Alimentation, santé globale 3 min

Le goût, une affaire de nez ? 80 clés pour comprendre le goût

Cet ouvrage propose de découvrir comment fonctionne le sens du goût au travers de 80 questions, d’anecdotes et de nombreuses illustrations.

Publié le 01 octobre 2020

illustration Le goût, une affaire de nez ? 80 clés pour comprendre le goût
© INRAE

Le goût est une expérience à multiples facettes qui met en éveil tous nos sens. C’est un sens si familier qu’il faut en être privé pour en mesurer l’importance et la complexité.

Savez-vous, par exemple, que nous goûtons avec le nez ? Pourriez-vous définir les différentes saveurs ? Pourquoi avons-nous tous des goûts différents ? Peut-on perdre le sens du goût ? 

Les scientifiques ont maintenant bien identifié les récepteurs qui permettent à nos papilles de percevoir les saveurs. Ainsi, nous possédons 25 récepteurs à l’amertume contre un seul type de récepteur à la saveur sucrée !

En outre, la connaissance des gènes du goût permet aujourd’hui de comparer les récepteurs gustatifs entre espèces animales. Le chat, par exemple, ne perçoit pas le goût sucré alors que le dauphin est insensible à l’amertume. On a aussi trouvé de nombreux récepteurs du goût dans des organes et tissus inattendus. Auriez-vous imaginé que le récepteur à la saveur sucrée était présent dans l’intestin et le cerveau ? 

Préparez-vous à être étonnés par ce sens subtil qui donne saveur à la vie et qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Un vrai bonheur pour les gourmets !

L’auteur, Loïc Briand est directeur de recherche à INRAE. Spécialiste en biologie moléculaire et cellulaire, il travaille au Centre des sciences du goût et de l’alimentation à Dijon il étudie les récepteurs du goût et des protéines végétales sucrées

Editions Quae - coll. Clés pour comprendre, 144 pages, octobre 2020 – 19 euros

EXTRAITS

• Puisque le rôle physiologique du sens du goût consiste à orienter les choix alimentaires, celui-ci a naturellement des conséquences importantes sur le régime alimentaire. Plus un système gustatif est performant, plus il permet d’évaluer une variété importante d’aliments. C’est le cas d’un omnivore comme l’être humain.

Un omnivore ou un herbivore se trouve notamment confronté aux stratégies de protection développées par les plantes. Celles-ci déploient en effet toute une batterie de composés toxiques pour se protéger des insectes et des pathogènes. Un animal ayant un régime végétal varié sera donc exposé à des risques élevés d’empoisonnement par les poisons végétaux. Pour faire face à ce danger, les scientifiques pensent que le règne animal a développé le goût amer. Cela expliquerait que les animaux herbivores possèdent un équipement en récepteurs et des capacités importantes pour détecter l’amertume. Dans cette logique, les animaux carnivores possèdent, en général, une sensibilité gustative moins développée pour reconnaître ce qui est amer, car elle leur serait peu utile. Mais à la différence des herbivores, ils sont dotés d’une sensibilité et d’une appétence élevées pour les acides aminés (qui génèrent la saveur umami). Ces acides aminés peuvent être présents sous forme libre ou avoir pour origine la dégradation des protéines (on parle alors de protéolyse). À l’instar de la saveur sucrée pour certains animaux, on pense que le rôle physiologique de la saveur umami est de signaler aux carnivores la présence de protéines essentielles. Les oiseaux, quant à eux, du fait qu’ils exploitent avant tout leur vision très performante dans leur recherche alimentaire (graines, insectes, fruits), ont un sens du goût très peu performant. C’est aussi le cas des mammifères marins, comme les dauphins ou les baleines, qui possèdent un système olfactif et gustatif faiblement développé : leur régime alimentaire, essentiellement à base de poissons, limiterait leur risque d’empoisonnement. De récentes études génétiques ont permis d’identifier et de comparer les équipements en récepteurs gustatifs de nombreuses espèces animales. On a ainsi observé que certains animaux carnivores, comme les félins, qui se nourrissent exclusivement de viande, sont incapables de percevoir le goût sucré à cause d’un gène défectueux. Ces études ont confirmé le rôle physiologique du goût et montré la corrélation entre le nombre et la présence de tels ou tels détecteurs du goût chez une espèce et ses performances gustatives (lorsqu’elles sont connues) ainsi que son régime alimentaire.

