illustration Carole Caranta, stratège sereine
© INRAE, B. Nicolas

Agroécologie 6 min

Carole Caranta, stratège sereine

A compter du 1er avril 2021, Carole Caranta sera directrice générale déléguée d’INRAE pour la Science et l'Innovation. Son parcours reflète son investissement dans des fonctions clés pour la stratégie scientifique et partenariale de l’institut. Chercheuse en biologie et amélioration des plantes, elle a assuré durant deux mandats le pilotage et l’animation scientifique de ce département de recherche. Son itinéraire mêle passion pour la science et ouverture aux autres, à l’équilibre entre recherche fondamentale, finalisée et partenariat socio-économique.

Publié le 22 mai 2019 (mis à jour : 30 mars 2021)


Donner un nouveau sens à la recherche

2021 c’est pour INRAE une première année d’existence et le lancement de sa stratégie à horizon 2030. Pour Carole Caranta, c’est le début d’un nouveau mandat : elle devient Directrice générale déléguée d’INRAE pour la science et l’innovation. Ayant été adjointe à cette fonction depuis janvier 2020, Carole est déjà « sur le terrain » pour déployer les plans de mise en œuvre de la stratégie 2030. Rencontrée au terme d’une des 4 journées de présentation et d’échanges avec les directeurs d’unités sur la stratégie INRAE 2030, elle regrette que la crise sanitaire retarde les échanges directs « in situ », sans impacter cependant l’avancement du déploiement. Elle a ainsi à cœur d’échanger avec tous les niveaux de la « matrice » d’organisation d’INRAE : unités, départements, directions scientifiques et centres. Attachée au travail d’équipe, à la mobilisation de l’intelligence collective, à la concertation et au dialogue dans le respect mutuel, elle entend favoriser un management participatif mais aussi de coordination, se traduisant par des actions concrètes et suivies dans le temps.

« Il s’agit d’accompagner et soutenir le nouveau sens donné à la recherche » explique-t-elle. Les défis au croisement de l’alimentation, de l’agriculture et de l’environnement sur lesquels travaille INRAE nécessitent de nouvelles approches pour aborder des questions complexes que nous devons bâtir en s’appuyant sur la force des disciplines mais aussi sur l’inter et la transdisciplinarité. Carole connaît son sujet : elle a coordonné en 2020 la finalisation des 6 ateliers de réflexion prospectives menées à l’échelle de l’institut pour anticiper les besoins de recherche et la mise en place des métaprogrammes de 2nde génération destinés à développer l’interdisciplinarité et à construire de nouvelles communautés de recherche. Plusieurs autres chantiers s’inscrivent dans cette dynamique, explique-t-elle : la poursuite de l’engagement dans l’ouverture de la science et des données, les services et la compétitivité de nos infrastructures de recherche et e-infrastructures, mais aussi la recherche partenariale avec une diversité d’acteurs et l’innovation ouverte, ainsi qu’un engagement accru dans les sites universitaires et les partenariats européens et internationaux. « La dimension de responsabilité sociale et environnementale de nos pratiques de recherche est également déterminante en articulation des problématiques scientifiques liées aux enjeux du développement durable » précise Carole Caranta.

Retour sur son parcours, du labo aux chantiers scientifiques stratégiques, à l’interface avec l’innovation et le partenariat…


Le virus de la recherche

Faire avec envie et passion, laisser la place aux ouvertures

Carole Caranta avait précédemment exercé deux mandats de cheffe du département Biologie et amélioration des plantes (BAP), dirigé pendant 5 ans l’Institut Carnot Plant2Pro, instrument phare du partenariat socio-économique pour des production végétales au service de la transition agro-écologique, et piloté une prospective scientifique interdisciplinaire sur les approches prédictives en biologie et écologie. Qu’est-ce qui l’a guidée jusque-là ? Ni l’accomplissement d’un rêve d’enfant, ni le calcul d’un plan carrière assure-t-elle. « Je suis quelqu’un d’enthousiaste : je veux faire avec envie et passion, sans me projeter, pour laisser la place aux ouvertures ». Le virus de la recherche, elle l’attrape lors d’un premier stage, l’été de son Deug1, à l’Inra d’Avignon. Elle enchaîne ensuite les stages dans différents labos de l’Inra et y réalise sa thèse. Ses recherches portent sur la génétique et l’étude des résistances aux maladies chez le poivron et la tomate. Puis, avec son équipe, elle découvre un mécanisme moléculaire de résistance des plantes aux virus, conservé au sein du règne végétal. Il permet à la plante d’empêcher le cycle de réplication du virus. Ces résultats leur vaudront une reconnaissance internationale, avant que Carole ne s’implique de plus en plus vers l’animation et la stratégie scientifique et renonce finalement pour cela à la recherche proprement dite. Pour elle, c’est « une évolution rapide, acceptée avec plaisir ». Elle ajoute : « au cours de mon parcours, j’ai eu la chance de rencontrer des enseignants, directeur de thèse, collaborateurs scientifiques, dirigeants de l’Institut extraordinaires qui m’ont beaucoup apporté et fait confiance. Je crois que j’ai su écouter leurs conseils et saisir des opportunités ».


