Société et territoires 3 min

Quelles agricultures irriguées demain Répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire et du développement durable

PARUTION - Cet ouvrage développe les enjeux et les défis de l’agriculture irriguée en France et dans les pays du Sud.

Publié le 05 mars 2020

illustration Quelles agricultures irriguées demain Répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire et du développement durable
© INRAE

L’agriculture irriguée produit plus de 40 % de l’alimentation mondiale sur moins de 20 % des terres cultivées. L’irrigation, qui consiste à agir sur le cycle naturel de l’eau pour conduire et sécuriser les cultures dans des contextes géographiques où les pluies sont soit insuffisantes soit aléatoires, est indispensable à la sécurité alimentaire mondiale sujette au défi démographique. Pour autant, les enjeux d’une agriculture irriguée durable sont multiples pour répondre aux nécessités actuelles et futures : gestion intégrée de la ressource en eau, équité sociale pour les agriculteurs par rapport à l’allocation des terres et de l’eau, viabilité économique et financière des systèmes irrigués, gouvernance de l’eau et institutions adaptées, économie d’eau et valorisation des eaux usées, pratiques agroécologiques pour concilier productivité et défis environnementaux et climatiques, et préservation de la biodiversité, sont autant de dimensions dont il est nécessaire de tenir compte.

Cet ouvrage apporte des éclairages sur ces différents défis, à partir de retours d’expériences issus de plusieurs décennies d’actions de développement de l’agriculture irriguée à l’international, conduites en particulier dans le cadre du projet COSTEA - comité scientifique et technique de l’eau agricole.

 

Les auteurs

Sami Bouarfa, chercheur en sciences de l’eau à INRAE, s’intéresse aux impacts environnementaux de l’irrigation, notamment au Maghreb. Il est secrétaire général de l’AFEID et chef du projet COSTEA.

François Brelle, ancien président de l’AFEID, ingénieur dans les domaines de l’eau urbaine et rurale à la Société du Canal de Provence ; il s’est investi dans de nombreux projets d’irrigation au Maghreb, au Sahel et en Haïti.

Caroline Coulon, ingénieure agronome, est spécialisée en gestion de l’eau, des milieux cultivés et de l’environnement, et anime le projet COSTEA à l’AFEID.

 

Editions Quae, coll. Matière à débattre et décider – 212 pages, mars 2020 – 29 euros

 

EXTRAITS

La création d’infrastructures hydro-agricoles modifie en profondeur l’espace rural, au point que l’on peut considérer que se crée alors un territoire particulier correspondant à ce que l’on va appeler le système irrigué. Ce territoire se caractérise, d’une part, par des éléments physiques (topographie, sol, climat, etc. et infrastructure) et, d’autre part, par des construits sociaux et économiques.

Pour Elinor Ostrom (1992), le système irrigué « comprend la structure physique, les usagers, les organisations chargées de sa gestion et les règles dont les usagers et d’autres intervenants se servent pour gérer le système »*.

La structure physique, ou infrastructure hydro-agricole, est un ensemble d’ouvrages et de canaux ou de canalisations enterrées d’usage collectif qui permet de gérer l’eau (distribution et drainage) sur un espace donné. Cet espace et l’infrastructure qui le parcourt constituent le périmètre irrigué, la dimension physique du système irrigué. L’infrastructure ainsi définie est par nature collective, par opposition à des secteurs d’irrigation individuelle où chaque producteur dispose de son propre équipement qui lui permet de prélever directement dans la ressource (souterraine ou superficielle) et d’utiliser l’eau dans son exploitation, sans dépendre d’une organisation collective.

Les usagers du système irrigué sont les agriculteurs utilisant l’infrastructure hydro-agricole à des fins d’irrigation et/ou de drainage pour la mise en valeur agricole du périmètre. Ils constituent une communauté reliée par l’usage partagé d’une ressource et d’un aménagement. Il faut également considérer d’autres usagers directs (éleveurs, usagers domestiques, etc.) ou indirects (ceux utilisant les retours vers les drains ou la nappe), et des acteurs associés (gestionnaires, filières d’intrants ou de produits, personnes impliquées dans la création de règles, écosystèmes associés, ...) qui sont aussi concernés par le système.

(...) La dimension sociale du système irrigué est constituée par les usagers, les organisations et les règles de gestion.

La dimension sociale du système irrigué est constituée par les usagers, les organisations et les règles de gestion

La définition d’Elinor Ostrom doit également être complétée par une dimension économique. En effet, le système irrigué a pour objet la création de richesse par la mise en valeur du territoire. Il se caractérise donc également par les activités économiques qui s’y réalisent : la production (végétale et animale), les moyens de production (y compris les exploitations agricoles dans leur diversité et le foncier) et toutes les activités en amont et en aval de cette production (filières).

Enfin, le système irrigué s’inscrit dans un environnement plus large. Les relations du système avec cet environnement sont déterminantes pour son fonctionnement et en particulier :

• l’accès du système à la ressource en eau dépend à la fois des caractéristiques physiques de cette ressource (aquifère souterrain, lac, cours d’eau, etc.) et de ses règles d’allocation et de gestion définies par une autorité qui dépasse en général le système ;

• les impacts du périmètre irrigué sur l’environnement (eau, sol, biodiversité) vont au-delà des limites du périmètre ;

• la structure foncière et sa stabilité reposent sur un cadre légal national et des pratiques locales ;

• la production agricole du système dépend de filières amont pour les intrants et de filières aval pour sa valorisation (stockage, transport, transformation, commercialisation, etc.) ;

• le bassin d’emploi est souvent plus étendu que le périmètre ;

• les règles de gestion et la nature des organisations qui peuvent se mettre en place dépendent d’un cadre institutionnel et réglementaire de niveau national, voire international.

Cette liste non exhaustive de relations montre que, tout en constituant une entité à part entière, le système irrigué ne peut être considéré ni caractérisé indépendamment de cet environnement, dans toutes ses dimensions physiques, sociales, économiques, institutionnelles, politiques et environnementales.

Il existe ainsi une très grande diversité de périmètres et de systèmes irrigués en termes de caractéristiques physiques et techniques (superficie, origine de la ressource, nature des ouvrages, etc.), institutionnelles (nature des organisations, cadre légal et réglementaire, institutions nationales, etc.), sociales (organisation de la société, structures des ménages, etc.), foncières (statuts, partage du foncier) et économiques (types de productions, filières, structure des exploitations agricoles, etc.).

* Traduction par Philippe Lavigne Delville (1997).