Bioéconomie 7 min

L'eau, de votre douche à la nature

PODCAST - Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passait après votre douche… pour l’eau que vous utilisez ? Où partent nos eaux usées ? Comment l’eau qui sort de chez nous est-elle nettoyée pour être restituée à l’environnement ?
Dans cet épisode de La Boucle est Bouclée, Laure et Charlotte suivent le chemin de ces eaux usées, à travers les stations d’épuration et les filtres plantés de roseaux, avec Stéphanie Prost Boucle, ingénieure d’étude en traitement des eaux usées adapté aux petites collectivités à INRAE. Découvrez le travail des scientifiques, qui vous permet de vous doucher l’esprit tranquille et réserve quelques surprises !

Publié le 05 août 2021

illustration L'eau, de votre douche à la nature
© INRAE

Que se passe-t-il après votre douche pour l’eau que vous avez utilisée, et salie pour vous nettoyer ? Personne ne veut vraiment savoir où vont les eaux usées. L'eau est pourtant une ressource indispensable et précieuse. 

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Les égouts datent du 3ème millénaire avant Jésus-Christ. Des ruines dans l’actuel Pakistan et en Grèce ont dévoilées des systèmes complexes, permettant à nos ancêtres d’avoir accès à des salles de bain ! Au Moyen-âge, le développement anarchique des villes a complexifié la mise en place d’égouts souterrains. C’est au 19e siècle qu’on commence à élaborer des systèmes d’assainissements des eaux usées avec le développement des stations d’épuration pour filtrer et traiter l’eau. Et ce n’est qu’au début des années 2000 qu’une directive européenne sur la dépollution des eaux usées a été mise en place.

Et vous allez comprendre pourquoi c’est si important. Vous êtes prêts à plonger ? 

Plongée dans les eaux usées

Que trouve-t-on dans les eaux usées ? Des restes de nourriture, un peu de terre, des cheveux, des petits bouts de plastique, de carton, de la lessive, du savon, des produits d’entretien, du produit vaisselle, de l’aftershave, du shampoing, de la crème solaire, la liste est longue... En provenance du petit coin : des morceaux de papier toilette et de la matière organique, qui contient notamment de l’azote et du phosphore que le corps produit et rejette naturellement. Et également des éléments pathogènes comme des bactéries ou des virus. 

Il y a aussi des choses qu’on ne voit pas à l’œil nu, des molécules microscopiques qui proviennent des médicaments, des cosmétiques et des produits de nettoyage... c’est ce qu’on appelle des micropolluants. Ils peuvent être nocifs pour l’environnement et certains d’entre eux sont très difficiles à extraire de l’eau à cause de leur toute petite taille. Cette eau est récoltée dans les canalisations et emmenée vers les stations d’épuration. Leur rôle ? La dépolluer pour la restituer dans un état acceptable à l’environnement. Pour y arriver, il y a différentes étapes de traitement.

Grâce à ce passage en station d’épuration, on obtient une eau plutôt propre, qui ne va pas causer de dommages au milieu dans lequel on la rejette. Parce que oui, on la restitue à l’environnement, via un ruisseau, une rivière, un fleuve, la mer, l’océan, selon ce qu’il y a à disposition à proximité. Cette eau est nettoyée, mais elle n’est pas pour autant potable. L'eau potable en France provient majoritairement des nappes phréatiques, qui contiennent de base une eau de qualité car filtrée naturellement par des couches de roche pendant des centaines d’années..

Les filtres plantés de roseaux

Le traitement des eaux usées varie beaucoup selon la taille de la ville. En agglomération par exemple, de vraies usines de dépollution sont installées ; les grandes quantités d’eaux usées et la pollution nécessitent un traitement plus important que pour des petites communes.

Sur des communes de moins de 5000 habitants, le traitement est géré par la collectivité. L’exploitation doit être la plus simple possible et consommer peu d’énergie. Les procédés sont équivalents à ceux des plus grandes villes mais les installations sont différentes : on a recours à des filtres plantés de roseaux.

Le principe est simple : « C'est un massif de gravier et de sable planté de roseaux. L'eau est filtrée, et les polluants sont mis en contact avec des bactéries fixées à l'intérieur du massif, qui vont traiter les effluents. On filtre à travers les gravier et on rejette une eau dépolluée par les bactéries », explique Stéphanie Prost-Boucle. Vous ne verrez plus les roseaux de la même manière ! 

Schéma d'un premier étage de filtre planté de roseaux

La réutilisation des eaux usées traitées

Et si on réfléchissait à ce qui arrive à l’eau après les stations d’épuration ? Si, au lieu de rejeter les eaux usées traitées dans la nature, et de repomper ensuite de l’eau, on court-circuitait des étapes et on utilisait directement les eaux usées, pour arroser les champs par exemple ? C’est le principe de la réutilisation des eaux usées, ou REUSE en anglais.

C’est une solution prometteuse pour l’agriculture. Les plantes ont besoin de nutriments, comme l’azote et le phosphore, pour se développer. C’est pour leur fournir ces nutriments qu’on ajoute des engrais, qui peuvent poser des problèmes environnementaux. Et on trouve ces nutriments... dans les matières organiques qui sortent de vos toilettes notamment. Irriguer avec des eaux usées traitées pourrait donc permettre de valoriser les nutriments présents dans ces eaux en tant qu’engrais, tout en économisant les ressources en eau. Cette pratique représente cependant un défi sanitaire majeur. Mais les scientifiques travaillent sur la question, et peut-être que d’ici quelques années, certaines de vos carottes seront arrosées grâce aux nutriments que vous aurez fournis en assouvissant vos besoins naturels.  En milieu urbain, les eaux usées traitées pourraient servir à arroser les espaces verts ou à laver la voirie, ce qui est aujourd’hui fait avec de l’eau potable.

Il est important de réduire notre consommation d’eau car c’est une ressource fragile et de plus en plus rare. Même en France, des tensions autour de son partage se font ressentir en période de sécheresse. D’autre part, plus les polluants sont dilués, plus ils sont difficiles à éliminer en station d’épuration donc utiliser moins d’eau c’est aussi faciliter son traitement. Et pour limiter la quantité de polluants on peut privilégier des produits d’entretien à base végétale plus compatibles avec l'environnement et éviter de jeter les médicaments, lingettes et autres huiles dans nos réseaux d’eaux usées !

 

Charlotte Mermier et Laure Caruso

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Stéphanie Prost-Boucle

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