Alimentation, santé globale 2 min

Microbiote, la révolution intestinale - Bien nourrir son microbiote

DOSSIER DE PRESSE - Voici l’un des paradoxes de nos sociétés modernes : jamais dans l’Histoire, il n’a été aussi facile de se nourrir. Jamais nous n’avons eu à portée de fourchette une telle abondance d’aliments. Et pourtant, les nutritionnistes ne cessent de nous alerter sur nos mauvaises habitudes alimentaires. Les régimes trop riches en graisses et en sucres, trop pauvres en fibres ont augmenté l’incidence de maladies telles que le diabète, l’obésité, ou les maladies inflammatoires de l’intestin. Or, les chercheurs observent à quel point notre microbiote intestinal souffre d’une alimentation déséquilibrée et perd ses pouvoirs protecteurs. Une bonne alimentation, riche en fibres issues d’aliments variés, contribue à la diversité et à la richesse des populations bactériennes, à l’équilibre de leur écosystème, et donc, à notre santé.

Publié le 30 novembre 2017

illustration Microbiote, la révolution intestinale - Bien nourrir son microbiote
© INRAE

Les fibres : fuel du microbiote

Les fibres, ces longues chaînes polysaccharidiques que l’on trouve en abondance dans les légumes frais ou secs, les fruits et les céréales, sont le fuel du microbiote. Nos bactéries commensales forment une chaîne de dégradation et fermentation des fibres où chaque espèce, avec ses enzymes propres, a son rôle et sa place. Chacune découpe les fibres en morceaux de plus en plus petits. Lorsque notre régime alimentaire réduit l’apport en fibres, c’est cette chaîne et cette diversité bactérienne qui en pâtissent. Des chercheurs de l’Inra ont montré que plus l’apport en fibres est grand et plus la diversité et le nombre d’espèces de bactéries sont importants. Le microbiote en est d’autant plus stable et équilibré. Plus encore : la dégradation des fibres produit des acides gras à courte chaîne (AGCC) qui ont des effets protecteurs sur notre santé. Au niveau de l’intestin, ces molécules permettent, entre autres, de réguler les processus inflammatoires. De plus, elles stimulent la production de glucose par l’intestin, glucose qui donne une sensation de satiété et limite la prise alimentaire. En outre, les AGCC sont capables d’inhiber la prolifération des cellules cancéreuses dans le côlon. Autant de raisons pour chouchouter son microbiote.

Où sont dégradées les fibres alimentaires ?

La dégradation des fibres alimentaires (et notamment des polysaccharides complexes) est une fonction majeure de notre microbiote intestinal, que l’on situait jusqu’à présent uniquement dans le côlon. Or, grâce à des approches de métagénomique, des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec le CNRS, ont révélé la présence d’une activité fibrolytique au niveau de l’intestin grêle, plus précisément dans l’iléon. Ces résultats conduisent à reconsidérer cette fonction de dégradation des fibres alimentaires et son impact sur la santé humaine.

Modaltub et le destin d’une pomme

Que se passe-t-il lorsque vous croquez une pomme ? Eh bien, vous déclenchez un processus extrêmement sophistiqué de déconstruction de l’aliment. De la mastication à la fermentation dans l’intestin, ses composants, fibres, protéines, parois cellulaires, sont brisés de façon à ce que les nutriments puissent passer dans le torrent sanguin et que les déchets soient évacués. Le projet Modaltub de l’Inra s’est donné pour but d’étudier les opérations de cette déconstruction des aliments à l’aide de digesteurs artificiels et de modèles mathématiques qui simulent ce qui se passe dans chaque compartiment du système digestif. Déjà, les chercheurs sont parvenus à imiter la bouche, l’estomac et l’intestin grêle. À présent, ils veulent s’attaquer au côlon et créer un microbiote artificiel. Ainsi, ils pourront mimer la digestion en faisant varier des paramètres clés comme le pH ou le potentiel redox. En outre, ils pourront étudier le devenir et l’assimilation des aliments en fonction de leur structure initiale. L’idée à terme est d’utiliser ces informations pour créer des simulations informatiques du processus digestif.

