Avenir : Le modèle agroécologique
Pour répondre aux enjeux environnementaux et favoriser l’autonomie alimentaire, un nouveau modèle agricole est possible.
Publié le 13 octobre 2023
Limiter l’usage des pesticides
Le modèle agroécologique est basé sur un ensemble de leviers, de l’échelle de l’exploitation au paysage, qui permettent de créer un écosystème autoprotecteur et de limiter l’usage de pesticides.
Il met en œuvre de nouvelles formes d’occupation des sols pour maximiser la couverture du sol et diversifier les paysages : agriculture de conservation, relay-cropping, cultures en bandes.
Adapté localement, il s’appuie sur la prévention et les régulations naturelles. Il est aussi favorable à la biodiversité, la gestion de l’eau et la lutte contre le changement climatique.
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1 - Infrastructures paysagères
(haies, arbres, mares, fossés, bandes enherbées… soit 20 % de la surface agricole) favorisent la biodiversité, la qualité de l’eau, limitent le ruissellement.
2 - Variétés génétiquement adaptées
aux cultures en mélange, résistantes aux bioagresseurs et à la sécheresse.
3 - Immunité renforcée
Favoriser le microbiote autour des racines, tiges, feuilles, utiliser des biostimulants pour lutter contre les stress nutritifs ou climatiques.
4 - Bioagresseurs
→ Épidémiosurveillance pour une détection précoce.
→ Biocontrôle (auxiliaires de culture, piégeage, confusion sexuelle, microorganismes, biocide).
5 - Numérique et agroéquipements
→ Outils d’aide à la décision.
→ Capteurs et intelligence artificielle (IA) pour détecter les adventices et les bioagresseurs.
→ Semoirs pour implanter des couverts plurispécifiques.
→ Outils de désherbage mécanique intervenant sur le rang.
→ Robots de désherbage.
6 - Diversification des cultures
Régulation des « mauvaises herbes », des insectes ravageurs et des maladies :
→ mélange de variétés (4 d’une même espèce)
→ mélange d’espèces (céréale et légumineuse)
→ rotations sur 4 ans minimum (alternance des cultures, avec introduction de légumineuses)
→ introduction de cultures nouvelles (sarrasin, légumineuses à graines, fourragères).
7 - Plantes dites « de service » (moutarde, fèverole...)
Plantées entre deux cultures de rente (interculture) ou en couvert pérenne, elles aident à maîtriser les ravageurs et les maladies. Elles piègent aussi le nitrate dans le sol et le protègent (limitent l’érosion, facilitent l’infiltration et le stockage de l’eau et apportent de la matière organique).
8 - Plantes « compagnes » (œillet d’Inde, avoine rude, vesce, fenugrec...).
Plantées entre les rangs de la culture de rente ou en bordure de champ, elles repoussent les insectes ou attirent les auxiliaires de culture (coccinelle, chrysope).
9 - Agroforesterie
En bordure ou au sein d’un champ, les arbres facilitent l’épuration de l’eau et le stockage de carbone dans les sols.
10 - Fertilisation limitée (diminution des engrais de synthèse).
L’utilisation d’association avec les légumineuses permet d’assurer la nutrition azotée des cultures.
11 - Complémentarité avec l’élevage
Apport de matière organique et valorisation des sous-produits.
Si l’agriculture conventionnelle utilisatrice de pesticides représente un système cohérent, l’agroécologie propose un modèle différent tout aussi cohérent. Au lieu de viser l’éradication des bioagresseurs au moyen de pesticides de synthèse, l’agroécologie préconise de les contenir à un seuil acceptable, c’est-à-dire sans conséquences négatives majeures, en favorisant les régulations naturelles : organismes auxiliaires de culture, mécanismes de défense de la plante, diversité fonctionnelle, de la parcelle au paysage.
En résumé, il s’agit de créer un écosystème résilient, autoprotecteur, dans lequel il devient possible de cohabiter avec un certain niveau de ravageurs et de maladies. Il s’agit aussi de surveiller l’émergence des bioagresseurs pour intervenir le plus tôt possible (épidémiosurveillance, piégeage des ravageurs), et, lorsqu’il faut intervenir, utiliser des produits de biocontrôle moins dommageables pour l’environnement.
Sortir de la dépendance aux pesticides
Ce modèle, dont le maître mot est la prophylaxie, permet non seulement de sortir de la dépendance aux pesticides, mais offre d’autres bénéfices, en matière de préservation de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique, avec un meilleur stockage de carbone dans le sol et une meilleure gestion de l’eau (lire Ressources#2). L’agroécologie et l’agriculture biologique ont beaucoup en commun et bénéficient de leurs avancées mutuelles. Basées toutes deux sur les vertus des régulations naturelles, elles peuvent mobiliser les mêmes leviers : prophylaxie, diversification, variétés résistantes, etc. L’agriculture biologique gagnerait à développer des systèmes encore plus diversifiés avec des variétés adaptées, tandis que l’agroécologie gagnerait à adopter le modèle économique de l’agriculture biologique, dont la viabilité repose en partie sur le consentement à payer des consommateurs grâce à un label bien identifié.
Productivité et rentabilité du système agroécologique
Les systèmes agroécologiques, une fois installés et maîtrisés, peuvent être aussi productifs et aussi rentables que les systèmes conventionnels. Au niveau d’une exploitation, la rentabilité est la résultante de plusieurs facteurs.
rentabilité =
production (rendement x surface)
x prix de vente (débouchés)
– coût des intrants (engrais, pesticides…) – équipements (semis, récoltes, tri…) – autres frais (assurances, services…) – travail
Les leviers de l’agroécologie, par exemple la diversification végétale, ont des effets contrastés sur ces facteurs. Parmi les effets favorables, les associations de cultures (céréales-légumineuses en particulier) constituent un puissant levier pour augmenter et stabiliser le rendement des cultures. Les économies d’intrants jouent aussi favorablement sur la rentabilité. Parmi les effets défavorables, figurent le coût des agroéquipements à acquérir pour les semis en mélange, le tri des récoltes, etc. De même, l’implantation d’éléments semi-naturels (haies, bandes enherbées, etc.) peut faire perdre de la surface et doit être soutenue financièrement. Les techniques alternatives de lutte contre les bioagresseurs sont en général également plus coûteuses en main d’œuvre.
Les systèmes agroécologiques, une fois installés et maîtrisés, peuvent être aussi productifs et aussi rentables que les systèmes conventionnels.
La rentabilité peut varier d’une année sur l’autre. Elle doit s’améliorer pendant la phase de transition jusqu’à la maîtrise du système. Elle dépend aussi du développement de filières pour valoriser la diversité des productions au niveau des territoires.
À l’instar de l’agriculture biologique, les systèmes agroécologiques devraient être soutenus par une certification et des prix de vente plus élevés, répercutés au niveau du consommateur, et par des politiques publiques adaptées, et ce d’autant plus que les bénéfices environnementaux des systèmes agroécologiques, bien que difficiles à chiffrer, profitent à l’ensemble de la société (moins de pollution, plus de biodiversité, meilleure gestion de l’eau, lutte contre le changement climatique).
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Pascale Mollier
Rédactrice