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L’additif alimentaire E551 favoriserait la mise en place d’une maladie cœliaque

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Le E551, ou dioxyde de silice, réduit la tolérance aux protéines alimentaires et favoriserait la mise en place d’une maladie cœliaque. Ces travaux pionniers, menés par des chercheurs d’INRAE en collaboration avec l'université McMaster au Canada, constituent une première étape dans l’étude du potentiel toxique de cet additif alimentaire nanométrique présent dans de multiples produits de consommation. Les résultats sont parus le 21 février dans la revue Environmental Health Perspectives.

Publié le 21 février 2024

illustration L’additif alimentaire E551 favoriserait la mise en place d’une maladie cœliaque
© AdobeStock

Le E551, plus communément connu sous le nom de dioxyde de silice, est une poudre constituée de nanoparticules (particules inférieures à 100 nm) utilisée comme additif antiagglomérant dans des aliments secs ou en poudre tels que les soupes, les épices, les préparations infantiles à base de céréales, les cafés solubles et produits chocolatés ou encore les pâtes alimentaires lyophilisées. On le retrouve ainsi dans la liste des ingrédients de plus de 2 600 produits alimentaires de par le monde1. Il empêche la formation de grumeaux, pour préserver le goût, la texture et la stabilité des aliments. Cet additif est également beaucoup employé comme auxiliaire technologique, il est indispensable dans les étapes de transformation des aliments. Dans ce cas il n’apparaît pas dans la liste des ingrédients constituant la recette, mais est tout de même présent dans le produit final. L’être humain est ainsi exposé de façon quotidienne et à faible dose au E551 via son alimentation.

Des chercheurs d’INRAE, en collaboration avec l’université McMaster au Canada, se sont donc interrogés sur les impacts que pouvait avoir cette exposition sur le système immunitaire intestinal. Plus spécifiquement, ils ont exploré son effet sur la tolérance orale aux protéines alimentaires. C’est une fonction essentielle pour la nutrition qui consiste à bloquer, par la mise en place d’une réponse tolérogène dans l’intestin, les réactions immunitaires inflammatoires dirigées contre les protéines des aliments que l’on consomme. Elle est mise en place depuis le tout début de la vie, et sa perturbation est la première étape du développement d’une allergie (arachides, lait de vache, poissons, crustacés, œufs…) ou d’une intolérance au gluten, telle que la maladie cœliaque.

La maladie cœliaque est une maladie auto-immune liée à l’ingestion de gluten (protéine présente dans de nombreuses céréales comme le blé, le seigle et l'orge) chez des personnes présentant une susceptibilité génétique. Elle se caractérise par une inflammation de l’intestin, des douleurs abdominales, une diarrhée, et peut conduire à un amaigrissement et des carences chez les patients. La fréquence de cette maladie continue d’augmenter dans le monde sans que l’on en comprenne complètement les mécanismes responsables. Ici, les chercheurs ont montré chez la souris qu’une exposition quotidienne au E551 pendant 3 mois réduit la mise en place de la tolérance aux protéines alimentaires et favorise l’induction d’une inflammation intestinale, preuve d’une intolérance. Comment ? L’exposition à cet additif réduit le nombre de cellules immunitaires intestinales produisant des molécules anti-inflammatoires nécessaires au maintien de la tolérance aux aliments. En utilisant un modèle de souris génétiquement proche des malades cœliaques, les chercheurs ont ensuite montré qu’un traitement quotidien au E551 aggrave les signes inflammatoires caractéristiques de cette maladie chronique.

Cette étude appuie l’hypothèse que l'exposition chronique au E551 alimentaire pourrait agir comme un composant favorisant le développement d’une intolérance au gluten cœliaque dépendante chez les personnes génétiquement sensibles.

 

Ces travaux2 sont les premiers à identifier un potentiel de danger toxique lié à cet additif, jusqu’alors réputé sécuritaire en alimentation. Afin de garantir que ce potentiel de danger puisse in fine être pris en compte dans l’évaluation du risque de consommation du E551 pour l’humain, les chercheurs ont utilisé des protocoles d’exposition prenant en compte les attentes des agences de sécurité sanitaire des aliments européennes et d’Amérique du Nord (European Food Safety Authority, Santé Canada), en travaillant à des doses humaines, sur le long terme et avec l’additif incorporé à l’aliment.

 

1 https://world-fr.openfoodfacts.org/additif/e551-dioxyde-de-silicium

2 Ces résultats sont issus du projet ANR PAIPITO, Particules Alimentaires : Inflammation, Pathologies Intestinales et Tolérance Orale (2017-2020). L’équipe poursuit les travaux grâce à plusieurs projets financés, en partenariat avec le Laboratoire national de métrologie et d’essai (LNE), le CNRS et l’INSERM, sont en cours jusqu’en 2027.

Référence

Lamas B. et al. (2024). Evaluating the Effects of Chronic Oral Exposure to the Food Additive Silicon Dioxide on Oral Tolerance Induction and Food Sensitivities in Mice. Environmental Health Perspectives, 132, 2, DOI : 10.1289/EHP12758

 

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