Agroécologie Temps de lecture 8 min
Les 30 ans du LEPSE. Hommage à la carrière de Francois Tardieu, pionner mondial du phénotypage
COMMUNIQUÉ DE PRESSE RÉGIONAL- Donner à l’agronomie des moyens pour que les plantes actuellement cultivées continuent à produire malgré le dérèglement climatique et les restrictions d’irrigation, tel est le défi relevé par Francois Tardieu depuis la création du Lepse et de ses plate-formes de haute technologie. A l’occasion de la célébration des 30 ans du laboratoire, la communauté scientifique internationale des écophysiologistes s’est donné rendez-vous à Montpellier le 21 novembre 2023 pour des journées de rencontres et d’échange, dont une séquence spécifique « A tribute to Francois Tardieu ».
Publié le 22 novembre 2023

INRAE a rendu hommage à la carrière scientifique de François Tardieu le 21 novembre 2023, avec des interventions de scientifiques de renom d’Australie, Etats Unis, Grande Bretagne et d’autres pays.
Des plantes capables de survivre et de se reproduire en conditions hostiles
Directeur de recherche émérite à lNRAE, François Tardieu a consacré sa carrière à l’adaptation des plantes au déficit hydrique et aux températures élevées. Il a montré que cette adaptation ne peut pas se raisonner en termes de ‘résistance’, où il suffirait de transformer quelques gènes pour que les plantes résistent, comme pour un herbicide ou une maladie.
En fait, les plantes cultivées ‘savent déjà faire’ : elles ne meurent qu’exceptionnellement au champ, passent au travers de canicules et reprennent leur croissance une heure après avoir montré des symptômes de stress qui sembleraient délétères à première vue. Les réactions au stress ne sont pas des ‘souffrances’, elles favorisent la survie et la reproduction. Par exemple, l’enroulement des feuilles limite la transpiration et la température foliaire. Une plante qui produit peu de grains viables en situation de sécheresse a plus de chances d’avoir une descendance que celle produisant beaucoup de grains non viables à cause d’une forte demande en sucres.
Mais, en agriculture, nous demandons aux plantes de produire - beaucoup - pas seulement de se reproduire. Exactement l’opposé de l’évolution.
Un parcours dédié à l’analyse du comportement des plantes soumises à des contraintes environnementales
La carrière de François Tardieu a d’abord été consacrée aux adaptations physiologiques, comme la régulation de l’ouverture des stomates* [1]et celle de la croissance des feuilles. Loin de subir le stress, les plantes anticipent, grâce à des signaux chimiques et hydrauliques. Il s’agit d’une optimisations bénéfice - risque entre la photosynthèse et la transpiration.
Il s’est ensuite consacré au rendement en conditions de changement climatique, en exploitant la diversité génétique naturelle. Il s’agit là aussi d’une optimisation : on sait obtenir des rendements élevés ; on sait aussi créer des plantes pour les sécheresses et les températures élevées. Mais ce ne sont pas les mêmes caractères sélectionnés pour le rendement et la résilience des plantesa. Il s’est alors consacré à la mise au point de combinaison adaptées aux scenarios climatiques les plus fréquents dans une régionb : il faut proposer aux agriculteurs des variétés performantes pour les meilleurs champs, plus résilientes pour les autres.
Ces approches nécessitent un grand nombre de plantes dans beaucoup de conditions. Ceci a été permis par le développement du phénotypage, dont Francois Tardieu a été un pionnier mondial. Les mêmes plantes sont suivies dans des plateformes en serre (plus de 2000 plantes) et des champs équipés de caméras portées par des dronec. De là, on peut estimer la réaction de milliers de variétés dans des milliers de champsb.
Trois publications récentes, référencées dans le texte
aWelcker et al 2022 Nature Communication, https://doi.org/10.1038/s41467-022-30872-w
bMillet et al 2019 Nature Genetics, https://doi.org/10.1038/s41588-019-0414-y
cBouidghaghen et al 2023 Nature communication https://doi.org/10.1038/s41467-023-42298-z
Mini CV
- 1984 Doctorat , Institut National Agronomique Paris Grignon, (INAPG) Agronomy
- 1994- 2002 Directeur du LEPSE
- 2001 Prix de la Soil Science Society of America
- 2012-2021 Directeur de l’infrastructure nationale de Phenotypage
- 2014 Lauriers d'excellence INRA pour l’ensemble de sa carrière
- 2016 Médaille d’or de l’Académie d’Agriculture
- 2022 Directeur de recherche émérite INRAE
[1] (trous microscopiques dans les feuilles qui permettent l’entrée de gaz carbonique au prix d’une transpiration élevée)