Agroécologie 10 min

Des alternatives aux pesticides contre les virus des plantes potagères

Les virus qui infectent les plantes maraîchères peuvent être à l’origine de lourdes pertes de récolte. Ainsi, deux virus signalés en France en 2020 doivent faire l’objet d’une vigilance particulière : le Tomato brown fruit rugose virus (ToBRFV), détecté dans une culture de tomate dans le Finistère, et le Tomato leaf curl New Delhi virus (ToLCNDV), apparu sur des plants de courgettes en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Occitanie. Des scientifiques d’INRAE PACA travaillent à mieux connaître ces virus. Ils recherchent et évaluent des moyens de lutte. Reportage vidéo...

Publié le 04 mars 2020 (mis à jour : 28 octobre 2020)

illustration Des alternatives aux pesticides contre les virus des plantes potagères
© INRAE

Pour préserver les plantes potagères des attaques virales, il faut d’abord bien connaître les virus et leurs interactions avec la plante. Pour cela, l’unité de recherche « Pathologie végétale » travaille à identifier ces pathogènes, à les caractériser et comprendre comment ils émergent, se disséminent et évoluent. Elle développe des outils de diagnostic et évalue des moyens de biocontrôle, tels que les bandes fleuries permettant d’éloigner les insectes qui transportent ces virus. Les scientifiques de cette unité étudient enfin la durabilité des variétés résistantes : bien gérer leur déploiement dans une parcelle et à l’échelle d’un bassin de production est crucial pour éviter que les virus ne parviennent à contourner les résistances des plantes… Eric Verdin, Alexandra Schoeny et Loup Rimbaud partagent leurs travaux en vidéo.

L’expertise de cette unité de recherche a été sollicitée à la suite de l’émergence du virus ToBRFV de la tomate. Eric Verdin, ingénieur de recherche, a ainsi participé à la rédaction du rapport Anses, paru fin janvier 2020, sur l’évaluation du risque du ToBRFV en France métropolitaine. Il fait également partie d’une cellule de veille, mise en place au printemps 2019 en région PACA, qui forme les différents acteurs de la filière. « La vigilance est cruciale et a démarré chez les professionnels dès 2018, suite à l’apparition du virus en Europe » rappelle-t-il.

Faut-il craindre le virus ToBRFV ?

Eric Verdin explique que le ToBRFV peut infecter les tomates, piments et poivrons. Si des moyens de lutte adaptés ne sont pas mis en place rapidement, ce virus peut causer jusqu’à 100 % de perte pour les producteurs. Aucun danger en revanche, ni pour l’humain, ni pour l’animal, si on consomme des fruits contaminés par ce virus. Ce pathogène est particulièrement résistant : il peut survivre plusieurs mois à plusieurs années sur des supports inertes, se dissémine facilement, infecte toutes les variétés de tomates (il n’existe aucune variété résistante) qu'elles soient sous abri, en plein champ ou en serre, cultivées en agriculture biologique, conventionnelle ou raisonnée. Aucun traitement n’est disponible. Des moyens de lutte existent pour limiter l’entrée et la propagation de ce virus dans les zones de production. Les producteurs doivent notamment veiller à ne pas importer de semences et de plants depuis les zones contaminées et renforcer les mesures sanitaires : restriction de l’accès aux zones de culture, désinfection des mains et des outils…. En cas d’attaque, la culture doit être rapidement détruite pour empêcher la dissémination du virus dans les zones voisines ou dans un bassin de production. Depuis novembre 2019, une décision réglementaire européenne établit des mesures d’urgence destinées à éviter l’introduction et la propagation du ToBRFV pour les semences et les plants, complétée par un plan de surveillance nationale mis en place par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation début 2020 afin de signaler rapidement la présence du virus.

Quelques chiffres
  • En France, nous consommons 14 kg de tomates par ménage et par an (1)
  • Près de 30 % de la production française assurée en Bretagne (2)
  • Début février 2020, 2 serres du Finistère ont été déclarées contaminées. La contamination semble avoir pour origine des plants importés du Royaume-Uni et issus de semences produites aux Pays-Bas.

Que sait-on de ce virus ?

Le ToBRFV (genre Tobamovirus), ou virus du fruit brun et rugueux de la tomate, « se dissémine dans une parcelle ou une serre par simple contact (main, vêtements, outils…) et à longue distance via les graines, les plantes et les fruits infectés» indique Eric Verdin. Il envahit la plante en 3 ou 4 jours. Il faut ensuite deux à trois semaines avant de voir apparaître les symptômes. Lorsqu’une plante est contaminée, les fruits montrent des décolorations (taches jaunes et brunes), se déforment et peuvent devenir rugueux. La texture et la qualité gustatives du fruit sont altérées.

