Biodiversité 4 min
Causes, réponses et implications de l’assèchement d’origine anthropique par rapport à l’assèchement naturel des réseaux hydrographiques
Pour la première fois en 2022, de nombreux cours d’eau pérennes, en France mais aussi en Europe et en Amérique du Nord, se sont asséchés. Les assèchements d’origine anthropique, accentués par le changement climatique, pourraient générer des réponses hydrologiques et écologiques différentes de celles observées dans les cours d’eau naturellement intermittents (= sans eau une partie de l’année). Une équipe internationale composée de membres du projet européen DRYvER (unité RiverLy) et du réseau RCN DRYRIVERS aux États-Unis, ont collaborés pour dresser l’état de l’art sur les causes, réponses et implications des assèchements d’origine anthropique et naturelle des cours d’eau. Leurs résultats, publiés le 7 décembre 2022 dans BioScience, montrent qu’une gestion différente et adaptée de ces écosystèmes devrait être implémentée.
Publié le 09 décembre 2022
Plus de la moitié des cours d’eau dans le monde sont naturellement intermittents, une première cartographie à l’échelle mondiale a été publiée le 16 juin 2021 dans Nature. Depuis plusieurs années, les causes, les réponses et les implications de ces assèchements sont étudiées d’un point de vue hydrologique, biogéochimique et écologique. Aujourd’hui, les connaissances scientifiques acquises offrent des pistes pour une gestion adaptée des cours d’eau naturellement intermittents. À l’inverse, nos connaissances sur les cours d’eau asséchés du fait de l’homme sont limitées. Or les effets du changement global, climatique notamment, sur ces cours d’eau sont de plus en plus visibles.
Des scientifiques du projet européen DRYvER et du réseau RCN DRYRIVERS aux États-Unis ont examiné les causes de l'assèchement anthropique des cours d’eau. Les prélèvements en eau (en surface comme dans les nappes), le stockage par la construction de réservoirs pour l’irrigation, l’hydroélectricité ou les activités récréatives, le changement d’occupation des sols et le changement climatique produisent des signatures hydrologiques différentes des assèchements d’origine naturelle, affectant de manière contrastée les fréquence, durée, intensité ou timing des assèchements.
Les réponses en termes de biodiversité, fonctions et services écosystémiques entre les deux types d’assèchements ont ensuite été explorées. La transition de régimes hydrologiques pérennes à intermittents représente un point de bascule dramatique pour la biodiversité aquatique, puisque grand nombre d’espèces ne disposent pas d’adaptations nécessaires pour faire face à l’assèchement. Ceci a de profondes implications sur les fonctions écosystémiques, telles que la décomposition de la litière terrestre qui est un processus vital pour les cours d’eau. Le changement climatique étant plus graduel, il est possible que les réponses biologiques associées soient moins brutales, si les espèces adaptées à l’assèchement sont présentes dans le paysage et ont le temps de coloniser ces rivières nouvellement intermittentes. Concernant les services écosystémiques, les zones les plus soumises à l’assèchement anthropique sont souvent celles où les services rendus par les réseaux hydrographiques (eau potable, recharge des nappes, alimentation…) sont les plus vitaux pour les sociétés humaines, posant d’importantes problématiques de gestion.
Les scientifiques ont ensuite décrit les lacunes en connaissances et les besoins de gestion liés à l’assèchement d’origine anthropique, afin de guider les prochains efforts de recherche sur les réseaux hydrographiques de l’anthropocène. En raison des caractéristiques hydrologiques et des impacts écologiques distincts entre l’assèchement naturel et anthropique, ignorer cette distinction peut compromettre la gestion des cours d’eau et exacerber les risques pour les écosystèmes et les sociétés en dépendant.
Référence
Datry T., Truchy A., Olden J.D. et al. (2022). Causes, Responses, and Implications of Anthropogenic versus Natural Flow Intermittence in River Networks. BioScience, biac098. https://doi.org/10.1093/biosci/biac098