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Le séquençage de deux guêpes parasitoïdes éclaire l’évolution des ichnovirus, leurs compagnons d’armes

Des chercheurs d’INRAE ont séquencé le génome de deux espèces de guêpes ichneumonides, des parasitoïdes partageant pacifiquement leur génome avec des ichnovirus, un genre de virus leur permettant de leurrer leur hôte et d’en prendre le contrôle de l’intérieur. L’étude, publiée dans la revue BMC Biology, lève le voile sur l’évolution de cette singulière symbiose à l’échelle d’un génome.

Publié le 16 août 2021

illustration Le séquençage de deux guêpes parasitoïdes éclaire l’évolution des ichnovirus, leurs compagnons d’armes
© INRAE, Marie FRAYSSINET

L’artisan méconnu du succès des guêpes ichneumonides

Un scénario digne d’Alien ! Après avoir transpercé de leur oviscapte un insecte, les guêpes ichneumonides, des parasitoïdes, pondent dans le corps de l’infortuné. Une fois déposés à l’intérieur de l’hôte, les intrus sont confrontés jusqu’à leur maturité aux défenses immunitaires et aux fluctuations métaboliques de cet environnement vivant. Pour assurer leur réussite parasitaire, les guêpes ichneumonides ont recours à des particules pseudovirales assemblées dans les ovaires, puis introduites pendant la ponte dans l’insecte parasité. Les gènes de virulence contenus dans ces structures permettent au parasitoïde de manipuler finement la physiologie de l’hôte à son avantage.

Ces particules pseudovirales providentielles sont produites par les ichnovirus, des polydnavirus « domestiqués » logeant dans le génome des guêpes ichneumonides. Pour comprendre comment l’infection d’une guêpe par un polydnavirus ancêtre a conduit aux ichnovirus actuels, il faut déjà localiser les séquences virales dans le génome des guêpes ichneumonides. C’est désormais chose faite : en séquençant deux espèces de guêpes ichneumonides, Hyposoter didymator et Campoletis sonorensis, des chercheurs d’INRAE ont fait la lumière sur l’étonnante symbiose entre ichnovirus et guêpes ichneumonides. Le fruit de ces travaux a été publié dans un article, paru le 24 juillet 2020 dans la revue BMC Biology.

Les ichnovirus, entre universalité et sur mesure

Premier résultat surprenant : la très grande dispersion des portions de génome viral. Pour l’espèce Hyposoter didymator, 60 fragments distincts de génome viral ont été identifiés dans tout le génome, contre 40 fragments chez Campoletis sonorensis, parfois séparés par de larges segments de séquences de guêpe. Un émiettement qui suggère de profonds remaniements de la séquence virale ancestrale, et un système complexe de régulation de l’activité des gènes viraux.

Le deuxième résultat remarquable provient de la comparaison des séquences virales entre les deux espèces proches H. didymator et C. sonorensis, qui montre une dualité marquée entre deux composants du génome viral : d’une part, des gènes de réplication très conservés qui constituent le cœur de la machinerie virale, et permettent la production des particules pseudovirales. D’autre part, des séquences qui contiennent les gènes de virulence utilisés contre l’hôte du parasitoïde et nécessaires au succès parasitaire, qui ont évolué indépendamment chez les deux espèces de guêpes, probablement de façon corrélée à la gamme d’espèces victimes de chaque parasitoïde. 

Le décryptage des génomes de H. didymator et C. sonorensis permet donc de mieux comprendre la clé du succès planétaire des guêpes parasitoïdes ichneumonides : les ichnovirus, stables dans leur capacité à produire des particules pseudovirales, mais capables de s’adapter au parasitisme de nouveaux insectes par leur frère d’armes parasitoïde.

Référence :
Legeai, F., Santos, B.F., Robin, S., et al. (2021). Genomic architecture of endogenous ichnoviruses reveals distinct evolutionary pathways leading to virus domestication in parasitic wasps. BMC Biology, 18, 89. https://doi.org/10.1186/s12915-020-00822-3 

 

François MALLORDYRédacteur

Contacts

Anne-Nathalie VOLKOFF ChercheuseDiversité, Génomes et Interactions Microorganismes-Insectes (DGIMI)

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