Changement climatique et risques 3 min

Éléments pour des scénarios conduisant le secteur agricole à la neutralité carbone en 2050

Un groupe de travail composé d’experts INRAE a produit, à la demande du ministère en charge de l’agriculture, des éléments permettant d’établir des scénarios cohérents pour le secteur agricole dans la nouvelle version de la Stratégie nationale bas carbone. Le rapport construit par ces experts* émet des hypothèses de trajectoires de baisse d’émissions de gaz à effets de serre, pour les secteurs de l’élevage et des grandes cultures, à horizon 2030 et 2050.

Publié le 17 avril 2023 (mis à jour : 25 mai 2023)

illustration Éléments pour des scénarios conduisant le secteur agricole à la neutralité carbone en 2050
© INRAE, B. Cauvin

Atteindre la neutralité carbone implique de diviser par 6 les émissions de gaz à effet de serre

Atteindre la neutralité carbone implique de diviser par 6 les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France par rapport à 1990, soit 80 MtCO2eq en 2050 (pour mémoire, les émissions françaises étaient de 458 MtCO2eq en 2015 et 445 MtCO2eq en 2018). Pour y parvenir, différents scénarios sont élaborés à l’horizon 2050 dans le cadre de la nouvelle version de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC3), en mobilisant divers groupes de travail sectoriels, dont un groupe Agriculture et un groupe Forêts/Sols. La Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a demandé une contribution à INRAE pour faciliter la préparation du scénario SNBC3 pour le secteur agriculture, en ciblant en particulier les thématiques suivantes :

  • Évolution des rendements : effets du changement climatique, de la sélection variétale, etc. ;
  • Évolution du bilan azoté en fonction des pratiques de fertilisation ;
  • Alimentation des bovins lait ;
  • Évolution des cheptels (ruminants et granivores) ;
  • Évolution des régimes alimentaires au sein de la population française ;
  • Production de bioénergies (méthanisation, biocarburants, etc.) ;
  • Décarbonation de l’agriculture (réduction de l’usage des énergies fossiles).

Cette contribution a fait l’objet d’un travail d’un groupe d’experts INRAE qui précise des hypothèses en vue de la construction du scénario « avec mesures supplémentaires » (AMS) de la SNBC3, principalement à l’horizon 2050. Le groupe a analysé les évolutions des variables d’intérêt et de leurs incertitudes à l’horizon 2050 et a cherché à mettre en cohérence ces évolutions. Le niveau d’ambition 2030 a été fixé à -26 % d’émissions nettes par rapport à 2015, ce qui correspond à un rythme de réduction de 2,1 % par an de 2022 à 2030 et à -50 % pour 2050. Néanmoins, l’analyse proposée n’a pas fait l’objet d’une modélisation quantitative. Il ne s’agit donc pas d’un « scénario INRAE », mais bien d’éléments de réflexion produits par le groupe d’experts en vue de la construction d’un scénario AMS SNBC3. Par ailleurs, ces travaux portent uniquement sur la faisabilité technique et agronomique des évolutions, et non sur les mesures et instruments de politiques publiques qui permettraient la réalisation de cette trajectoire.

Le rapport produit indique notamment des options techniques à développer pour réduire les émissions des cultures et des élevages en accélérant l’innovation. Les hypothèses prennent en compte les services rendus par l’élevage à la société (souveraineté alimentaires, maintien des paysages et fertilité des sols notamment) et le rééquilibrage alimentaire de nos assiettes.

L'élevage

Dans le cas de l’élevage, la baisse des cheptels bovins est compatible avec les tendances socioéconomiques projetées d’ici à 2030. Pour 2050, plusieurs scénarios sont comparés.

  • Dans le scénario central, les tendances socioéconomiques et la réduction de la consommation de produits animaux pilotent la baisse des émissions directes. L'effort demandé est moindre pour volailles et œuf, compte tenu d'émissions relativement faibles et d'arguments nutritionnels.
  • Dans le second scénario, un objectif de baisse des émissions directes et indirectes (induites par l'alimentation animale) de -40 % pour chaque filière est supposé et la baisse de la consommation s'ajuste à cette cible.
  • Enfin, le troisième scénario vise un objectif de souveraineté alimentaire : augmentation possible du taux d’autoapprovisionnement de la consommation de produits carnés issus d’élevages français, tout en veillant à ce qu'il soit compatible avec une baisse des émissions directes et indirectes de 40 %. Les résultats indiquent qu’un effort important de recherche et d’innovation permettrait d’atteindre l’objectif de réduction de 40 % des émissions directes et indirectes (liées à l’alimentation animale) de l’ensemble des filières d’élevage tout en préservant au maximum les productions.

Entre ces différents scénarios, la réduction minimale de production (2050/2020) est estimée à : -19 % pour le lait, -26 % pour l'élevage allaitant bovin, -36 % pour le porc, -20 % pour les volailles de chair. Dans la plupart des scénarios, l’alimentation évoluerait vers un équilibre entre 50 % de protéines d’origine végétale et 50 % de protéines d’origine animale et respecterait les recommandations nutritionnelles du Plan national nutrition santé. 

Les grandes cultures

Pour l’évolution des rendements des grandes cultures d’ici à 2050, le rapport met en contraste une hypothèse de légère progression des rendements moyens, grâce à des investissements accrus en matière d’adaptation au changement climatique, et une hypothèse de pertes de récolte accrues sous l’effet des chocs climatiques. Le rapport souligne le potentiel de stockage de carbone organique dans les sols, notamment grâce au développement de cultures intermédiaires en partie utilisées pour la méthanisation. Le potentiel de réduction des pertes d’azote (minéral et organique) est estimé à 50 % d’ici à 2050. Malgré la réduction de la taille des cheptels et de l’utilisation d’engrais azotés de synthèse, au niveau national le bilan d’azote pourrait être bouclé grâce à la réduction des pertes d’azote, au développement des légumineuses fixatrices d’azote, au recyclage par les troupeaux et par les digestats issus de la méthanisation. Toutefois, la spécialisation actuelle des régions agricoles (grandes cultures, élevage, etc.) nécessitera des études complémentaires sur le bouclage du cycle de l’azote. Il faudra aussi mieux identifier les leviers d'actions permettant d'atteindre les objectifs climatiques tout en maintenant la compétitivité du secteur agricole, afin d'éviter d’augmenter l’empreinte carbone via des importations accrues de produits agricoles et alimentaires à fortes émissions.

QU'EST QUE LA STRATEGIE NATIONALE BAS CARBONE ?

La Stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC) constitue la feuille de route de l’Hexagone pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et pour assurer l’adaptation effective du pays au climat futur. Elle est constituée de 4 composantes : Loi de programmation énergie climat (LPEC) ; Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3) ; Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2024-2033 ; nouvelle version de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC3).

* Liste des auteurs du rapport : Jean-François Soussana, Thierry Caquet, René Baumont, Nicolas Bernet, Philippe Debaeke, Xavier Fernandez, Christophe Gouel, Jean-Louis Peyraud, Edwige Quillet, Sylvie Recous, Louis-George Soler

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