illustration  Dominique Chèneby, la prévention dans les gènes
© INRAE - Christophe Maître

Société et territoires 7 min

Dominique Chèneby, la prévention dans les gènes

Dominique Chèneby conjugue professionnalisme et rigueur avec une très grande humanité. Sa carrière, du labo jusqu’à la prévention des risques, a pour fil rouge la santé et ses liens avec l’environnement. Conseillère de prévention au centre INRAE Bourgogne – Franche-Comté, Dominique reçoit le laurier INRAE d’appui à la recherche 2020.

Publié le 08 décembre 2020

Dominique Cheneby était légèrement en retard au rendez-vous prévu pour la rédaction de son portrait. Pour une bonne raison : la conseillère prévention du centre INRAE Bourgogne-Franche-Comté a dû décaler l’entretien… pour aller distribuer des masques anti-COVID aux agents ! Entre anticipation et action, l’anecdote résume parfaitement l’importance que Dominique accorde à sa mission.

La prévention, c’est dans l’ADN de Dominique.  "C’est comme si elle avait une machine à évaluer les risques dans la tête », sourit Christine Martinez, qui a travaillé avec elle entre 2015 et 2020 en tant que Directrice des Services d’appui (DSA) à Dijon. Anticiper le danger et tout faire pour minimiser l’exposition aux risques, Dominique a cela chevillé au corps depuis toujours, renchérit Nathalie Munier-Jolain, Présidente du Centre Bourgogne-Franche-Comté. Une préoccupation qui remonte à l’enfance, lorsqu’à 8 ans, elle voit une camarade de classe de neige victime d’un grave accident à cause d’une remontée mécanique pas aux normes de sécurité.

Des débuts de microbiologiste

Si la prévention des risques est une vocation pour Dominique, c’est pourtant à la paillasse qu’elle passe la première partie de la carrière. Après une maîtrise de biochimie obtenue en 1983, elle enseigne les sciences en collège pendant quelques mois. Très vite, elle devient formatrice en chromatographie en phase liquide dans un laboratoire pharmaceutique. Elle y développe des méthodes d’analyse et remplit des fonctions de contrôle qualité. Au bout de quatre ans, Dominique a un peu l’impression de tourner en rond et recherche un métier plus stimulant.

C’est ainsi qu’en 1988, elle rejoint le laboratoire Inra (devenu depuis INRAE) de microbiologie des sols à Dijon. Pendant six ans, elle gère des programmes dans le cadre de la thématique minéralisation et immobilisation de l’azote dans le sol à travers la biomasse microbienne.

Elle valide un DEA en 1995 puis se lance dans un travail de recherche de longue haleine sur l’activité microbienne de dénitrification dans les sols en lien avec la production de protoxyde d’azote (N2O), un gaz à effet de serre. Au tournant du siècle, Dominique soutient une thèse de doctorat portant sur la caractérisation de la microflore dénitrifiante des sols agricoles en relation avec leur aptitude à émettre du N2O au cours de la dénitrification et contribue à développer des projets de recherche pendant une dizaine d’année avec Laurent Philippot, devenu depuis un spécialiste mondialement reconnu de ce sujet.

En 2010, elle est élevée au grade de chevalier de l’ordre du Mérite agricole pour l’ensemble de ses recherches en écologie microbienne. Mais c’est aussi son engagement en tant qu’animatrice de la démarche qualité de son UMR qui est salué. Après plus de 20 années de travail au labo, Dominique commence à avoir envie d’autre chose. Toujours en 2010, elle décroche un Master 2 Ergonomie et gestion des risques professionnels avant de devenir en 2011 conseillère prévention du Centre dans le cadre d’une mobilité.


Une fonction en accord avec ses valeurs

"Ma vie de chercheuse était très orientée sur l’environnement et donc indirectement sur la santé humaine."

