Changement climatique et risques 3 min

Chaleur urbaine : les arbres bien entretenus rafraichissent plus l’atmosphère

Une étude combinant Science citoyenne et analyse en laboratoire montre un effet clair des pratiques d’entretien des espaces verts sur les variables de la surface foliaire des arbres et sur la transpiration.

Publié le 25 mai 2022

illustration Chaleur urbaine : les arbres bien entretenus rafraichissent plus l’atmosphère
© INRAE

En raison du développement urbain trop rapide, beaucoup de villes sont passées à côté d’un aménagement adéquat des espaces pour lutter contre le phénomène connu sous le nom “ d'îlot de chaleur urbain” (ICU). Par exemple l'utilisation de matériaux à faible réflectivité au rayonnement solaire sur les chaussées ou la végétalisation en sont quelques éléments. Ce phénomène d'îlot de chaleur urbain affecte considérablement la qualité de vie dans les villes, et peut être directement lié à de mauvaises pratiques en matière de végétation et d'aménagement paysager.

Il est prouvé que les espaces verts urbains (tels que les parcs), sont plus frais que l'environnement bâti et riches en infrastructures grises ou sombres. La plantation d’arbres participe au bien-être, à la qualité de vie et à la santé des citadins. Ils contribuent à la filtration de l'air, la régulation des températures, la captation des eaux de ruissellement, la réduction du bruit, la fixation du carbone, l'amélioration de la santé physique et mentale ou encore au maintien de la biodiversité. Pour toutes ces raisons, la végétalisation des villes est soutenue par les mouvements citoyens au cours de la dernière décennie. Elle est devenue une stratégie de développement urbain à part entière.

La régulation thermique des arbres repose en partie sur leurs caractéristiques fonctionnelles et structurelles associées, comme la surface totale des feuilles, leur densité dans le houppier et leurs inclinaisons. Or, il s’avère que ces caractéristiques foliaires varient potentiellement selon les différentes pratiques de gestion et d’entretien des terrains en milieu urbain, remettant ainsi en question les modèles utilisés pour estimer le potentiel de refroidissement des arbres urbains.

 

Une expérience de science participative 

L’étude a été réalisée dans le cadre d’une collaboration avec l’organisation EarthWatch (https://earthwatch.org/) qui promeut le développement de la Science citoyenne. Elle a visé à étudier la variabilité des caractéristiques de la surface foliaire des tilleuls (Tilia spp.) en milieu urbain, et leur effet sur la transpiration des arbres. La reconstruction de la surface foliaire a été entreprise à l'échelle de l'arbre à partir de données issues de trois villes : Londres et Birmingham (Royaume-Uni) et Chantilly (France) et pour 2 modes de gestion : arbres gérés (litière foliaire enlevée, arbres isolés), et arbres non gérés de type haie arborée. La reconstruction a combiné des mesures allométriques (*) à l'échelle des pousses et des feuilles, et une reconstruction 3D à l'échelle de l'arbre [Bournez et al., 2018. DOI : 10.1016/j.ufug.2018.10.016]. L’obtention de données pertinentes et caractéristiques des sites et des pratiques nécessite un échantillonnage important. L’originalité de ce projet repose sur  la collecte de toutes les données allométriques par des citoyens volontaires. Pour cela un protocole de mesure unifié et standardisé leur a été fourni et les participants ont reçu une formation et un matériel approprié.

Grâce à l’aide des citoyens volontaires, plus de 2500 feuilles et 360 pousses ont été récoltées et mesurées dans un temps très court puisque ces données de terrain ont été acquises en un tiers du temps qui aurait été nécessaire pour deux scientifiques



Les données obtenues ont mis en évidence un fort effet des pratiques de gestion sur les relations allométriques des arbres.  Les différences relatives observées variaient entre 12 et 48 % selon la ville où la variable était considérée (par exemple, l'indice de surface foliaire, la surface foliaire totale ou la transpiration des arbres). Ainsi les arbres dans les sites entretenus et gérés développent une surface foliaire plus élevée, favorisant ainsi le potentiel de refroidissement. Ce résultat semble a priori contre intuitif car sur les sites gérés la litière foliaire est enlevée réduisant la qualité nutritionnelle des sols. Toutefois le développement foliaire des arbres est un processus multifactoriel où la disponibilité en lumière est un facteur limitant clé. En effet, les arbres poussant dans ces environnements urbains non gérés se caractérisent avant tout par la proximité d'autres arbres, créant une couverture de couronnes d’arbres contiguës et, en fin de compte, une forte concurrence pour la lumière, contrairement aux couronnes plutôt isolées d’autres arbres poussant dans le même parc urbain.

 

Des pistes de gestion proposées aux professionnels des espaces verts et de l’aménagement urbain

Cette étude citoyenne confirme ainsi que les pratiques visant à réduire à la fois la fermeture de la canopée et la concurrence, comme l'éclaircissage, devraient favoriser le développement de la surface foliaire totale et l'augmentation de la densité de la surface foliaire. In fine la transpiration et l'ombrage des arbres peuvent être augmentés pour refroidir l'environnement.

Ces résultats impliquent ainsi qu’il est possible d’optimiser les services écosystémiques des arbres dans les zones urbaines en termes de confort thermique mais soulignent l'importance d'une planification urbaine et une gestion appropriées et bien conçues, et où l'aménagement paysager peut jouer un rôle encore plus important dans la régulation climatique des villes en été.

Enfin cette étude fournit une nouvelle preuve de l’intérêt qu’ont les chercheurs à engager une collaboration avec le public dans des recherches en vue d’améliorer la compréhension des phénomènes naturels. L’implication d’un nombre important de citoyens permet de démultiplier considérablement les mesures et les observations. Cette démarche nécessite toutefois d’établir des protocoles de mesures simples et compréhensibles afin de limiter les biais de mesure et de ne pas décourager les observateurs. Ces expériences scientifiques impliquent également des temps d’échange entre scientifiques et citoyens et permettent de sensibiliser le public à la gestion durable et la préservation de leur environnement.

 

(*) L’allométrie est l’étude des échelles de relations entre une partie du corps et le corps dans son ensemble. Elle décrit comment les caractéristiques d’un individu changent avec sa taille.

Référence : DOI : 10.3390/su132413656

 

Thierry Améglio Directeur de recherches, Coordinateur France du projet EarthWatchPIAF

Marc Saudreau Chargé de recherches, coordinateur du projet ANR CoolTreesPIAF

Jérôme Ngao Chargé de recherchesUMR ECO&SOLS

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