Changement climatique et risques 3 min

Les plantes seraient capables d’absorber plus d’émissions humaines de CO2 que prévu

COMMUNIQUE DE PRESSE PILOTÉ PAR LA WESTERN SYDNEY UNIVERSITY - INRAE a participé à une étude internationale menée par le Dr Jürgen Knauer de Hawkesbury de l’Institute for the Environment de la Western Sydney University (Australie), parue le 17 novembre 2023 dans Science Advances, qui brosse un tableau étonnamment optimiste pour la planète. En effet, une modélisation écologique plus réaliste suggère que les plantes seraient capables de capter davantage du CO2 rejeté par l’activité humaine dans l’atmosphère qu’attendu.

Publié le 20 novembre 2023

illustration Les plantes seraient capables d’absorber plus d’émissions humaines de CO2 que prévu
© INRAE - Christophe Maître

Malgré ce constat phare, les chercheurs en sciences environnementales à l’origine de ces travaux soulignent qu’il ne donne en rien aux gouvernements carte blanche pour lever le pied et se détourner de leur obligation de réduire au plus vite les émissions de carbone. Planter davantage d’arbres et préserver la végétation existante n’est pas une solution miracle, même si l’étude met l’accent sur les multiples bénéfices de ce type de démarche.

«Les plantes absorbent chaque année un volume conséquent de dioxyde de carbone (CO2), ce qui freine les effets néfastes du changement climatique. Pour autant, l’étendue et la persistance de ce phénomène dans les années à venir demeurent incertaines», explique Jürgen Knauer, responsable de l’équipe de recherche pilotée par le Hawkesbury Institute for the Environment à Sydney.

«Ce que nous avons découvert, c’est qu’un modèle climatique bien établi, dont dérivent les prévisions à l’échelle mondiale d’organismes comme le GIEC, projette une croissance soutenue de cette absorption jusqu’à la fin du XXIe siècle dès lors qu’il prend en compte l’effet de certains processus physiologiques critiques propres à la photosynthèse chez les plantes. »

La photosynthèse désigne le processus par lequel les plantes utilisent l’énergie solaire pour transformer le CO2 en sucres pour leur croissance et leur métabolisme. Ce phénomène naturel, appelé «fixation» du carbone, contribue à atténuer les effets du changement climatique, dans la mesure où il réduit la quantité de carbone dans l’atmosphère, en absorbant une partie issue des énergies fossiles. Les plantes et les écosystèmes stockent ce carbone en partie à long terme, par exemple dans le bois des arbres en croissance et par la décomposition lente de la matière organique dans les sols. Ainsi, l’absorption accrue de CO2 par les plantes peut conduire à une augmentation du puits de carbone terrestre, comme le montrent plusieurs études scientifiques ces dernières décennies.

Dans cette nouvelle étude, Jürgen Knauer et ses collègues présentent cependant les résultats d’un travail de modélisation fondé sur un scénario climatique à hautes émissions, conçu pour évaluer l’effet du changement climatique mondial sur la fixation du carbone par la végétation jusqu’à la fin du XXIe siècle.

«Nous avons intégré des aspects tels que l’efficacité du déplacement du dioxyde de carbone à l’intérieur de la feuille, la façon dont les plantes s’adaptent aux changements de température et dont elles distribuent le plus économiquement possibles les éléments nutritifs dans leur couvert. Ces 3 mécanismes très importants, qui influent sur la capacité d’une plante à “fixer” le carbone, sont pourtant habituellement exclus de la plupart des modèles mondiaux», explique Jürgen Knauer.

Les auteurs ont testé différentes versions du modèle, en modulant sa complexité et le réalisme des processus physiologiques végétaux pris en compte, la variante la plus simple faisant abstraction des 3 mécanismes critiques associés à la photosynthèse, et la plus complexe les intégrant tous les 3.

Les résultats sont clairs : les modèles plus complexes, plus fidèles à notre compréhension actuelle de la physiologie végétale, prévoient invariablement une augmentation plus soutenue de l’absorption du carbone par les plantes à l’échelle du globe. En outre, les processus pris en compte se renforcent mutuellement. Combinés, leurs effets sont d’autant plus forts, un scénario par ailleurs conforme à la situation réelle.

Il n’est cependant pas garanti que cet effet bénéfique du changement climatique sur l’absorption du carbone par la végétation se poursuive dans la durée. La façon dont la végétation réagira à des concentrations de CO2, des températures et des variations de pluviométrie largement différentes de celles qu’on observe aujourd’hui reste méconnue. Certains scientifiques ont par exemple émis l’hypothèse que les changements climatiques extrêmes tels que les sécheresses graves ou la canicule pourraient considérablement affaiblir la capacité des écosystèmes terrestres à absorber le carbone.

Matthias Cuntz, directeur de recherche à l’INRAE Nancy, et Ben Smith, directeur scientifique de la Hawkesbury Institute for the Environment, étaient contributeurs de l’étude. Ils commentent à la pertinence plus large des résultats :

« Notre compréhension des principaux processus de réponse du cycle du carbone, tels que la photosynthèse, a progressé de manière spectaculaire ces dernières années. Il faut toujours un certain temps pour que les nouvelles connaissances soient intégrées dans les modèles sophistiqués sur lesquels nous nous appuyons pour informer la politique en matière de climat et d'émissions. Notre étude démontre qu'une prise en compte plus complète des dernières avancées scientifiques dans ces modèles peut conduire à des prévisions sensiblement différentes. Nos résultats auront probablement un impact, car ils inciteront d'autres équipes à mettre à jour leurs modèles afin de vérifier si la tendance que nous observons vers un puits terrestre futur plus important est reproduite par d'autres modèles. Ce n'est que lorsqu'un ensemble représentatif de modèles mondiaux s'accorde sur une tendance clé que nous pouvons nous appuyer sur cette tendance pour orienter la politique.

Ce type de prévisions a des implications pour les solutions basées sur la nature, telles que la revégétalisation, en tant qu'outil parmi un portefeuille d'approches qui seront nécessaires pour atteindre le niveau zéro. Nos résultats suggèrent que ces approches pourraient avoir un impact plus important sur l'atténuation du changement climatique et sur une période plus longue que ce que nous pensions auparavant.. »

Référence

Knauer J., Cuntz M., Smith B. et al. (2023). Higher global gross primary productivity under future climate with more advanced representations of photosynthesis. Sci. Adv., 46 (9),eadh9444(2023). DOI:10.1126/sciadv.adh9444

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