"C’est dans cette voie que j’ai voulu m’investir ces dernières années. Devenir Conseillère prévention m’a donné l’opportunité de satisfaire cette aspiration qui correspond à mes valeurs," raconte Dominique. Des valeurs qui coïncident avec les thématiques de l’agronomie, de l’environnement et de la sécurité alimentaire que porte l’Institut. "Travailler à INRAE, c’est pour moi une grande fierté. Il existe ici un sentiment d’appartenance à quelque chose qui nous prend, pour lequel on a envie de donner le meilleur de soi-même. Ce n’est pas juste un boulot"

C’est donc dix ans après avoir obtenu le «poireau», que Dominique récolte aujourd’hui ce laurier couronnant le volet «appui» de sa carrière. Le clin d’œil est savoureux pour cette amatrice de permaculture qui aime cuisiner les produits de son potager! Elle se sent «très honorée» de recevoir cette récompense: pour moi qui n’ai pas eu un parcours linéaire, c’est une reconnaissance importante de l’implication que j’ai essayé de montrer depuis plus de 30 ans.

Justement, lorsque Dominique regarde son parcours, c’est la curiosité, l’envie de tester de nouvelles choses et de les transmettre qui en constituent le fil rouge.


Un fort investissement durant la crise sanitaire

"La crise du Covid-19 a mis en lumière tout le travail effectué dans l’ombre"

Evidemment, en tant que Conseillère prévention du Centre, la crise liée à l’épidémie de Covid a été pour Dominique une période d’activité intense. «Je me suis beaucoup investie pour garder du lien durant le confinement et préparer la reprise d’activité sur site. J’ai eu à cœur de faire en sorte que tout soit prêt pour que les agents reviennent sur le Centre avec sérénité et confiance, qu’ils ne se sentent pas perdus, mal informés ou en danger.»

Il faut dire que sous l’impulsion de Dominique, la cellule de crise du Centre était bien entraînée. Quelques mois seulement avant la pandémie, la Conseillère Prévention avait organisé un exercice grandeur nature dans le cadre du Plan d’Urgence Interne (PUI). Ce jeu de rôle géant a permis d’entraîner le collectif à agir en cas de situation d’extrême gravité. «La Prévention, c’est un peu ingrat.On n’est pas perçus comme «facilitants», reconnaît Dominique. «Mais la crise du Covid-19 a mis en lumière tout le travail effectué dans l’ombre : nous avions entretenu un stock de masques suffisant et avec des dates de péremption à jour. Aucun agent du centre n’a manqué de protection, que ce soient les personnels d’astreinte au plus fort de la crise ou bien depuis le déconfinement» se réjouit-elle.

Cette réussite, elle en partage le crédit avec Corinne Lagrèze, l’assistante administrative du service prévention. «Si j’ai pu montrer de l’efficacité, c’est aussi grâce à l’appui que m’apporte Corinne. Au fil des années, nous avons développé un véritable esprit d’équipe», insiste Dominique Chèneby avec reconnaissance.

"Professionnelle» et «humaine», tels sont les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des agents qui côtoient Dominique. « Elle peut être très stricte si elle détecte une élévation du niveau de risque, mais elle est capable de retrouver le sourire deux minutes plus tard », résume Christine Martinez, qui conclut : Dominique a un grand cœur. Je suis fière d’avoir travaillé avec elle.


Et après ?

Avant la crise du COVID, Dominique Chèneby avait dans l’idée d’organiser sur le centre un exercice géant de situation de crise grave. Je vais attendre 2022 ou 2023, le temps que nous digérions la crise actuelle !», sourit-elle. Si Dominique n’a pas encore décidé quand elle prendra sa retraite, elle prépare tout de même le passage de relais en rédigeant dès maintenant les protocoles et les «façons de faire» du service Prévention. En parallèle, elle travaille sur la conformité du Centre à la norme ISO 45001, qui spécifie les exigences pour un système de management de la santé et sécurité au travail.


Les Lauriers 2020