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Les cailloux, réservoirs d’eau pour les plantes ?

Les roches peuvent-elles être des réservoirs d’eau pour les plantes quand celles-ci ne peuvent pas puiser de l’eau ailleurs ? Une étude originale menée par l'unité Science du sol et par l'unité EFNO du centre INRAE Val de Loire, a permis d'évaluer la capacité de fragments de roche à servir de réservoir d'eau pour les plantes. En comparant les cailloux poreux et non poreux, ces résultats ont montré que les plantes peuvent utiliser l'eau retenue dans les pores de ces cailloux, réduisant ainsi leur stress hydrique* pendant la sécheresse.

Publié le 14 décembre 2020 (mis à jour : 15 décembre 2020)

illustration Les cailloux, réservoirs d’eau pour les plantes ?
© INRAE, Nathalie Korboulewsky

En Europe occidentale, les sols caillouteux, ou sols squelettiques, couvrent environ 30% du territoire (carte des sols de la Communauté européenne), alors qu’ils couvrent 60% de la zone méditerranéenne. Un sol est considéré comme caillouteux s’il contient plus de 40% d’éléments grossiers. Or les plantes se développent aussi dans ce type de sols. Bien que le rôle des éléments grossiers des sols dans la rétention en eau et la disponibilité pour les plantes soit suspecté de longue date, il n’avait jamais été démontré. Après des travaux mettant en évidence que les cailloux retenaient effectivement de l’eau, l'hypothèse de recherche était donc que cette eau pouvait aider la plante à résister à la sécheresse.

Pour vérifier cette hypothèse, une expérience en serre a été mise en place basée sur le suivi à la fois de certains paramètres biométriques (hauteur, surface foliaire, biomasse, conductance stomatique utilisée comme indicateur de stress hydrique) de boutures de peupliers (Populus euramericana) et du dessèchement du sol. Ces peupliers ont été cultivés dans une terre mélangée soit à des cailloux de calcaire poreux, soit à des cailloux de quartz non poreux.

L’étude a mis en évidence que les pores  de ces cailloux permettent de retenir  de l’eau jusqu’à 20% de leur volume, et surtout qu’ils agissent comme un réservoir pendant les périodes de sécheresse de moyenne à forte sévérité.  Bien que la proportion d’éléments grossiers dans le sol soit le principal facteur jouant sur la croissance et le niveau de stress hydrique des plantes, des différences notables ont été observées entre les deux types de cailloux. Les plantes ayant poussé dans un sol avec des cailloux calcaires ont mieux poussé et ont mieux résisté au manque d’eau que celles avec les cailloux de quartz. De plus, le niveau de stress hydrique des plantes était directement corrélé avec le contenu en eau des cailloux (cf. graphique), ce qui montre que l’alimentation en eau des plantes quand le sol se dessèche dépend autant de l’eau contenue dans la terre fine que de celle des cailloux.

Représentation schématique de la constitution des sols de l’expérimentation. Cinq traitements avec de la terre fine en mélange avec des cailloux calcaires ou de quartz dans les proportions suivantes : 0%, 20%, ou 40%.
 

Cette étude démontre que les éléments grossiers contenus dans les sols ne sont pas des matériaux inertes et peuvent contribuer à la croissance des plantes. Les éléments grossiers retiennent de l’eau dans leur porosité, dont la quantité dépend du type de cailloux, et participent donc de manière significative à la capacité totale en eau du sol.

Système racinaire d’un peuplier ayant poussé pendant 3 mois dans un sol contenant des cailloux calcaires. A gauche, une racine ayant pénétré dans la porosité d’un caillou. A droite, certaines racines restent attachées aux cailloux. La terre fine a été éliminée par lavage sous l’eau.

Relation entre la conductance stomatique** (indicateur du stress hydrique des plantes) et l’eau du sol, soit la terre fine soit les cailloux, pendant la phase de dessèchement (arrêt de l’irrigation).
 

Pour en savoir plus sur les deux unités de recherche qui ont mené cette étude : 

* Le stress hydrique est observé quand les ressources en eau sont inférieures à 40% de la réserve maximale du sol

**Un stomate est un petit orifice dans l'épiderme des feuilles des plantes. Il permet les échanges gazeux entre la plante et l'air ambiant ainsi que la régulation de l'évapotranspiration. La conductance stomatique est fonction du nombre de stomates sur les feuilles, de leur ouverture et de leur taille. En cas de stress hydrique, les stomates se ferment et la conductance diminue.
 

Références : 

Korboulewsky, N., Tétégan, M., Samouelian, A, Cousin I. . Plants use water in the pores of rock fragments during drought. Plant Soil 454, 35–47 (2020). https://doi.org/10.1007/s11104-020-04425-3

Schwinning, S. A critical question for the critical zone: how do plants use rock water?. Plant Soil 454, 49–56 (2020). https://doi.org/10.1007/s11104-020-04648-4

Tétégan M., Korboulewsky N., Bouthier A., Samouëlian A., Cousin I. The role of pebbles in the water dynamics of a stony soil cultivated with young poplars. Plant and Soil 391, 307-320 (2015). https://doi.org/10.1007/s11104-015-2429-1

Service communication INRAE Val de Loire

Contacts

Nathalie KorboulewskyContact scientifiqueUnité de recherche Écosystèmes forestiers de Nogent-sur-Vernisson (EFNO)

Isabelle CousinContact scientifiqueUnité de recherche Science du sol

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