Agroécologie 3 min

Pratiques agricoles et rendements des cultures céréalières : des résultats modulés par l'impact sur la biodiversité

Des chercheurs d’INRAE ont examiné l’effet des pratiques agricoles et du paysage sur la biodiversité, les fonctions écologiques et les rendements agricoles dans un site d’étude à long-terme du Sud-Ouest de la France. Publiés dans Agriculture Ecosystem and Environnement, leurs travaux montrent que les pratiques agricoles qui diminuent la biodiversité agricole limitent par ailleurs l'expression du potentiel de rendement des cultures. Ils montrent également qu’augmenter l’hétérogénéité des paysages agricoles est un levier d’action considérable pour maintenir la stabilité des rendements agricoles face à des évènements climatiques défavorables plus fréquents

Publié le 01 mars 2022

illustration Pratiques agricoles et rendements des cultures céréalières : des résultats modulés par l'impact sur la biodiversité
© INRAE - A. Vialatte

La disparition de certains milieux semi-naturels tels que les bosquets, les haies, ou les bandes enherbées, liée au regroupement de parcelles cultivées, est une des principales causes de la perte de biodiversité des milieux agricoles. Or, cette biodiversité remplit des fonctions écologiques critiques pour l’agriculture, entre autres la régulation des ravageurs, la pollinisation, la fertilisation des sols. Les effets indirects des pratiques agricoles et des paysages sur les rendements agricoles restent cependant imprécis du fait des interactions entre ces différents facteurs et des variations liées aux conditions météorologiques.

Dans cette étude menée au sein du réseau des acteurs de la recherche en environnement de la "Zone Atelier" Pyrénées-Garonne, les auteurs ont analysé les relations entre ces différents éléments sur des parcelles de grandes cultures céréalières. Ils ont évalué la biodiversité agricole (grâce à l'observation des communautés de carabiques et de la flore spontanée), les fonctions écologiques de contrôle biologique des bioagresseurs et de pollinisation (témoignages du fonctionnement écologique global de l’écosystème), et les rendements en céréales. Ces mesures ont été analysées en relation avec les pratiques agricoles mises en œuvre dans les parcelles (modalité de travail du sol, usage de pesticides chimiques, mode de fertilisation), et en lien avec l’environnement paysager des parcelles, décrit selon la diversité des cultures et la présence d'habitats non cultivés (bois, prairies, haies).

L'efficacité des pratiques agricoles pour l'obtention de rendements élevés : des résultats variables en fonction de l'impact sur la biodiversité

Les analyses montrent que la biodiversité agricole contribue tout autant aux rendements des cultures que les pratiques agricoles. Les pratiques fondées sur l'usage d'intrants chimiques industriels sont associées à une diminution de la biodiversité agricole et des fonctions écologiques. En conséquence, le bilan net des avantages directs de ces pratiques sur les rendements est en fait deux fois moindre que ce que l'on pourrait en attendre, du fait de leurs effets négatifs sur la biodiversité et les fonctions écologiques. En cas de conditions météorologiques défavorables pour la production agricole, ni les pratiques agricoles dites "conventionnelles" ni la protection de la biodiversité agricole au sein des parcelles n’aident au maintien des niveaux de rendement, qui chutent. Cet ensemble de résultat relativise l'intérêt de pratiques agricoles intensives en intrants agricoles pour augmenter les rendements des cultures, dès lors qu'elles induisent la baisse de la biodiversité agricole, elle-même favorable à l'obtention de meilleurs rendements.

Les paysages agricoles hétérogènes : un atout pour la sauvegarde de la la biodiversité agricole, des fonctions écologiques et des rendements

S'agissant de l'environnement immédiat des parcelles cultivées, les auteurs montrent, en concordance avec la littérature internationale, que la complexité des paysages, vue comme une mosaïque de cultures diversifiée accompagnée d’une couverture d’habitats non cultivés, favorise la biodiversité agricole et les fonctions écologiques dans les parcelles. En particulier, les habitats semi-naturels apparaissent comme des zones sources de biodiversité qui contribuent à la résilience des systèmes agricoles en cas d’années météorologiquement défavorables, zones depuis lesquelles la biodiversité agricole peut se rétablir dans les parcelles.