Début février 2020, deux serres du Finistère ont été déclarées contaminées. La France était jusqu’ici indemne de ce virus. Le ToBRFV est apparu en 2014 en Israël et en 2015 en Jordanie. Il est présent depuis 2018 au Mexique, aux USA, en Allemagne et en Italie. En 2019, il apparait au Royaume-Uni, en Chine, Palestine, Turquie, Grèce, aux Pays-Bas et en Espagne. L’origine de cette émergence est incertaine même si des hypothèses de changement d’hôtes du virus vers la tomate à partir de plantes sauvages de même famille botanique que la tomate et/ou des événements de recombinaison génomique entre tobamovirus proches du ToBRFV sont aujourd’hui avancées.

Un autre virus, ToLCNDV, est aussi signalé en France en 2020

A part s’attaquer à des légumes (courgette, concombre, melon) le virus ToLCNDV (Tomato leaf curl New Delhi virus) n’a pas grand-chose de commun avec le ToBRFV. Il appartient à un genre différent (Begomovirus), c’est un virus à ADN ayant une morphologie particulière (deux sphères accolées) et il est transmis par une petite mouche blanche, l’aleurode du tabac. Il a été détecté pour la première fois en France en automne 2020 sur des feuilles de courgettes en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Occitanie. « Nous avons été contactés par des professionnels qui avaient remarqué les symptômes du virus. Ils avaient effectué des tests préliminaires rapides et voulaient confirmer leur diagnostic » précise Cécile Desbiez. Ce virus, décrit d’abord en Inde en 1948, a touché l’Europe du Sud en 2012 (Espagne, puis Italie, Grèce et Portugal) Il est étudié par plusieurs équipes européennes, mais, même si quelques résistances génétiques ont été identifiées, il n’y a pas encore de parade, si ce n’est la prévention (plantation de matériel végétal sain, surveillance des plantes en culture et contrôle du vecteur) ou l’arrachage des plantes contaminées. « Ce virus a l’avantage de ne pas être très stable dans le sol, par contre sa transmission par l’aleurode lui permet de se disséminer sur des surfaces étendues. De plus, il peut contaminer des mauvaises herbes comme le datura, la morelle, ou des cucurbitacées sauvages. Il faut donc bien désherber, en plus de se protéger contre l’insecte vecteur » conclut Cécile Desbiez. D’autre part, Thierry Candresse (1) a participé à une étude de risques commanditée par l’EFSA sur ce virus, qui est classé organisme de quarantaine . Le fait que ce virus soit réglementé implique qu’un plan de surveillance sera mis en place pour les prochaines plantations.

(1) UMR Biologie du Fruit et Pathologie, centre INRAE Nouvelle Aquitaine-Bordeaux

E-phytia guide le diagnostic des maladies des plantes

Le portail e-phytia, développé à INRAE Bordeaux a publié une fiche synthétisant les données disponibles sur le diagnostic et la lutte contre le ToBRFV :

en savoir plus

Sources

Rapport de l’Anses >

(1) 13,9 kg de tomates consommés en moyenne par ménage et par an selon Kantar World Panel (moyenne 2012-2014, le ménage étant entendu selon la défintion de l'Insee , soit 2,3 personnes).

Nicole LadetRédactrice

Contacts

Eric VerdinContact scientifiqueUnité de recherche Pathologie végétale

Le centre

Le département

En savoir plus

Agroécologie

Parution : Biocontrôle - éléments pour une protection agroécologique des cultures

COMMUNIQUE DE PRESSE - Le monde agricole se trouve face à un grand défi : produire suffisamment pour nourrir une population grandissante tout en réduisant son empreinte environnementale. La réduction de l’utilisation des pesticides de synthèse est indispensable mais pas sans conséquences pour les filières agricoles qui ont besoin d’alternatives pour rester performantes. Parmi ces alternatives, le biocontrôle est l’une des plus prometteuses et occupe une place centrale dans la recherche et le développement. L’ouvrage « Biocontrôle : Eléments pour une protection agroécologique des cultures » paru aux éditions Quaé le 27 février, coordonné par des chercheurs INRAE, en présente un panorama exhaustif et en explique les fondements théoriques et les applications pratiques.

28 février 2020

Agroécologie

Loup Rimbaud : des mathématiques à la biologie pour étudier les maladies des plantes

C’est au sein de l’unité Pathologie Végétale à Avignon que Loup Rimbaud exerce son métier de chercheur. Récemment recruté, l’ingénieur agronome de formation, passionné de biologie et de mathématiques, étudie les maladies des plantes cultivées causées par les virus. Il souhaite inscrire ses recherches dans un contexte proche du terrain, auprès des agriculteurs, afin de développer des collaborations avec les professionnels de la filière pour produire de manière plus efficace et durable. Portait de Loup Rimbaud, jeune chercheur…

29 janvier 2020