 

• Pensez-vous que le goût du pain serait différent si la mie et la croûte étaient vertes, si le fromage était rose ou si le vin était bleu ? Eh bien oui ! On sait que la couleur des aliments a un impact important sur la perception de la flaveur. De nombreuses études ont été menées pour le démontrer scientifiquement.

Prenons l’exemple du vin, assez emblématique car sa dégustation suit un protocole très codifié, qui emprunte à tous les sens impliqués dans le goût. Elle commence par une description analytique de son aspect visuel. Vient ensuite une description des arômes volatils, puis des propriétés gustatives de la boisson. Enfin, se fait la mise en bouche. Cette dégustation est accompagnée de nombreux commentaires, où l’on emploie des termes plus ou moins précis et adéquats. Il se trouve qu’une étude, conduite en collaboration entre l’université de Bordeaux et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de Montpellier, a montré que la simple couleur d’un vin pouvait modifier sa perception olfactive. Dans cette étude publiée en 2001, les chercheurs ont proposé à 54 dégustateurs avertis de goûter deux verres de vin. Un premier verre contenait du vin blanc, alors que le second contenait le même vin blanc, mais teinté en rouge avec un colorant de goût neutre. Tout ça, bien entendu, à l’insu du groupe d’experts. Les chercheurs ont observé que les dégustateurs faisaient - très logiquement - des commentaires avec des qualificatifs de vin blanc pour le premier verre, mais que ces qualificatifs empruntaient radicalement le vocabulaire du vin rouge pour le deuxième verre, lui trouvant les caractéristiques olfactives de ce dernier. Cette expérience montre à quel point la couleur peut tromper jusqu’à des œnologues avertis. Les prétentions d’expertise chimiosensorielle des dégustateurs en ont pris un sacré coup ce jour-là !

D’autres études scientifiques ont montré, cette fois-ci, que l’intensité de la couleur ou la teinte pouvait modifier la saveur perçue. Par exemple, plus un sirop de fraise est rouge écarlate, plus il semble sucré, alors que la quantité de sucre est identique. Dans une autre expérience, les chercheurs ont fait goûter à des volontaires trois citronnades strictement identiques sur le plan gustatif, mais teintées avec différents colorants. L’une était jaune pâle, l’autre brune et la dernière rose. On a ensuite demandé aux participants de décrire la saveur de chacune d’elles. La majorité a décrit des saveurs différentes pour les différents sodas. Ainsi, la couleur des aliments altère aussi la perception de leur saveur. La couleur jaune renforce la saveur du citron, le vert celle de la menthe, le bleu semble augmenter la saveur salée ou le côté désaltérant, quand la couleur rose renforcera la sensation de saveur sucrée.

(...)

Enfin, même des aliments traditionnels peuvent soudain se parer de couleurs insolites, quitte à bousculer les habitudes culturelles... lorsqu’elles ne sont pas infranchissables. Pour preuve ces pains de couleur verte ou bleue que l’on peut trouver aux États-Unis et au Canada et qui seraient inconcevables chez nous ! Reste à savoir ce que le consommateur pense y trouver de différent...
 

 

En savoir plus

Olivier Lalouette, le goût de l’appui

Olivier Lalouette est depuis 2010 l’administrateur du Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation, à Dijon. Aidé d’une équipe de 15 personnes, c’est lui qui coordonne avec brio les services d’appui de cette UMR (AgroSup Dijon, CNRS, Inra, université de Bourgogne) spécialisée dans l’étude du comportement alimentaire, de sa régulation et des conséquences sur le bien-être et la santé. Il reçoit le laurier 2019 d’appui à la recherche de l’Inra.

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