Changement climatique et risques 5 min

La forêt mélangée de Font-Blanche : un observatoire pour faire avancer les connaissances sur le fonctionnement des forêts méditerranéennes

Guillaume Simioni, chercheur INRAE dans l'unité Écologie des forêts méditerranéennes, et ses collègues auscultent les cycles du carbone et de l’eau de la forêt de pins d’Alep et de chênes verts de Font-Blanche. L’objectif est d’évaluer et de comprendre les effets du changement climatique sur ce type de forêt. Interview.

Publié le 08 décembre 2015 (mis à jour : 24 septembre 2020)

illustration La forêt mélangée de Font-Blanche : un observatoire pour faire avancer les connaissances sur le fonctionnement des forêts méditerranéennes
© INRAE, Bertrand Nicolas

Au cœur de la commune de Roquefort-la-Bédoule (Bouches-du-Rhône), la forêt de Font-Blanche (5°40 Est, 43°14 Nord. Altitude : 420 m. Précipitations annuelles moyennes : 625 mm) est une forêt méditerranéenne typique, composée d'une strate supérieure de pins d'Alep (atteignant 13 m), d'une strate intermédiaire de chênes verts (6 m) et d'une strate de sous-bois. Les deux espèces dominantes présentent de fortes disparités biologiques, notamment en termes de réponse à la sécheresse. A chaque strate, des trouées permettent à la lumière d'atteindre les strates inférieures - on parle de forêt hétérogène.

En 2007, l’Inra, devenu depuis INRAE, y a installé un dispositif expérimental destiné à caractériser les composantes des cycles de l’eau et du carbone, avec une large gamme de mesures à long terme sur le sol, les arbres, et l’écosystème. Commencent alors les premières mesures avec des capteurs alimentés par des panneaux solaires et des batteries. Dès lors, le site n’a cessé de prendre de l’ampleur : augmentation du nombre de capteurs, des variables suivies, accès au réseau électrique, liaison internet satellite... Depuis fin 2008, s’y trouve également un traitement d’exclusion partielle des précipitations, afin d’étudier les effets de sécheresses augmentées.

Le site expérimental de Font-Blanche accueille des scientifiques d'INRAE et du CNRS et reçoit également des équipes externes sur des projets ponctuels. Il fait partie des infrastructues de reherche européenne ICOS - Système Intégré d'observation du carbone,  pour les flux de carbone et d’eau, et AnaEE - Analyse et expérimentation sur les écosystèmes terrestres et aquatiques, pour l’exclusion de pluie, ou encore du Système d'observation et d'expérimentation au long terme pour la recherche en environnement - SOERE  Tempo pour le suivi de la phénologie.

Les résultats accumulés ont permis de montrer une forte dépendance de la séquestration annuelle de carbone au niveau de sécheresse. Les années sèches ont un fort impact sur la croissance des branches, qui est réduite et dure moins longtemps, ainsi que sur le développement des graines qui peut même s’interrompre. L’étude rétrospective des largeurs de cerne indique que la plupart des années sèches (pluviométrie annuelle de 15 à 46 % inférieure à la normale) n'ont que légèrement affecté la croissance radiale des troncs de pins d’Alep, au contraire des hivers froids et de la sécheresse de 1979, bien qu’on ne note aucune tendance à long-terme.

Prédire un siècle de changements à l’échelle de l’arbre

En parallèle de ces travaux expérimentaux, les scientifiques travaillent sur la modélisation des bilans de carbone et d’eau avec un modèle 3D. Le modèle NOTG prend en compte l'ensemble des processus biophysiques impliqués dans les cycles du carbone et de l'eau : photosynthèse, transpiration, allocation du carbone entre les différents compartiments de l'arbre, stress hydrique, phénologie, décomposition de la matière organique… En outre il peut représenter des forêts multispécifiques en trois dimensions. Il est donc particulièrement pertinent pour couvrir la diversité des typologies forestières méditerranéennes. Il a permis de montrer l'importance de la structure spatiale sur la compétition entre arbres pour la lumière et l'eau dans la forêt mélangée de Font-Blanche. Les résultats suggèrent que le changement climatique pourrait, malgré une baisse de la pluviométrie et selon le scénario climatique, stimuler momentanément la production et la séquestration de carbone des forêts mélangées méditerranéennes. Cependant, à la fin du siècle, le stress hydrique deviendrait trop intense pour que cet effet perdure. En outre, les simulations suggèrent que quel que soit le scénario climatique, la séquestration de carbone diminuerait au cours du temps, à mesure que la forêt, encore jeune aujourd’hui, atteindrait un stade plus mature.

 

Patricia LéveilléRédactrice

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