émergées : un levier pour la neutralité carbone, l'adaptation, la biodiversité et la sécurité alimentaire
Un événement parallèle, organisé par INRAE, le Cirad et l'IRD, a examiné de quelle façon et avec quels moyens aborder les synergies pour faire des sols un vecteur clé de transformation pour le climat, la biodiversité et la sécurité alimentaire dans la perspective d’atteindre la neutralité carbone.
Intervenants :
Florika Fink-Hooijer, directrice générale de la direction générale Environnement de la Commission européenne ; Youba Sokona, vice-président du GIEC ; Lini Wollenberg, cheffe de projet, Biodiversity International (CGIAR) ; Pascal Martinez, expert sénior sur le changement climatique, Fonds pour l’environnement mondial ; Lamine Diatta, négociateur – Sénégal ; Marie Hrabanski, chercheuse en sociologie politique, Cirad, et Jean-François Soussana, vice-président de la politique internationale d’INRAE.
Que nous dit la science sur les terres émergées ?
Les sols sont une ressource essentielle pour la nourriture, l'eau et la santé. Or, le quatrième rapport spécial du GIEC sur le changement climatique et les terres a montré que le changement climatique exerce des pressions croissantes sur les sols. La prise en compte des défis qui se superposent - désertification, dégradation des sols, sécurité alimentaire, biodiversité, pression sur les eaux souterraines et la qualité de l'eau - est essentielle pour mettre en œuvre diverses actions d'atténuation et d’adaptation, lesquelles peuvent présenter des cobénéfices ou demander des compromis. Alors que l'augmentation du carbone organique dans les sols induit des cobénéfices au vu des nombreux défis, d'autres solutions telles que l'élimination du dioxyde de carbone par la bioénergie peuvent avoir une incidence sur d’autres enjeux, comme la sécurité alimentaire, si elles sont développées à grande échelle. Ainsi, les mesures d'atténuation et d'adaptation durables dans le secteur des terres émergées nécessitent des politiques coordonnées pour cibler plusieurs objectifs de développement durable.
INRAE, l’IDDRI, l'IRD et le Cirad ont formulé 4 messages clés pour atteindre la neutralité carbone
Quelles sont les actions concrètes à entreprendre ?
Plusieurs changements dans la façon dont nous utilisons les sols doivent être mis en œuvre pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C : l'amélioration des pratiques actuelles vers de faibles émissions de GES, la séquestration du carbone, bien qu'elle ne soit ni infinie ni certaine, les changements de régime alimentaire et l’innovation technologique.
Comment les financer et les mettre en œuvre ?
Les mécanismes financiers doivent combiner des projets visant à réaliser des cobénéfices pour les sols, avec une approche ascendante, pour intensifier l’action climatique.
Débloquer la mise en œuvre d'actions concrètes
Lancée par Stéphane Le Foll, alors ministre français de l'Agriculture, lors de la COP21 en décembre 2015 à Paris , l'initiative 4 pour 1 000 promeut des politiques, des actions et des pratiques fondées sur des travaux scientifiques majeurs, pour augmenter le stockage et la séquestration du carbone dans les sols afin de lutter contre l'insécurité alimentaire et le changement climatique. INRAE en est un membre fondateur et Jean-François Soussana, vice-président de la politique internationale d'INRAE, est membre du comité scientifique et technique.
L'initiative 4 pour 1 000, qui implique 720 partenaires, est désormais entrée dans une phase de réalisations concrètes. Un plan stratégique de mise en œuvre a été adopté en août 2022. Le financement par projets et l'évaluation de la mise en œuvre au niveau des pays sont des pistes qui restent à explorer.
Les instances de l’initiative 4 pour 1 000 se sont réunies à la COP27 et à cette occasion, la Coalition pour la santé des sols (en anglais, Coalition of Action 4 Soil Health, ou CA4SH) y a été présentée. Elle vise à rassembler les parties pour faciliter l'adoption et la mise à l'échelle de mécanismes et de processus mondiaux. Son objectif premier est de guider et de catalyser les investissements sur la santé des sols, avec des résultats économiques, sociaux et environnementaux positifs.
La présidence égyptienne de la COP27 a lancé l'initiative FAST
L'objectif : mettre en œuvre des actions concrètes destinées à améliorer les contributions au financement climatique pour transformer l’agriculture et les systèmes alimentaires et améliorer la sécurité alimentaire d'ici 2030, soutenir l'adaptation et maintenir une trajectoire à 1,5 °C.
Ce partenariat multiacteur est censé agir comme un accélérateur de la transformation des systèmes agroalimentaires.
Accélérer l'action climatique par le développement et le transfert de technologies
Le programme de travail conjoint du Mécanisme technologique de la CCNUCC pour 2023-2027 a été adopté à la COP27. Il se compose des activités conjointes et des domaines de travail communs du Comité exécutif technologique (CET) et du Centre et réseau des technologies climatiques (CTCN), du programme de travail du CET et de celui du CTCN, pour la période concernée. Le lien entre l'eau, l'énergie et les systèmes alimentaires est l'un des domaines privilégiés.
- Le plan de travail du CET analysera les lacunes en matière de connaissances sur le lien entre l'agriculture, l'eau, la sécurité alimentaire, l'énergie et le climat. Il identifiera les technologies d'adaptation pertinentes (y compris les technologies autochtones), les innovations et les solutions numériques susceptibles de renforcer la planification de l'adaptation et les contributions déterminées au niveau national dans l'agriculture.
- Le programme de travail du CTCN met en évidence le lien eau-énergie-alimentation qui constitute l'un des 5 domaines dans lesquels les pays cherchent à opérer des transformations systémiques. Il visera à soutenir la conservation, la restauration et l'amélioration des écosystèmes marins et terrestres et de la sécurité alimentaire.
Il n’y a pas d’agriculture sans eau. Comment préserver au mieux l’harmonie de ce couple millénaire assombrie par le changement climatique, avec une agriculture plus demandeuse d’eau et une eau moins accessible ? Reconception de systèmes agroalimentaires plus durables, partage de l’eau dans les territoires et politiques publiques d’accompagnement sont au cœur des recherches d’INRAE présentées dans ce dossier de la revue Ressources n° 2.
Face aux enjeux de sécurité alimentaire, de changements climatiques et environnementaux, le numérique est souvent cité comme un levier pour accélérer l’évolution de l’agriculture, au bénéfice des agriculteurs, de l’environnement, des consommateurs et de la société. Il s’agit de construire une agriculture numérique socle de modes de production et de consommation responsables, adaptée à la diversité des agricultures et des agriculteurs. Quel rôle la recherche peut-elle jouer dans la construction de cette agriculture numérique responsable ?