Obésité : la part des microbes

Qu’est-ce qu’un « bon » microbiote intestinal ? D’un point de vue évolutif, c’est celui qui nous permet de récupérer au mieux l’énergie des aliments. Mais lorsque notre balance énergétique est trop déséquilibrée du fait d’une alimentation trop riche en sucres et en graisses, le microbiote ne parvient plus à réguler cet afflux d’énergie. Perturbé, il participe alors au maintien de ce déséquilibre. Notre corps réagit en stockant trop de gras dans ses cellules adipeuses. En comparant le microbiote de personnes obèses avec celui de personnes en bonne santé, les chercheurs ont observé d’importantes différences : les personnes obèses les plus en souffrance présentent une forte perturbation de la diversité et de la richesse bactériennes dans leur intestin. Leur microbiote perdra lors ses fonctions protectrices. Bien qu’elles ne soient pas les seules responsables de l’obésité, certaines espèces bactériennes jouent très probablement un rôle dans la prise de poids et les processus d’inflammation associés. Les chercheurs veulent caractériser ces bactéries, analyser leur génome et mieux comprendre leurs fonctions afin de lutter contre cette épidémie.

Quand l'intestin s'irrite et le fait savoir

Coupe de la muqueuse intestinale
Vue en coupe d’un épithélium intestinal en bas avec des cryptes colorées en bleu. L’épithélium est surmonté de la couche de mucus (blanc et bleu clair) et du microbiote colique (partie supérieure) dans lequel on distingue des fibres végétales (en vert). © Jasper Kamphuis, INRAE

Douleurs abdominales ? Constipation ? Diarrhées ? Peut-être faites-vous partie de ces 10 à 20 % de la population française qui souffrent du syndrome de l’intestin irritable, affection aux causes multiples et encore mal identifiées qui peut rendre la vie quotidienne assez pénible. Pour mieux comprendre ce syndrome, les chercheurs auscultent le microbiote. Une équipe de l’Inra a montré que les patients présentaient de sérieux déséquilibres du microbiote intestinal. Résultat : pour un même aliment, une personne à l’intestin irritable produit moins de butyrate, un acide gras aux effets protecteurs, et plus d’hydrogène et de sulfures qui peuvent être à l’origine de douleurs abdominales. Ces recherches ont débouché sur une nouvelle piste de traitement : il s‘agit d’une bactérie présente dans l’intestin capable de réduire la production de gaz et de sulfures. Des expériences sur la souris et chez l’homme ont montré que l’administration de cette bactérie permet de rétablir des flux normaux de métabolites et de réduire les symptômes.

Que faire de tant de protéines ?

Notre société est friande de protéines : la population française en consomme en moyenne 1,7 fois plus que ce qui est recommandé. À l’inverse, on recommande une consommation de protéines encore plus importante pour certains individus comme les athlètes en quête de performances ou les personnes âgées qui luttent contre la perte de masse musculaire. Enfin, les régimes amincissants hyperprotéinés restent en vogue, malgré les mises en garde répétées. Mais alors, quel est l’impact sur l’intestin de cette consommation de protéines au-delà des besoins ? C’est la question que se sont posés des chercheurs de l’Inra. Ils ont montré qu’une partie des protéines en excès n'est pas digérée ni assimilée. Lorsqu’elles passent par le côlon, elles sont dégradées par les bactéries du microbiote. Or, cette dégradation produit des molécules (telles que le sulfure d’hydrogène et le p-cresol) qui sont toxiques pour les cellules de la muqueuse intestinale et peuvent même modifier leur ADN. Ces composés, en passant dans la circulation sanguine, peuvent aussi avoir un impact négatif sur certains organes tels que le rein. À partir de ces travaux, les chercheurs espèrent pouvoir affiner les recommandations alimentaires pour certaines populations afin que les bénéfices d’un régime riche en protéines restent supérieurs aux risques.