Biodiversité 4 min

La métamorphose, un confinement biologique pendant lequel le charançon des céréales prépare une nouvelle vie avec sa bactérie endosymbiotique

Des chercheurs de l’unité Biologie Fonctionnelle, Insectes et Interactions (INRAE/INSA de Lyon) ont montré dans une étude publiée dans la revue PNAS comment des insectes holométaboles, c’est-à-dire se transformant complètement à la métamorphose, réussissent à conserver leurs bactéries symbiotiques en passant du stade larvaire au stade adulte. Non seulement l’insecte conserve ses bactéries bénéfiques suite aux réarrangements tissulaires opérant pendant la métamorphose, mais il en « profite » pour les relocaliser, optimisant ainsi leurs apports au stade adulte.

Publié le 03 février 2021

illustration La métamorphose, un confinement biologique pendant lequel le charançon des céréales prépare une nouvelle vie avec sa bactérie endosymbiotique
© INRAE, BF2I

Une symbiose bactérienne maintenue et amplifiée après la métamorphose

Des chercheurs de l’unité Biologie Fonctionnelle, Insectes et Interactions (BF2I) de Lyon ont découvert comment des insectes, tels que les charançons, qui se métamorphosent de larve en adulte conservent et réutilisent favorablement leurs bactéries symbiotiques pour leur développement. Les résultats de leur étude montrent que cette réorganisation morphologique et spatiale de la symbiose à la métamorphose repose sur un dialogue moléculaire complexe entre les bactéries et l’insecte, et sur un changement comportemental et physiologique des deux partenaires associés. 

Les charançons des céréales vivent en symbiose avec des bactéries mutualistes intracellulaires qui complémentent leur alimentation en vitamines et acides aminés. Les bactéries sont confinées dans des cellules spécialisées, les bactériocytes, elles-mêmes regroupées en un organe, le bactériome. L’équipe de recherche lyonnaise a montré que la quantité de bactéries est ajustée en fonction des besoins physiologiques de l’insecte. Ainsi, lors de la première semaine de vie adulte, le charançon doit achever rapidement la construction de sa carapace (la cuticule) et a besoin d’une grande quantité d’acides aminés aromatiques. Pendant cette période critique, l’équipe lyonnaise a montré que la quantité de bactéries augmente drastiquement, puis décline quand la cuticule est achevée. 

Des bactériocytes qui migrent et des bactéries qui infectent de nouvelles cellules

Les chercheurs ont suivi par des techniques d’imagerie ce que devenaient les bactéries et les cellules hôtes qui les hébergent pendant la métamorphose. Ils ont montré que le bactériome se désagrège à la métamorphose, et que les cellules bactériocytaires migrent le long de l’intestin, où elles forment de petits groupes positionnés à intervalles réguliers. Au niveau de ces groupes de cellules, les chercheurs ont observé que les bactéries symbiotiques, habituellement strictement intracellulaires, acquéraient la capacité d’infecter des cellules souches voisines, et même de pénétrer dans leurs noyaux. Ceci leur permettrait d’induire la différentiation de ces cellules de l’hôte en nouveaux bactériocytes. Ce comportement infectieux des bactéries symbiotiques leur permet alors de multiplier leurs « cellules d’accueil », et par conséquent d’accroître leur population dès les premiers jours de vie adulte. 

Grâce à une analyse transcriptomique au cours de la métamorphose, les chercheurs ont révélé une forte induction de gènes de l’insecte pouvant être impliqués dans le processus de migration des bactériocytes, et montré que les bactéries « répondaient » à la métamorphose de leur hôte en augmentant temporairement l’expression de gènes impliqués dans les processus infectieux. Ainsi, chez le charançon, les bactéries participent à la réorganisation morphologique et spatiale des organes dédiés à la symbiose, au moment de la métamorphose.

Contrôler l’insecte ravageur en ciblant sa bactérie symbiotique

Le charançon est un important ravageur de cultures. En terme de protection des plantes et des stocks céréaliers, la compréhension des interactions entre le charançon des céréales et sa bactérie symbiotique à cette étape critique de son développement permet d’envisager de cibler spécifiquement ce processus de « réinstallation » symbiotique. Ces résultats de recherche ouvrent de nouvelles perspectives de lutte contre ces insectes ravageurs en ciblant la symbiose entre l’insecte et sa bactérie. Cela pourrait aboutir à un contrôle de ce ravageur tout en limitant les « dommages collatéraux » aux autres insectes, en alternative aux pesticides conventionnels actuellement utilisés.

En terme de santé globale, cet exemple permet de questionner non seulement l’impact du développement de l’hôte sur son microbiote, mais aussi inversement l’impact du microbiote sur le développement de l’hôte. Cela fait écho à des études sur les mammifères suggérant que non seulement les hormones sexuelles émises à la puberté influent sur le microbiote de l’adolescent, mais aussi que le microbiote lui-même influe sur la production de ces hormones. 
 

Référence : 
Spatial and morphological reorganization of endosymbiosis during metamorphosis accommodates adult metabolic requirements in a weevil. Maire J, Parisot N, Galvao Ferrarini M, Vallier A, Gillet B, Hughes S, Balmand S, Vincent-Monégat C, Zaidman-Rémy A, Heddi A. Proc Natl Acad Sci U S A. 2020 Aug 11;117(32):19347-19358.
doi: 10.1073/pnas.2007151117

 

Abdelaziz HEDDIRédacteur

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Abdelaziz HEDDI ChercheurBiologie Fonctionnelle, Insectes et Interactions (BF2I)

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