Donner le cap, avec une approche humaine

En 2012, lorsqu’elle accepte la direction du département de Génétique et amélioration des plantes (GAP), elle est chargée d’aboutir la fusion de ce département, historiquement plus centré sur la recherche finalisée articulée à des partenariats socio-économiques, avec le département Biologie végétale (BV), plus restreint en effectif et axé sur la recherche fondamentale. Et elle qui, peu de temps auparavant, ne se projetait pas du tout dans ces fonctions, prendra ensuite la tête du nouveau département. Aujourd’hui, elle apprécie la diversité du département BAP « de la recherche fondamentale d’excellence, reconnue à l’international, à la génétique, l’expérimentation, la gestion de ressources génétiques, la sélection ». 

Faire fonctionner l’intelligence collective

Cette fusion a été enrichissante sur le plan humain : « on ne peut pas faire de la recherche finalisée et des partenariats à fort impact sans un socle très solide de recherche fondamentale ». L’élaboration du schéma stratégique et l’évaluation du département (2013-2014) ont été des moments forts et fédérateurs du collectif du nouveau département. Pour donner le cap, Carole a fait fonctionner l’intelligence collective : « j’ai toujours apprécié l’animation de collectifs, porter des idées, une stratégie, une vision. Il faut s’entourer des meilleures compétences pour les mettre en œuvre. »

Lorsqu’on l’interroge, elle mentionne n’avoir jamais connu de frontière en tant que femme et fait remarquer, amusée, qu’elle était déjà la troisième nommée à la tête du département GAP en 2012… En revanche, elle apprécie la parité atteinte/croissante à INRAE: « les collectifs équilibrés ont gagné en termes de vision ».

L’agroécologie pour des innovations de rupture

Ayant réussi à composer le savant équilibre du nouveau département, Carole a ensuite élargi sa palette avec l’animation de l’Institut Carnot Plant2Pro qui poursuit des objectifs très larges : génétique, amélioration des plantes et biotechnologies ; mais aussi santé des plantes avec un focus sur le biocontrôle ; et enfin agronomie, systèmes de cultures innovants, et agriculture numérique. Pour cela, 16 unités de recherche Inra de 3 départements sont impliqués aux côtés de 3 Instituts techniques.

Nous amenons nos chercheurs vers ce secteur par l’animation scientifique

La génétique reste un domaine très compétitif où des fonds privés importants sont investis, sans commune mesure avec les moyens d’INRAE, par exemple en sélection génomique. Mais, explique Carole « nos recherches se positionnent en complémentarité et en interaction par rapport à la recherche du secteur privé ». Par exemple, la recherche de nouveaux caractères pour les variétés de demain qui devront s'insérer dans des systèmes de culture répondant aux approches de l’agroécologie oblige à s’aventurer vers de nouvelles recherches et de nouveaux fronts de science. Elle vise à sélectionner des plantes mieux adaptées à des systèmes de culture innovants, mieux à même d’utiliser le microbiote du sol, ou encore s’intéresse aux plantes « de service ». « Or, les industriels n’investiraient pas seuls dans ces domaines, trop risqués pour eux mais à fort enjeu sociétal » déclare Carole. « Nous amenons nos chercheurs vers ce secteur par du soutien incitatif, de l’animation scientifique et des projets collaboratifs avec les partenaires ».  Les recherches participatives peuvent être une autre source d’innovation.

Elle passera prochainement le relai pour le pilotage de Plant2Pro et assurera la présidence du consortium PlantAlliance, consortium publi-privé ayant pour ambition de soutenir la contribution de la génétique végétale, dans toutes ses dimensions, à la conception de systèmes de cultures innovants contribuant à la transition de l’agriculture. Une façon de garder un lien avec son domaine de recherche et de poursuivre son engagement dans les partenariats avec les acteurs socio-économiques .

L’équilibre d’une femme en sciences

Impliquée sur tous ces fronts, Carole donne les clés de son équilibre : « J’ai cette capacité à prendre du recul sur les choses, qui est déterminante pour ces métiers ». Elle apprécie le temps passé avec sa famille, nombreuse et recomposée, ses amis, et aime les voyages et le sport. Elle s’applique à mettre son énergie sur des priorités même si ce n’est pas toujours facile, « sinon on bosse jour et nuit ». Pour cela, elle travaille avec une équipe de proximité en confiance totale : « j’aime assez déléguer et crois savoir m’entourer ».

Note 1 : Deug : diplôme d’enseignement universitaire général (Bac +2)

 

Nicole LadetRédactrice

Contacts

Carole CarantaDirectrice générale déléguée Science et Innovation (à compter du 1er avril 2021)