Agroécologie 7 min

Les sécrétions nasales des brebis sont modifiées par « l’effet bélier »

L’exposition de brebis non cyclées à un mâle actif lors d’un protocole d’effet mâle réactive une glycosylation de protéines du mucus nasal qui n’existe que chez les brebis cyclées. Ces protéines ainsi modifiées permettraient en retour à la femelle de mieux détecter les odeurs du mâle responsables de la reprise de leur cyclicité.

Publié le 24 février 2023

illustration Les sécrétions nasales des brebis sont modifiées par « l’effet bélier »
© INRAE

Les petits ongulés (dont les ovins et les caprins) ne se reproduisent pas toute l’année ; ils enchaînent deux périodes successives, la période d'activité sexuelle puis le repos sexuel (ou anoestrus saisonnier).Dans les conditions naturelles, la transition entre le repos sexuel et la reprise de l'activité sexuelle chez les deux sexes est induite par la diminution de la durée des jours*. Cependant, les odeurs émises par un mâle sexuellement actif peuvent activer le cycle ovulatoire des femelles en repos sexuel, lorsque celui-ci est peu profond : c’est « l’effet mâle » **.

Les chercheurs de l’USC UGSF et de l’UMR PRC ont précédemment montré*** que le mucus nasal de ces animaux contient des protéines jouant un rôle dans l’olfaction (OBP en anglais). Elles constituent le « sécrétome olfactif », dont la composition est déterminée par le statut du cycle d'œstrus des femelles et diffère entre les périodes de repos sexuel et d'activité sexuelle. Chez la brebis, le passage entre ces deux périodes induit l'expression d'isoformes d’OBP O-GlcNAcylées**** qui n’existent pas en période de repos sexuel. Ce changement de composition du sécrétome olfactif pourrait traduire un mécanisme permettant aux brebis de détecter les odeurs de mâles, uniquement lorsqu’elles y sont réceptives.
L'objectif de cette étude était de tester l'hypothèse selon laquelle l’exposition à un mâle actif induit une modification de la composition du sécrétome olfactif de brebis en repos sexuel vers un sécrétome typique de l’activité sexuelle.

L’essai développé à l’UE PAO a impliqué 12 brebis : 6 ont été soumises à l’effet mâle (stimulées) et 6 n’ont pas été stimulées. Le mucus nasal a été prélevé de façon non invasive en essuyant les narines à l’aide d’une compresse stérile puis sa composition est analysée par les méthodes de protéomique. Ce prélèvement a été effectué de la même façon sur les 12 brebis (stimulées ou non), 24 h avant, quelques minutes après (T0) puis 30 min, 6 h, 24 h, 48 h et 7 jours après l'exposition au mâle des brebis stimulées. Le taux de progestérone plasmatique a également été suivi durant cette période sur les 12 brebis.

L'efficacité de l’effet mâle a été faible chez les brebis stimulées, car seulement 3 femelles sur les 6 présentaient des niveaux élevés de progestérone dans leur sang. Cette faible efficacité reflète la réalité de cette pratique sur le terrain, puisqu’environ 50 % des brebis seulement répondent en général à l’effet mâle.  En outre, la moitié des brebis non stimulées étaient cyclées au moment du test de l’effet mâle. Malgré le faible nombre de brebis réceptives, un profil spécifique de sécrétome olfactif a été observé : l'apparition d’O-GlcNAcylation des OBP, précédemment détectée uniquement en période d'activité sexuelle, apparaît dès 30 minutes seulement après la mise en contact avec le mâle. Ainsi, l’odeur du mâle provoque l’activation de la O-GlcNAcylation des OBP des femelles, ce qui suggère la mise en place d’un équipement sensoriel spécifique à l’activité sexuelle.

Les résultats de cette étude exploratoire nécessitent d’être confirmés sur un plus grand troupeau mais ils ont permis d'établir un lien entre le statut hormonal et la composition du sécrétome olfactif des brebis stimulées par l’odeur du mâle, qui pourrait éventuellement être utilisée comme marqueur de la réceptivité des brebis à l'odeur du bélier. Pour cela, on peut envisager de mettre au point un test antigénique mettant en contact un écouvillon de sécrétome olfactif et les anticorps qui reconnaissent la GlcNAc

 

*Chez la plupart des races ovines, la période d'activité sexuelle débute à la fin de l'été et durant l’automne, pour se terminer à la fin de l'hiver et au printemps. C’est la période naturelle de reproduction pour cette espèce. Durant le printemps et l'été, la saison d'anoestrus s'installe.

**L'effet mâle constitue une alternative aux traitements hormonaux car il permet l'induction et la synchronisation des chaleurs chez les femelles pendant leur repos sexuel, à condition qu'elles soient réceptives mais non cycliques, juste avant ou juste après la saison sexuelle. Concrètement, cette stratégie permet aux éleveurs de produire des agneaux toute l’année, pour répondre à la demande des filières et des consommateurs, sans recourir à l'administration d’hormones.

***Cann, P.; Chabi, M.; Delsart, A.; Le Danvic, C.; Saliou, J.M.; Chasles, M.; Keller, M.; Nagnan-Le Meillour, P., 2019. The olfactory secretome varies according to season in female sheep and goat. BMC Genomics, 20 (1): 17. http://dx.doi.org/10.1186/s12864-019-6194-z

****Les isoformes de protéines de type Odorant-Binding Protein (OBP) O-GlcNAcylées ont subi une O-GlcNAcylation (addition de O-b- N-Acétylglucosamine).

Sylvie AndréRédaction

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