Du fait de l'augmentation de la fréquence des évènements climatiques défavorables à l’agriculture, la recherche d'options qui limitent leurs impacts est d'actualité. Dans ce contexte, les pratiques fondées sur l'apport d'intrants ne semblent pas permettre le maintient des rendements. Les résutats de cette étude invitent à la poursuite de l'exploration de l'intérêt de la biodiversité agricole et des fonctions écologiques pour garantir les rendements des grandes cultures, en particulier dans le cadre de conduites des cultures optimisées pour une expression maximisée des fonctions écologiques.

REFERENCE

Duflot R., San-Cristobal M., Andrieu E., Choisis J-P., Esquerré D., Ladet S., Ouin A., Rivers-Moore J., Sheeren D., Sirami C., Fauvel M. & Vialatte A. 2022.  Farming intensity indirectly reduces crop yield through negative effects on agrobiodiversity and key ecological functions. Agriculture, Ecosystems and Environment, 326:107810, https://doi.org/10.1016/j.agee.2021.107810

AUTEURS

  • Rémi Duflot, agronome, est chercheur en écologie du paysage à à Jyväskylä en Finlande. Il collabore avec l’unité Dynafor depuis son post-doctorat dans cette unité en 2017-2018.
  • Aude Vialatte est directrice de recherche INRAE dans l’unité Dynafor, en agroécologie des paysages. Elle a coordonné avec Mathieu Fauvel le projet MUESLI (IDEX Université de Toulouse)  qui a financé cette étude, et auquel tous les co-auteurs ont participé. A. Vialatte coordonne actuellement une expertise scientifique collective sur la diversité végétale pour réguler les bioagresseurs des cultures, à la demande des ministères en charge de l'agriculture, de la transition écologique, de la recherche et de l'innovation.

En savoir plus

Agroécologie

Pour une meilleure comparaison entre agriculture biologique et conventionnelle

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’évaluation des effets environnementaux de l'agriculture et de l'alimentation fait l’objet de nombreuses études et est au cœur de nombreux débats. Cependant, la méthode d'analyse la plus largement utilisée néglige bien souvent certaines questions essentielles, telles que la biodiversité, la qualité des sols, les impacts des pesticides ou les changements sociétaux. Un chercheur d’INRAE et deux collègues suédois et danois rapportent dans la revue Nature Sustainability que ces oublis peuvent conduire à des conclusions erronées lorsqu’il s’agit de comparer agriculture conventionnelle et biologique.

10 mars 2020

Biodiversité

Des mosaïques de cultures plus complexes pour une plus grande biodiversité dans les paysages agricoles

COMMUNIQUE DE PRESSE - Des chercheurs de l’Inra et du CNRS*, en collaboration avec des équipes allemandes, espagnoles, anglaises et canadiennes, ont examiné l’effet de la taille des parcelles et de la diversité des cultures sur la biodiversité des paysages agricoles. Publiés dans PNAS, leurs travaux montrent qu’augmenter la complexité de la mosaïque des cultures offre un levier d’action considérable (et largement sous-exploité) pour conserver et restaurer la biodiversité des paysages agricoles tout en maintenant les surfaces de production agricole.

Biodiversité

Combiner des pratiques agroécologiques pour conserver les oiseaux dans les vignobles

COMMUNIQUE DE PRESSE - L’intensification des pratiques agricoles et la disparition des habitats semi-naturels aux abords des champs ont conduit à un déclin généralisé des communautés d’oiseaux dans les paysages agricoles européens. Leur conservation est devenue un enjeu majeur pour les régions agricoles, y compris viticoles, à la fois pour les services essentiels qu’ils apportent aux agriculteurs, comme la régulation des ravageurs, mais également pour leur valeur patrimoniale et culturelle. Une équipe internationale coordonnée par INRAE, et impliquant également Bordeaux Sciences Agro et l’Ecole supérieure d’agricultures d'Angers (ESA), a étudié les communautés d’oiseaux de 334 vignobles de 12 régions viticoles en France, en Espagne et en Italie. Leurs résultats, publiés le 11 mai dans la revue Journal of Applied Ecology, montrent que la diversité des communautés d’oiseaux est favorisée par la combinaison de la viticulture biologique, l’enherbement entre les rangs de vigne et la diversité des habitats qui composent le paysage (forêt, haies, prairies…).

11 mai 2021